Toby était en train de lire un livre de physique, l'un des rares qu'il avait emporté avec lui, plus pour se rattacher à quelque chose de concret dans ce monde inconnu que pour réellement l'étudier car il l'avait déjà lu plusieurs fois. En fait, il le connaissait presque par cœur. Plus tôt dans la journée, il était allé chercher la fille de Billie, sa colocataire, à l'école puisqu'il avait eu l'institutrice de la petite au bout du fil, inquiète de ne pas voir la demoiselle venir chercher son enfant. Il avait expliqué qu'il était son colocataire, que Billie avait un empêchement à cause de son travail et qu'il se chargerait de raccompagner la gamine à bon port. On ne lui en avait pas demandé davantage. De toute façon, il suffisait de voir comment Beverley lui avait sauté dans les bras quand elle l'avait aperçu devant l'établissement scolaire pour savoir qu'il devait être quelqu'un de bien pour la joyeuse petite enfant.
Lorsqu'ils étaient rentrés, il avait fait des pâtes, qu'ils avaient mangé ensemble avant de faire une séance de dessin. Le reste des pâtes, il l'avait mis au frigo, au cas où la mère de ce petit monstre rentrerait affamée. Le fait de changer tout le temps de boulot avait cela de bon que Toby était souvent libre et il devait avouer que s'occuper de la fille de sa colocataire lui faisait beaucoup de bien. Lui qui n'avait jamais connu ce genre de relation fraternelle/paternelle avec quelqu'un. Beverley avait eu l'air de l'adopter assez rapidement bien qu'au début elle ait longtemps trouvé le Monsieur très bizarre.

Ce fut alors qu'il lisait ce si précieux livre de physique qu'il entendit un bruit sur le côté. L'on venait de frapper à la fenêtre. Il n'eut même pas à lever les yeux pour savoir qu'il s'agissait de Billie. Cela arrivait souvent en fait qu'elle passe par les escaliers de secours. Elle avait de la chance qu'il soit encore éveillé. Toby rangea le livre dans un des tiroirs de sa commode (car il ne voulait pas qu'elle sache ce qu'il lisait, elle ne savait de lui que le fait qu'il était un marginal, bon qu'à faire des boulots « de base », pas un génie) avant de s'approcher de la fenêtre et de l'ouvrir. Il sourit malicieusement.
« Tiens tiens, un petit oiseau. » déclara-t-il avant de la laisser se faufiler à l'intérieur. « Tu as encore oublié tes clefs ? » dit-il sur un ton très taquin. Il aimait énormément la taquiner. C'était quelque chose qu'il n'avait jamais fait avec personne auparavant. Certainement car il n'avait jamais eu assez de complicité avec qui que ce soit. Au centre de recherches, tout le monde n'était qu'une sorte de machine.

Toby rit légèrement face à la façon dont Billie s'était qualifiée elle-même. Elle avait un don pour se trouver des surnoms et trouver des surnoms à tout le monde, sauf que celui-ci était particulièrement péjoratif. Toby s'écarta un peu toujours en riant. « C'est vrai que quand je compare l'image d'une poule mouillée à celle que tu m'offres maintenant, elles sont très semblables ! » Et bien oui, elle lui avait tendu une perche, il la saisissait. Toutefois, lorsqu'elle fut entrée, il se hâta d'aller sortir une serviette d'un des placards de la chambre et de la lui tendre afin que la demoiselle puise se sécher sereinement. « Ah bah ça oui, t'as complètement réussi ! » Il riait encore, parce qu'il gardait à l'esprit l'image de la fameuse poule pleine de flotte qui vous regarde d'un air à la con en espérant pouvoir sécher rapidement. Mais il cessa de rire pour la regarder lorsqu'elle s'approcha, lui affirmant qu'un sourire pouvait être fort séduisant. Il était vrai que Toby était vraiment naze en matière de relations humaines. Il comprenait ce qu'était la peine, la tristesse, l'amour et toutes sortes d'émotions et de sentiments car il en avait ressenti, lui aussi. Mais il ne comprenait pas encore quels étaient les codes verbaux et physiques à éviter ou au contraire, à montrer, en société. Ses joues rougirent l'espace d'un instant. « Séductrice... ah bah ce serait amusant à voir tiens donc ! » dit-il après avoir été gêné l'espace d'un moment. Certainement était-ce le but recherché par son interlocutrice.

Puis, elle lui présenta quelque chose qui avait l'air vraiment, mais vraiment délicieux. Il n'avait pas encore eu le temps d'y goûter, ce qui était fortement dommage, car depuis son arrivée en ville, la bouffe était un élément central. Il s'empara de ce que Billie lui tendait avec enthousiasme avant de le renifler et de l'observer. « Ca s'appelle Brownie parce que c'est brun ? » demanda-t-il. Question bête, mais il avait tendance à poser énormément de questions. Et oui, parfois ce qui saute aux yeux n'est pas la bonne solution et il était hyper bien placé pour le savoir ! « Merci, c'est super sympa de penser à ton petit alien ! » déclara-t-il en souriant avant de croquer un morceau. Et ça lui plut, forcément car c'était du chocolat ! Il ferma les yeux. « J'adore ! » s'exclama-t-il. « Tu sais ce qui est bon, toi ! » continua-t-il ensuite. Billie aimait lui faire découvrir plein de choses. Elle trouvait cela presque naturel qu'il doive apprendre ce genre de choses que les enfants américains de base connaissent depuis toujours... Du moins, elle ne lui a jamais posé de questions sur son origine, sur son comportement étrange. Jamais. Certainement l'appréciait-elle tout bonnement pour ce qu'il était. Tout comme le jeune homme appréciait Billie pour ce qu'elle était. « Si tu as faim, il y a des pâtes dans le frigo. Mais faudrait d'abord que tu te sèches avant de tomber malade ! » Toby avait déjà eu à faire à la maladie comme tout le monde. Ce n'était pas parce qu'il était enfermé dans un centre qu'il allait toujours impeccablement bien. D'ailleurs, une fois il a travaillé sur les souches d'un virus très agressif, et il a réussi à le chopper.

Le trentenaire ne comprenait pas tellement où son amie et colocataire voulait en venir avec ses regards et son histoire de séduction, mais il rougissait comme un enfant. Le regard qu'elle posait sur elle était si intense et insistant qu'il en frémissait. On aurait dit qu'elle le regardait comme un très bon dessert situé dans la somptueuse vitrine d'une excellente pâtisserie. Cela lui faisait un drôle d'effet. Il avait la sensation qu'il aimerait la serrer dans ses bras, s'élancer vers elle pour la serrer dans ses bras.... et l'embrasser. Bizarre comme idée, absolument illogique même, alors il l'ignora. Pas la peine de rendre la situation compliquée. Déjà qu'elle le trouvait étrange au point de le dénommer « alien » alors s'il se mettait à avoir un comportement encore moins explicable que celui qu'il avait d'habitude, elle finirait par le chasser. Souriant, il continua à mordre dans son brownie tout en la regardant ôter ses vêtements et se diriger vers la pièce d'à côté pour se changer. Aucun d'eux n'avait de pudeur en ce qui concernait l'autre. Du moins, du côté de Toby, il n'y avait aucun problème. Il ne se rendait pas compte que nus comme des vers, ils pouvaient très bien s'adonner à des jeux plus intéressants que de banales conversations à propos de gâteaux.

Il sourit en entendant la jolie voix de Billie.  La question qu'elle lui posa le fit sourire et même rire largement. Il leva les yeux un instant au ciel. Il n'était pas idiot tout de même. « C'est écrit sur le paquet. Et je t'avoue que je sais lire. » affirma-t-il en riant. Oui, il avait appris à faire des pâtes car la petite lui en avait réclamé. Depuis qu'il était en liberté, il se fascinait pour la cuisine. C'était comme des expériences de chimie et de biologie, il fallait tout doser et faire attention à ne pas faire de conneries afin d'obtenir en fin de compte un résultat cohérent.
Il toussa en entendant parler de sa planète. « Je viens de la même que la tienne... » souffla-t-il en se disant qu'il était temps pour lui aussi de se changer en pyjama. Il fit donc quelques pas vers son armoire, en déboutonnant son jean et l'ôtant sans gêne devant Billie qui venait de faire réapparition. Il lui envoya un nouveau de ses sourires charmants, un peu enfantin mais qui ferait fondre les cœurs, tout en s'approchant pour lui déposer un petit baiser contre la joue. Elle était tellement mignonne avec ce petit surnom d'alien et sa façon de communiquer avec lui. Et il lui était complètement redevable pour le toit qu'il avait au-dessus de la tête. Il passa une petite main sur la joue de la demoiselle, sans songer que ce geste pouvait vraiment montrer des tas de choses sur son état d'esprit. « Tu veux que je te foute les pâtes au micro-ondes ? » finit-il par demander tout en s'écartant pour chopper son unique pyjama.

La situation était plutôt amusante. Toby vit Billie sourire malicieusement lorsqu'il lui rappela qu'il savait très bien lire et que de ce fait, il ne lui avait pas été difficile de déchiffrer la recette se trouvant sur le paquet de pâtes acheté la veille au supermarché. D'ailleurs, en parlant de supermarché, Toby adorait ça. Il aimait se promener dans les rayons et choisir la nourriture, surtout au niveau du rayon des sucreries. D'ailleurs, depuis qu'il s'était enfui du lieu où on le tenait captif tant d'années, c'était impossible qu'il n'est pas grossi, il réfléchissait la plupart du temps avec son estomac. Autrefois, il ne prenait presque pas le temps de manger. Le petit alien, comme il était si couvent appelé dans cette chambre, se mit à rire en entendant la question que lui posait sa colocataire.
« Je les lirai avec plaisir, mais je ne pourrai pas les apprendre à ta place ! » Il rit de nouveau tout en prenant la décision de se changer en pyjama à son tour. Il était vrai qu'il se faisait réellement tard, d'ailleurs, la petite dormait déjà depuis longtemps à poings fermés. Il ôta donc son jean ne se rendant pas compte qu'il était en train de s'offrir en spectacle à Billie qui en profitait. Il n'avait pas encore l'esprit assez malicieux pour cela, il n'était encore qu'une enfant enfermé dans le corps d'un homme, du moins en apparence, mais il était net que le jeu de séduction que son amie jouait avec lui ne le laissait clairement pas indifférent. C'était juste qu'il n'avait jamais eu à faire à ce genre d'envies et d'émotions.
« Oh bah aussi longtemps que je m'en souvienne, j'ai toujours vécu sur Terre. » ajouta-il en riant avant de se tourner vers la jeune femme. Il ne put s'empêcher de lui afficher quelques signes de tendresse, s'approchant pour la caresser plus qu'amicalement sur la joue. Leurs regards se croisèrent et Toby sourit de nouveau. « Ah non j'ai pas préparé d'apéro... » commença-t-il tout innocent qu'il était avant de sentir les lèvres de son interlocutrice venir se poser contre les siennes. Ce n'était pas la première fois qu'on l'embrassait, Kyle l'avait déjà fait, mais c'était la première fois avec Billie. Et c'était quelque chose de vraiment étrange dans le sens où notre brave jeune homme ne s'y attendait vraiment pas. Il arqua les sourcils, étonné. Alors elle continuait son petit jeu, c'était juste cela ? « Tu es vraiment incorrigible ! » s'exclama-t-il sans trop savoir pourquoi, mais il n'eut pas le temps d'en dire davantage qu'elle vint lui mordiller la lèvre. Alors là, elle avait réussi à réveiller ses instincts d'homme. Enfin quelque chose en lui qui faisait que sa raison se laissait bernée par la séduction. Après son petit cinéma, elle lui envoya un dernier sourire avant de se diriger vers la cuisine pour réchauffer les pâtes. Sans trop comprendre pourquoi, il la suivit. Instinctivement. Ce jeu lui plaisait, et il n'avait pas envie que ce soit fini. Certes, il était trou rouge, ses joues comme deux petites tomates tellement il avait été intimidé, mais aussi parce qu'il ressentait au fond de lui une envie qu'il n'avait jamais vraiment connue auparavant. Toby vînt enlacer la jeune femme par derrière, tout simplement, pour lui faire un petit câlin. Un câlin assez amical, mais qui devint tout de suite plus osé lorsqu'il se surprit à déposer un petit baiser dans le cou de la demoiselle. Il la fit se retourner pour la regarder avant de lier leur lèvres. Ce n'était pas bien long, ce n'était pas non plus très intense, mais c'était un baiser. Tout rouge, il sourit ensuite : « Bah quoi... Je ne fais que reprendre ce que tu viens de me voler ! » dit-il en se grattant nerveusement la tête.

Toby était complètement perdu, arrêté sur le visage de Billie. Il finit par rougir comme un enfant, l'enfant qu'il aurait pu être des années plus tôt si on ne l'avait pas fit vivre comme un cobaye et comme un adulte si tôt. Vivre au centre l'avait complètement coupé de la réalité et il n'était que cet homme paumé qui aspirait à vivre normalement. On ne peut pas aisément comprendre ce qu'il pouvait ressentir car pour la plupart des gens de ce pays, il est normal de se lever, prendre son petit-déjeuner, profiter de ses amis, sortir, aller au cinéma, se promener... Mais pour lui, tout était nouveau, même son régime alimentaire. Il devait d'ailleurs avoir quelque peu grossi puisqu'il ne mangeait au centre que des repas extrêmement équilibré et protéiné pour apporter l'énergie nécessaire à son cerveau pour fonctionner au maximum de ses capacités. D'ailleurs, il avait aussi été sous médicaments... Et il ne savait pas ce que c'était. Certainement pour améliorer ses capacités intellectuelles, mais aussi pour le calmer. Quoi de mieux que de rendre quelqu'un complètement dépendant et docile...

Mais, pour le moment, il ne pensait pas au centre de recherches dont il avait été l'innocente victime, il n'y pensait plus, toute son attention étant accaparée par les yeux de Billie. C'était la première fois qu'il ressentait toutes ses drôles de sensation : une sorte d'envie, une sorte de tendresse et puis cette pensée... Cette simple pensée que sa colocataire était une belle femme, séduisante. Elle rit légèrement en lui affirmant qu'elle était la seule à pouvoir le voler. Il sourit, simplement de son sourire charmant et charmeur. « Ce n'est pas très équitable. » déclara-t-il en continuant de la dévorer du regard. Et oui, il était comme hypnotisé, il buvait ses paroles, il l'observait comme si c'était une déesse. Toby était le genre d'homme dont on devinait facilement les pensées car étant très enthousiaste depuis son arrivée en ville. Sur son visage et dans son regard, on pouvait lire ses joies, ses tristesses, sa honte, sa colère. Mais il n'était que rarement en colère, pour ne pas dire jamais. Délicatement, il caressa l'épaule de Billie, l'enlaçant de nouveau. « Tu as quelque chose contre les bébés ? » demanda-t-il cette fois-ci en riant. Il ne se rendait pas compte qu'il avait tout bonnement envie de sa colocataire. Envie d'elle... physiquement parlant. Pas comme les amis qu'ils étaient déjà, il voulait plus. C'était une sensation bizarre qui le titillait au niveau de tous les membres de son anatomie. Une sensation qu'il découvrait pour la toute première fois. Délicatement, il vînt de nouveau déposer ses lèvres contre celles de son interlocutrice avec bien plus d'insistance cette fois-ci. Il l'enlaçait, la serrait contre lui. Il aimait la chaleur de son corps, sa gentillesse... Il ne se rendait pas compte qu'il était peut-être en train de tomber amoureux et que... bah qu'il découvrirait les emmerdes que cela entraîne. Pour le moment, il l'embrassait encore et encore, sans trop chercher à se retenir. Toby n'avait pas l'impression de faire quelque chose de mal... A vrai dire, il savait qu'il avait un tas de choses à apprendre de ce côté-là et que si Billie voulait être son professeur, ce ne serait pas de refus... bien au contraire.