Une main se pose sur le dos de Jude lui procurant une sensation de réconfort immédiat. Son discours devait sonner incohérent et la jeune femme ne devait sûrement ressembler à rien en reniflant et pleurant à chaudes larmes. Elle sentait que le tee-shirt de Dean commençait à s’humidifier par sa faute et elle devrait sûrement s’excuser plus tard à cause de ça. Avec le recul, Jude se dit qu’ils ne devaient ressembler à rien, assis par terre à pleurer à chaudes larmes, c’était un spectacle assez pitoyable en soi mais tant pis. Il valait mieux que ça arrive ici qu’en public où ils seraient exposés à la vue de tous. Se calmant légèrement, Jude prit conscience du corps de Dean contre elle. C’était rassurant, elle reconnaissait son odeur si familière qui avait toujours eu le don de l’apaiser. Des souvenirs refirent surface, déclenché par l’odeur familière de Dean. Elle se souvint de la première qu’elle l’avait vu, elle assise sur la terrasse d’un café et lui s’arrêtant à un feu rouge, sur sa moto. Tous les regards avaient été fixés sur la bande de motards mais Jude ne pouvait détourner le regard, pas même lorsque Dean avait remarqué qu’elle le fixait et lui avait retourné un sourire. À ce moment, la jeune femme ne s’était pas douté que quelque chose avait commencé, que c’était le début du changement. Elle se souvint des fois où il venait la chercher à l’université, reconnaissant le bruit familier de sa moto. Il lui avait offert la liberté, ils s’étaient crées un monde à part, rien qu’à eux et à l’époque, quand ils étaient encore des adolescents insouciants, Jude pensait que c’était tout ce dont elle avait besoin.

La voix de Dean la sortit de ses rêveries. Malgré toutes ces années, Jude adorait toujours cette voix et elle pouvait passer des heures à ne rien dire, juste à l’écouter, comme une berceuse. Mais ce qu’elle adorait sûrement le plus chez lui, c’était son rire. Elle en était tombée amoureuse encore et encore et à cet instant, elle donnerait tout pour l’entendre rire à nouveau, d’une manière honnête et insouciante mais la jeune femme savait que ça n’arriverait pas, ça ne viendrait pas d’elle.
Elle l’écouta révéler de nouvelles vérités. Un faible sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’il affirma vouloir faire parti de la vie de Rose mais il disparut lorsqu’il émit des doutes sur eux. Elle ferma les yeux lorsqu’il évoqua son passé trop sombre pour elle, une autre raison pour laquelle elle avait fui. Évidemment qu’ils auraient changé en cinq années et qu’ils ne pourraient pas reprendre comme si rien ne s’était passé. Jude en était consciente même si intérieurement, elle avait eu un petit espoir. Il fallait qu’elle le détruise désormais, il avait une vie à côté et Jude n’en faisait plus partie. C’était déjà énorme que Dean veuille de Rose dans sa vie, elle ne pouvait pas espérer de même pour elle. Peut-être qu’elle pourrait aller de l’avant à présent, elle était sur la voie de réparer ses erreurs, elle devrait être rassurée, soulagée même. Jude inspira un bon coup, se débarrassant du sentiment de déception qui devait s’afficher sur son visage pour le remplacer par un petit sourire, puis elle se recula, remettant une distance entre Dean et elle. Elle le regarda pendant une seconde et lâcha un petit rire, s’essuyant le visage avec les manches de son pull. “On ressemble vraiment à rien.”

Elle s’installa à côté de Dean, dos contre le mur et soupira. “Je suis encore désolée pour ce que je t’ai fais endurer. Je suis heureuse que tu aies réussi à sortir de ton ancienne vie pour t’en créer une nouvelle à Pasadena…Pardonne-moi de ne pas avoir été là.” Un petit sourire amer se dessinait qu’elle changea en un sourire sincère, fixant sa voiture droit devant elle. “Tant que tu es heureux de cette nouvelle vie, ne t’en fais pas pour nous, je comprends tout à fait. Je ne suis pas revenue pour reprendre comme si de rien n’était. Tant que Rose puisse connaître son père, alors ça me va.” Était-ce vrai? “Ça risque d’être assez confus pour Rose, elle ne va sûrement pas comprendre pourquoi sa mère et son père ne sont pas ensemble mais elle est intelligente, si on lui explique comme il faut la situation, les choses pourront être moins…gênante, disons.” C’était pour le mieux. Jude n’avait pas besoin de perturber encore plus les choses en laissant ses anciens sentiments refaire surface. Il avait été clair sur ses doutes leur concernant alors Jude respecterait son choix, il ne serait juste que son ex et le père de sa fille, ni plus, ni moins.

Jude était soulagée de voir qu’elle n’était pas la seule à avoir été hanté par le souvenir de leur histoire. Peut-être que ce n’était pas raisonnable de sa part d’en être soulagée, peut-être que ça en était même égoïste mais il était vrai que la jeune femme aurait très mal vécu le fait d’être la seule à ne pas se remettre de leur histoire, même après cinq années. Dean se releva et tendit une main que Jude prit volontiers, se relevant à ses côtés. Il changea le sujet et parla de sa voiture. Jude en avait presque oublié la raison première de sa présence ici et elle tourna un regard vers le véhicule, un petit sourire se dessinant sur son visage lorsqu’elle entendit le mécanicien parler de leur fille. Elle pouvait entendre combien c’était étrange pour Dean d’employer ces mots et elle pouvait le comprendre. Ce soir, Dean se coucherait en étant une nouvelle personne, encore et l’idée devait sûrement effrayante. À sa place, Jude aurait été en panique totale. Elle l’avait été dans le passé mais elle avait eu neuf mois pour se préparer, là il n’avait que quelques jours. Savait-il s’occuper d’enfants? Serait-il à la hauteur? C’était le genre de question que Jude se poserait si elle était à sa place, elle aurait tellement peur de faire une erreur, de blesser Rose sans le vouloir. C’était sûrement une de ses plus grandes peurs lorsqu’elle avait apprit qu’elle était enceinte. Jude, la maladroite qui se cognait à chaque coin de meubles, qui ne ressortait pas d’une journée sans un nouveau bleu devait protéger un petit être si fragile. Elle avait eu peur, se demandant si elle arriverait à être à la hauteur, à ne pas la lâcher sans le vouloir ou à la cogner contre un meuble à cause de sa maladresse. Elle n’avait pas confiance en elle mais apparemment, l’instinct maternel était quelque chose de puissant et dès que Jude avait posé les yeux sur son bébé, elle savait qu’elle y arriverait. Ce ne serait pas facile mais elle y arriverait. Existait-il un instinct paternel et si oui, pouvait-il se manifester en quelques jours?
Jude avait envie de dire à Dean que s’il n’y arrivait pas, il pourrait compter sur elle pour l’aider mais elle avait peur que ça ne les rende plus confus, qu’elle dépasse la limite qu’ils venaient de se fixer. Plus elle y pensait et plus Jude se dit que cette histoire serait plus compliquée à gérer que ce qu’elle pensait.

Jude parla de ses phares qui ne marchaient plus et sans attendre, elle regarda Dean se mettre au travail et elle sourit inconsciemment en voyant le visage concentré du jeune homme. Elle s’agenouilla près du chien et lui caressa la tête, le regardant dans les yeux. “Mais c’est que t’es beau toi! Tu ne sais pas à quel point ma Rose va être heureuse de te voir.” Dit-elle au chien en souriant. Rose adorait les animaux, comme sa mère et c’était une tragédie pour la petite fille de quatre ans de ne pas pouvoir avoir de chats à cause de l’allergie de sa mère ni de chien parce que leur appartement à San Jose était trop petit. Jude lui avait offert une tortue, Mabel, et Rose l’adorait mais elle savait que la gamine avait une préférence pour les chats et les chiens. Lorsqu’elle entendit le capot se refermer, Jude se releva après avoir donné une dernière caresse au chien et porta son attention sur Dean.
Cet homme était beaucoup trop bon pour elle. Dès qu’il lui proposa de rester manger, Jude pensait accepter mais elle pensa à Rose. Pouvait-elle lui proposer de la faire venir ce soir ou était-ce trop tôt? Peut-être que ça l’était pour la petite, Jude voulait la prévenir à l’avance, lui donner le temps de se faire à l’idée mais est-ce que Dean comprendrait? “Je veux bien mais je vais devoir appeler une baby-sitter pour Rose.” Elle hésita, scrutant le visage de Dean pour voir la moindre réaction. “Je veux que tu rencontres Rose le plus tôt possible mais…ce soir ce serait trop tôt, elle n’est pas prête et je ne veux pas la perturber…tu comprends?” Jude ne voulait pas qu’il prenne ça comme un manque de confiance de sa part, au contraire, elle avait absolument confiance en Dean mais le bien-être de Rose passait avant les besoins de Dean. “Oh, et ne t’inquiète pas pour tout à l’heure, c’était légitime, disons.” Jude lui rendit un sourire doux et rassurant, faisant tout pour qu’il ne rumine plus ses actions passées.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Jude en constatant qu’ils étaient encore sur la même longueur d’ondes et surtout lorsqu’elle comprit que Dean voulait le meilleur pour leur fille. Il était conscient que la vérité serait trop perturbante pour Rose si elle devait l’apprendre maintenant alors il acceptait d’être patient, encore un peu. Elle se dit que c’était incroyable ce qu’il faisait, la jeune femme pensait que peu aurait aussi bien pris la nouvelle. Enfin, le mécanicien laissait penser qu’il le prenait plutôt bien même si le concept lui semblait encore étranger, ce qui était normal.  Elle l’écouta parler et se dit que sa volonté à vouloir avancer, à vouloir changer sa vie du jour au lendemain pour impliquer Rose dans sa vie était quelque chose d’impressionnant. Peut-être Dean avait toujours eu cette volonté et que même si les deux jeunes gens ne s’en étaient pas rendus compte par le passé, peut-être qu’ils le savaient inconsciemment l’un comme l’autre et c’est ce qui expliquerait pourquoi Jude avait toujours su que Dean arriverait à s’en sortir. Elle n’allait pas mentir, la brunette avait eu ses moments de doute, il lui était arrivé de ne plus rien savoir et de douter de tout mais Dean avait eu cette capacité à la rassurer et à lui donner envie d’y croire. Aujourd’hui, elle était heureuse de voir que sa force de volonté avait vaincu et elle regrettait légèrement de ne pas avoir été là pour l’accueillir comme elle l’avait promis.

Jude attendit adossée contre sa voiture en compagnie du chien, le caressant pensivement tandis qu’elle suivait des yeux Dean. Une fois qu’il eu terminé, elle se redressa et se dirigea vers la maison qu’il indiquait avant de s’arrêter devant la porte, le temps qu’il la déverrouille. Elle sourit en constatant que le chien de Dean accourut à l’intérieur. “J’ai oublié de demander, il s’appelle comment?” Jude rentra à l’intérieur et fut surprise par la taille de la maison. Elle était spacieuse et elle se dit que cette maison devait être un peu trop grande pour une seule personne. Elle reconnut immédiatement le style de Dean, une décoration inspirée des bikers et elle sourit. Si à une époque, Jude avait pu détester l’idée du club, à présent, une touche de nostalgie se faisait sentir chez Jude lorsqu’elle prenait connaissance des lieux. C’était un paradoxe, n’est-ce pas? Pendant des années elle ne voulait rien entendre du club et à présent, elle se sentait nostalgique rien qu’en voyant la décoration. Jude se rendit compte que c’était plus une nostalgie du passé, le souvenir d’une autre époque et de deux personnes, différentes de celles qu’elles sont devenues aujourd’hui.

“C’est vraiment une belle maison. Et on te retrouve bien dans la décoration.” Rajouta-t-elle, taquinant légèrement Dean. “Et puis, tu vis juste à côté de ton lieu de travail, serait-ce votre côté flemmard qui ressort, M. Blaze?” Elle continua de le taquiner, se disant que rien ne servait à se comporter de façon étrange l’un autour de l’autre. Plus vite la situation de gêne passerait, mieux ce serait. Et puis Jude essayait de se convaincre d’être la plus naturelle possible, de se comporter comme si elle venait de revoir un ancien ami. Leur situation était certes plus compliqué mais ils pouvaient peut-être juste oublier toute cette complexité pour ce soir, sinon la jeune femme ne pensait pas pouvoir voir autre chose que cette situation. En toute honnêteté, elle était excitée à l’idée de passer une soirée avec son ancien amant, de le redécouvrir et de savoir tout ce qui avait pu se passer dans sa vie, elle aurait peut-être enfin des réponses à ses questions, comme lui devait en attendre de sa part. Mais Jude était aussi effrayée, effrayée de constater que l’homme qu’elle connaissait et avait aimé avait disparu à jamais et qu’elle devait ré-apprendre à le connaître. Elle avait peur de le voir se transformer en étranger, en une silhouette sombre qui ne serait présent dans sa vie juste parce qu’ils partageaient un passé commun et une fille. “Alors dis-moi, quand tu pensais à un dîner, tu voulais bien dire des plats cuisinés ou bien une pizza surgelée? Parce que la dernière fois que je me souvienne, la cuisine n’était pas trop ton fort.” Dit-elle en riant. Elle se souvenait des soirées où ils mangeaient des pizzas commandées ou surgelées parce que l’un et l’autre n’avait pas la motivation de cuisiner. C’était un autre monde à présent, beaucoup de choses pouvaient changer en cinq ans, comme les capacités en cuisine de Dean. “À moins que tu sois plein de surprises et que tu sois devenu un vrai chef. Sache que si c’est le cas, tu feras de Rose une enfant comblée.”

Jude sourit en écoutant l’explication de Dean à propos de Léo, son chien. Il semblait essayer de la rassurer sur le caractère de l’animal, sans doute par rapport à Rose, pour lui laisser savoir que leur fille n’aurait rien à craindre auprès du chien. La jeune femme sourit, elle l’avait deviné en le regardant. Travaillant à la clinique vétérinaire, la jeune femme avait vu passer de nombreux animaux aux caractères différents et avec le temps, elle avait apprit à reconnaître les différents comportements.
Elle l’écouta parler de l’histoire de cette maison et du garage qui n’en n’était pas un à la base. Lorsqu’ils étaient jeunes et qu’ils parlaient de vivre ensemble après que Dean sorte du club, Jude ne savait pas dans quel état ils seraient, pourraient-ils vivre sans difficultés ou bien devraient-ils galérer jours après jours pour subvenir à leur besoin? La jeune femme était heureuse de constater que le mécanicien avait eu plan et qu’à présent il s’en sortait avec son affaire. Il avait fait du chemin depuis la première fois qu’ils s’étaient rencontrés et Jude était fière de lui. Si elle était restée, aurait-elle offert une meilleure vie pour sa fille? Les premières années étaient dures pour Jude; jeune femme en début de carrière qui n’avait jamais eu l’habitude de se débrouiller seule et qui se retrouvait à devoir subvenir aux besoins d’un nourrisson. Il y avait de quoi paniquer mais la jeune femme avait su se débrouiller, elle avait des connaissances sur qui compter et au final, leur vie était décente. Jude admettait que ce n’était pas la meilleure vie, elle aurait aimé pouvoir amener Rose dans des voyages, lui faire découvrir plus de chose que San Jose et ses alentours comme elle avait pu l’expérimenter elle-même mais ce n’était pas possible, pas ces temps-ci. Un jour, peut-être.

Jude regarda Dean partir prendre une douche et se dirigea vers la cuisine où elle se servit un verre d’eau. Elle le posa sur une table une fois terminé et se balada dans la maison, regardant de plus près quelques photos. Jude sourit en voyant des photos qui dataient de la période où ils étaient encore ensemble puis d’autres qui dataient d’avant mais que Dean lui avait déjà montré. Il y en avait de nouvelles qui dataient sûrement des dernières années. C’était assez étrange de voir le changement progressif de Dean. Pour elle, il était passé d’amant qui sortait de ses années juvéniles à mécanicien qui n’avait plus rien d’un garçon mais qui était bien devenu un homme. Il fallait qu’elle s’habitue au changement comme lui devait sûrement s’habituer aux changements de Jude. La jeune femme tomba sur une photo de son ancien club, ils étaient là, assis sur leur motos et posant pour l’appareil. Les yeux de Jude trouvèrent immédiatement Dean et elle ne put s’empêcher de passer un doigt sur son visage, comme si le fait de toucher la photo la ramènerait à cette époque où tout lui semblait plus simple. Avec le recul, Jude s’était demandée si elle avait été juste de demander à Dean de quitter le club pour elle, c’était comme lui mettre un ultimatum, elle ou le club. Et il l’avait choisi, et elle était partie. La jeune femme se rendait compte à quel point elle avait foiré son coup et soupira. Elle se recula de la photo lorsqu’elle entendit Dean descendre pour la rejoindre et lorsqu’il fut assez près d’elle, elle désigna la photo de sa main. “Tu es toujours en contact avec eux?” Ce n’était pas un reproche, juste de la curiosité. Après tout, ils étaient une famille pour lui et si elle avait eu une famille foireuse avec laquelle elle avait coupé les ponts; elle espérait que Dean avait plus de chance de ce côté.

Jude n’avait pas besoin de plus que le regard de Dean posait au sol avant de lui faire signe de s’assoir pour savoir qu’elle venait de toucher un sujet sensible. Elle s’assit et attendit que Dean ne commence son récit. Elle appréhendait la chose mais elle ne s’attendait pas à un tel discours. Sans qu’elle ne s’en rende compte, Jude s’était mise à pleurer et ce ne fut que lorsqu’elle accepta la bière qu’elle s’en rendit compte. Elle renifla légèrement avant de s’essuyer les yeux et de continuer à l’écouter. Décidément, la jeune femme devait avoir épuisé son stock de larmes pour le reste de l’année en une seule journée! Son coeur se serra et à son tour, elle comprit les raisons des absences de Dean les mois précédant le départ de Jude. Il avait eu tant de choses à régler et de problèmes à gérer et sur le moment, elle lui en voulait. Elle lui en voulait de n’avoir rien dit, d’avoir tout garder pour lui, toute cette souffrance, toute cette peine, il aurait dû la partager avec elle. Mais elle s’en voulait encore plus car elle savait qu’elle aurait fui et Dean devait sûrement le savoir. À l’époque, elle aurait sûrement était incapable de l’aider à gérer autant et elle s’en voulait d’avoir été aussi faible lorsque la personne qu’elle aimait le plus au monde avait eu besoin d’elle.

En entendant le nom de Sarah-Jane, son sentiment de culpabilité repris de plus belle, elle était une amie proche qu’elle avait encore laissé dans l’ombre et avec qui Jude devait s’expliquer. Un sentiment d’effroi s’empara d’elle lorsqu’elle entendit les derniers mots de Dean. C’était dans ces moments-là qu’elle se rendait compte qu’ils venaient de deux mondes différents, ils ne vivaient pas avec les même règles et ce qui semblait être un acte horrible pour Jude semblait être banal pour Dean; l’extrême en devenait banal dans son monde.
Une fois qu’il eut terminé, Jude se repassa les manches sur le visage histoire de se calmer et souffla un bon coup. Elle scruta Dean, cherchant la moindre émotion mais elle ne vit qu’un visage sombre. Elle avait envie de se lever et de le prendre dans ses bras, c’était le seul moyen que Jude connaissait. Elle n’était pas douée avec les mots mais elle savait se montrer présente lorsqu’on avait besoin d’elle. Seulement la jeune femme savait qu’un câlin de réconfort serait inapproprié, ils n’étaient plus aussi proches et le câlin de tout à l’heure n’était qu’une pulsion sous les émotions du moment. Jude rapprocha sa main de celle du jeune homme et la serra rapidement avant de la ramener sur ses genoux. C’était le seul geste physique qu’elle pouvait se permettre. “Je ne savais pas…” Jude ne savait pas quoi dire, elle ne s’était jamais retrouvée dans une telle situation. À côté, ses histoires familiales paraissaient bien mignonnes à côté. “Tu vivais avec une telle souffrance et je n’ai jamais su…” Sa voix n’était qu’un murmure. Elle n’allait pas lui dire qu’elle serait restée si elle avait su, c’était un mensonge et ils le savaient tous les deux. “Je suis désolée…Je suis heureuse de savoir que tu puisses vivre en paix à présent…” Jude ne savait pas si c’était approprié de dire ça lorsqu’elle savait que cette paix était apportée par la mort d’une autre personne mais encore, toute cette situation était particulière, les lignes entre ce qui était moral ou pas étaient floues. “Je sais que c’est un peu tard pour dire ça mais si tu as besoin de quelqu’un pour en parler, je suis là.” Elle avait cinq ans de retard mais cette fois Jude serait là pour Dean et elle ne fuirait pas. Elle était devenue plus forte et avait compris qu’on n’abandonnait pas sa famille et Dean était synonyme de famille, si ce n’était pas pour elle, il l’était pour Rose.