Lullaby & Lenaëlle
   Parce qu'il y a des choses qu'on ne contrôle pas et parfois c'est positif mais parfois négatif mais ça peut aussi ne pas être grave. Pourquoi paniquer ?

Jamais je ne pourrais cesser d’avoir une certaine admiration pour mon amie et ma patronne Lullaby. Franchement, je ne savais pas comment elle faisait pour tout gérer. Son métier, le café, sa petite famille, sa grossesse par-dessus le marché. C’était à croire que son énergie était sans limite. De ce que je me souvenais, jamais je n’avais eu autant de volonté et d’énergie quand j’étais au même stade – à l’exception que pour ma part, ce fut mon dernier mois de grossesse, et je n’en avais pas nécessairement un bon souvenir – je devais faire un effort surhumain pour ne pas râler que mes pieds me faisaient mal, ayant du mal à aller à la supérette du coin sans être épuisée. C’était à croire qu’à l’époque, j’étais une véritable mamie comparativement à Lullaby qui, elle, m’avait manifesté son désir de faire la route jusqu’à San Diego. Pourquoi ? Simplement pour aller chercher un élément manquant pour la chambre de son bébé à venir. N’aurait-elle as pu le commander ? Demander à Aiden d’aller le chercher ? Non, elle voulait absolument y aller elle-même, qui plus est en ma compagnie. Bien sûr, puisqu’il était hors de question que je la laisse seule, j’avais accepté, à condition que je fasse la majorité du trajet au volant. Heureusement, elle avait accepté, et maintenant que cela était réglé, j’avais pu me montrer un peu plus enthousiaste par rapport à cette escapade. Après tout, pourquoi pas ? Franchement, ce n’était pas comme si cela allait me faire du mal. Je sortais que très peu ces derniers temps, faute de me sentir assez en sécurité pour le faire, mais avec celle que je considérais comme ma meilleure amie, à plusieurs heures de route de Pasadena, je me disais que je ne craignais pas grand-chose.

Une fois le jour venu pour cette petite virée en voiture, je me levai relativement tôt, puisque je m’étais couchée tôt – c’était peut-être mémère, mais je voulais être en forme pour conduire autant que possible, et par conséquent, ne pas laisser Lullaby conduire, ou du moins, le moins possible. Après un passage sous la douche, je les séchai, puis je les réunis en chignon, histoire de ne pas être embêtée de quelconque façon pendant le trajet. Ensuite, j’allai enfiler une petite robe printanière très légère de couleur bleue. Maquillée au minimum, j’avalai un petit déjeuner rapide, puis sans attendre plus longtemps, je traversai le jardin pour me rendre chez Lullaby, histoire de passer la prendre. Enfin, pas nécessairement, puisqu’au final, on prendrait son véhicule, mais cela m’amusait de le dire ainsi, alors pourquoi gâcher mon plaisir ? J’entrai dans la demeure, puis attendis que mon amie soit prête. Quelques minutes après, elle apparut dans mon champ de vision, une tasse de transport à la main, tasse de transport qui m’était apparemment destinée, si je me fiais à ses propos. Riant doucement à son affirmation, je lui dis : « Oh merci ! C’est gentil d’y avoir pensé ! » Je continuai à rire lorsqu’elle me mentionna qu’elle ne voulait pas prendre le fossé, puis je mentionnai : « Ne t’en fais pas pour ça. Et cesse de douter de mes capacités de conductrice, sinon je serai vexée ! » Cependant, je n’argumentai pas plus que cela, accompagnant Lullaby vers la voiture. M’installant aussitôt du côté conducteur, je déposai le café dans le porte-gobelet à ma droite, ajustant ensuite le siège et les miroirs à ma hauteur, puisqu’évidemment, je n’avais pas été la dernière à conduire cette voiture. Ensuite, je considérai mon amie qui, elle, était en train de se préparer autrement, à savoir en installant une couverture sous ses jambes afin d’éviter que ses cuisses prennent la couleur du cuir du véhicule. Franchement, je ne pouvais que la comprendre; n’auraient-ils pas pu s’assurer d’un certain confort dans ce genre de voitures ? La technologie est avancée à un point quasi inimaginable, mais nous, dès qu’il fait chaud, nous sommes encore coincés à se détacher tel un velcro de la voiture. Enfin, il faudrait bien endurer pour cette fois-ci, à défaut d’avoir un ventilateur spécial popotin. Peut-être que l’air conditionné aiderait un peu, mais pour ça, il fallait que je puisse mettre l’automobile en marche. Heureusement, je ne tardai pas à le faire, soit dès que mon amie me tendit les clés. Répondant à sa question : « Pourquoi pas ? Ça peut être marrant ! » Je haussai les épaules, puis j’ajoutai suite à ces mots : « Enfin, il n’y aura jamais rien de plus sexy que la voix du GPS, mais bon, on fera avec ! » Sur ces mots, je mis finalement la clé dans le contact, démarrai le véhicule, puis sortis la voiture de l’allée pour la mettre sur la route. Je commençai à rouler en direction de l’autoroute, puis pour briser le petit silence de quelques secondes, je demandai, sérieusement cette fois-ci : « Tu as bien programme sur la route sur le GPS, j’espère ? »

Lullaby & Lenaëlle
   Parce qu'il y a des choses qu'on ne contrôle pas et parfois c'est positif mais parfois négatif mais ça peut aussi ne pas être grave. Pourquoi paniquer ?

Il fallait que j’avoue que je n’étais pas le genre de conductrice à faire une tonne de route à chaque jour et à qui ça plaisait, conduire longtemps. Il y en avait, des gens comme ça, qui aimaient être probablement plus dans leur voiture que dans leur maison. Toutefois, ce n’était pas mon cas. Personnellement, j’étais plus du genre à conduire en cas de besoin, c’est-à-dire que lorsque j’en avais besoin, je le faisais sans rechigner, mais dès que je pouvais passer mon tour, alors je ne me faisais pas prier. Par exemple, si cela n’avait pas été du fait que Lullaby était enceinte jusqu’aux oreilles, je l’aurais très certainement laissée conduire autant qu’elle le voulait, surtout qu’elle semblait avoir envie de le faire, vu comment elle me parlait qu’elle ne voulait pas finir dans un fossé et tout ce qui venait avec. Sachant que j’étais tout de même compétente et qu’évidemment, je n’allais pas faire exprès de provoquer un accident, surtout pas avec la jeune femme à côté de moi – sans parler du fait que depuis ce fameux accident il y a de cela un peu plus d’un an, j’étais extrêmement prudente – je pensais être en mesure d’insister pour prendre le premier tour de conduite dans l’espoir d’en faire le plus longtemps possible, ce que je pourrais sûrement bien faire avec la tasse de café que Lullaby m’avait fournie. La dernière chose qui me rendait un peu plus incertaine, c’était le fait que je préférais de loin voyager avec un GPS, ce que mon amie ne semblait pas partager, puisque dès que je lui eus demandé naïvement si celui-ci était bien programmé, elle me disait que ce n’était pas nécessaire, se moquant bien de se perdre. Je ne partageais pas vraiment son idée, mais je n’en fis pas un cas, parce que ce que Lullaby ne savait pas – même si, compte tenu qu’elle me connaissait, elle devait bien s’en douter – c’était que j’avais appris le chemin par cœur. Google Maps était un outil exceptionnel quand on savait l’utiliser à bon escient, et non seulement pour traquer son ex, quelque chose comme cela. De ce fait, je pouvais me débrouiller, ou plutôt, je l’espérais tandis que nous étions déjà sur la route. Et puis, comme Lullaby le dit, nous pourrions nous arrêter, demander notre chemin dans une station-service, ou encore, me faire manger du gâteau pour faire en sorte que je ne pense pas au fait que nous étions perdues. Je me doutais bien que mon amie plaisantait, mais pour être franche, je ne la trouvai pas nécessairement amusante, sentant même un petit malaise à ce propos qui me fit froncer les sourcils et fermer ma bouche, faisant en sorte que je ne dis rien du tout pour répondre à cette affirmation, trop concentrée sur la route à garder une certaine contenance. Plus encore, ce fut plus que bienvenu que Lullaby choisisse ce moment pour prendre sa tablette et faire quelques trucs dessus, ne m’obligeant alors pas à entretenir la conversation et dire quelque chose que je regretterais, puisque tout ce à quoi je pouvais penser, c’était ce fameux après-midi où elle m’avait filé du brownie rempli d’herbe sans que je le sache. Il fallait que je l’avoue, compte tenu des propos que j’avais pu tenir à ce moment, des confessions faites malgré moi, je me sentais particulièrement à l’aise face à Lullaby. Non pas que je lui en voulais, c’était surtout à moi que j’en voulais d’être tombée dans le piège aussi facilement et surtout, m’être lâchée comme je l’avais fait sans songer aux conséquences. J’espérais sincèrement que pendant cette journée, le tout pourrait être oublié, mais le fait que mon amie l’avait relevé une nouvelle fois m’avait prouvé le contraire. Cependant, puisque je ne voulais pas gâcher la journée de la brune, et la mienne par la même occasion, je tentai de reprendre de la contenance en ne me montrant pas fermée à la discussion, hochant d’abord positivement la tête pour signifier qu’effectivement, j’avais bien dormi, puis lui disant lorsqu’elle me demanda comment j’allais : « Oui, tout va bien ! », clairement pas prête de lui faire part de mes réflexions par rapport à ce fameux épisode. D’ailleurs, pour ne pas m’exposer, je m’empressai de détourner quelque peu le sujet en lui demandant : « Et toi, tout va bien ? T’as pas trop envie de pipi ? », sachant pertinemment que parfois, les femmes enceintes avaient des vessies de mamie et de ce fait, ils devaient y aller autant que possible. Ça, je l’avais pris en considération pour notre route, et bien sûr, s’il le fallait, j’allais m’arrêter, surtout que moi aussi, j’avais une vessie, alors il se pouvait que je doive m’arrêter aussi de temps à autre, espérant simplement que mon cycle urinaire serait un peu synchronisé avec celui de Lullaby.

Lullaby & Lenaëlle
   Parce qu'il y a des choses qu'on ne contrôle pas et parfois c'est positif mais parfois négatif mais ça peut aussi ne pas être grave. Pourquoi paniquer ?

Mon malaise était palpable dans la discussion, je le savais, je le sentais. C’était pourquoi j’avais cru bon tenter de dévier le sujet, histoire de ne pas revenir sur cette fameuse journée où Lullaby m’avait fait engloutir ces brownies spéciaux, c’était le cas de le dire. Non pas parce que je lui en voulais d’avoir fait cela, il fallait l’avouer, l’idée n’avait pas été si mauvaise, et cela aurait été particulièrement mémorable si je n’avais pas profiter de mon état un peu second pour me l’ouvrir et tout déballer par rapport à ma vie au Texas, en venant même à sermonner la jeune femme sur sa vie de couple alors que clairement, j’étais bien mal placée pour lui reprocher quoi que ce soit. Pour ça, mon amie ne semblait pas m’en vouloir, mais malgré tout, je n’étais pas prête à en parler, et je tentai tant bien que mal de dévier le sujet pour cette raison bien précise, mais malheureusement, ma tentative fut un lamentable échec. Non seulement, Lullaby n’avait pas envie de pipi pour le moment – ce qui était quelque peu normal, nous étions parties depuis peu de temps, quand même – mais de plus, elle comprit que dans ma petite tête, mon hamster tournait à une vitesse folle, se demandait si je ferais mieux d’en parler ou pas, ou ce que je pourrais dire par rapport à tout cela. Embêtée pour le coup, je fronçai les sourcils, puis je m’apprêtai à lui répondre, même si j’avais un véritable blanc lorsqu’il était question de déterminer ce que je pourrais dire. Au final, je vis finalement Lullaby commencer à rire, ce qui me soulagea quelque peu, m’arrachant même un petit rire nerveux au passage. Puis, je ne sus répondre au final, recommençant à me reconcentrer sur la route comme précédemment, à la différence que mes pensées étaient déjà envahies par cette fameuse journée. Quand je lui avais dit que j’avais été mariée, et : « OH ! » Heureusement que Lullaby m’avait prévenue pour que j’appuie sur le frein aussi fort que je le pouvais, si bien que je crus avoir fait crisser les pneus de la voiture. Puis, lorsque le véhicule se fut immobilisé, je regardai Lullaby, les yeux écarquillés, la panique dans le regard. Oui, j’étais complètement paniquée. Non seulement, je venais très certainement de tuer un petit être vivant qui n’avait rien demandé, mais de plus, en regardant mon amie, je me rendais compte que celle-ci ne semblait pas nécessairement aller pour le mieux. Mon amie prenant le dessus sur le chat pendant un instant, je lui demandai : « Lullaby… Est-ce que ça va ? » Incapable de garder un état normal pour le coup, j’enchaînai très rapidement en hurlant presque : « Tu ne vas pas accoucher là, quand même !? » Non seulement, ce n’était pas le temps, mais de plus, nous étions au milieu de nulle part, et mes mains tremblaient tellement que je ne savais même pas si je pourrais continuer à conduire avant de m’être calmée. En fait, je tremblais de tous mes membres, tout simplement. J’étais même au bord des larmes, et pire encore, je regrettais de ne pas avoir pris la résolution de ne plus jamais toucher à un volant après ce fichu accident il y a de cela presque deux ans maintenant. Jusqu’à aujourd’hui, je m’étais trouvée brave et j’avais toujours été fière du fait que j’avais pu surmonter mes craintes, mais là, j’en étais à me dire que c’était la pire idée du monde. Traumatisée, je marmonnai : « S’il est mort, je ne me le pardonnerai jamais… », sur le point de pleurer tandis que ma passagère, apparemment de nouveau calme, me demandait ce qu’on allait faire. Désireuse de prendre soudainement l’air, je mis la voiture en arrêt complet, puis je dis : « Je… Je vais aller voir… Ne bouge pas… » J’approchai alors ma main de la poignée de la porte, peinant à l’attraper pour l’ouvrir, puis je sortis de la voiture, redoutant déjà de ce que j’allais voir. Allais-je rester marquée à tout jamais de la vue de ce petit cadavre rempli de fourrure ? J’en étais persuadée. Cependant, lorsque je me penchai sous la voiture, exposant complètement ma culotte vu le vent qui vint jouer sous ma robe, ce ne fut pas du tout ce que je vis. Tout ce que je vis, c’était un petit chaton, aussi terrifié que moi, qui semblait aller bien, ne serait-ce que le bout de sa queue qui semblait coincé sous une roue. Soulagée dans un premier temps, puis attendrie, j’oubliai soudainement le reste du monde, puis je dis doucement : « Salut toi… » Je me rappelai alors de la présence de Lullaby dans la voiture, puis je lui criai, dans l’espoir qu’elle m’entende : « Il n’est pas mort ! » avant d’entreprendre de m’approcher à bout de bras du petit animal afin de l’attraper, à condition que la voiture ne bouge pas, puisque là, c’était certain qu’il se ferait écraser.

Lullaby & Lenaëlle
   Parce qu'il y a des choses qu'on ne contrôle pas et parfois c'est positif mais parfois négatif mais ça peut aussi ne pas être grave. Pourquoi paniquer ?

Le frottement d’un morceau de tissu entre mes cuisses m’arracha un petit cri de surprise, comme si j’étais en train de me faire violer par ma robe et que je ne le savais pas. En fait, c’était simplement parce que je ne m’étais pas rendu compte que Lullaby était sortie du véhicule. Pire encore, trop concentrée sur le chaton en détresse, je ne l’avais pas entendue me dire qu’elle allait faire marche arrière. Ce fut seulement quand justement, je cherchai à comprendre ce qui se passait que je vis ma meilleure amie, ou du moins, ses pieds, parce que son ventre proéminent, vu la posture que j’avais, ne me permettait pas de voir plus haut. Comprenant alors que le viol de tissu ne pouvait être que sa faute, je me rassurai, puis je vis ses pieds regagner le véhicule, côté conducteur. Pendant un instant, j’eus un autre moment de panique qui me fit arracher un « Ne le tue pas, sinon j’appelle la SPA et ils vont venir t’arrêter ! », ce qui était plutôt ironique, parce que quelques minutes auparavant, c’était moi qui étais sur le point de tuer la pauvre bête. Très involontairement, certes, mais quand même. Puis, histoire de ne pas y passer à mon tour, je me reculai légèrement pour sortir de sous la voiture, prête à me relever pour ne pas me prendre le pare-choc en plein front quand je sentis le véhicule se remettre en marche. Cependant, je n’eus pas besoin de le faire, me laissant alors à quatre pattes devant la voiture qui se décalait légèrement de ma personne, de quelques centimètres. Un large sourit fendit alors mes lèvres. Lullaby était géniale, elle avait compris exactement ce qu’il fallait faire pour sortir le pauvre chaton de cette situation malencontreuse. Maintenant plus attentive à ses propos, je fus en mesure d’immédiatement lui répondre : « Oui, je crois ! » Je me penchai encore une fois pour voir le petit chat qui, bien que libre, n’avait pas bougé d’un poil, probablement tétanisé. Le pauvre… Prise d’encore plus de compassion pour ce petit être rempli de fourrure, je me rendis sur le côté de la voiture où il était coincé, et doucement, j’approchai mes mains pour le prendre. Au début, j’eus droit à un miaulement réprobateur, mais parce que j’étais déterminée à avoir le dernier mot, je lui dis : « Ne t’en fais pas, je ne te ferai pas mal… » et je pus finalement l’attraper entre mes mains. Roulé contre moi, il avait la taille d’une boule de pétanque. Affirmant alors « Voilà, tu es en sécurité maintenant… », je me relevai, me retrouvant à regarder Lullaby pour la première fois depuis un petit moment maintenant. Prête à la jouer complètement gaga par rapport au petit chat, j’en vins à lui dire : « Regarde comme il est trop… » mais rapidement, je croisai le regard de la jeune femme et je me rendis compte qu’à moins que l’hypothèse que le chat soit mort sous les roues, quelque chose ne devait pas aller. Reprenant alors tout mon sérieux, avec une pointe d’inquiétude dans le visage, j’en vins à demander à mon amie : « Lullaby, est-ce que ça va ? » Comme si je voulais être certaine qu’elle ne méprenne pas ma question comme étant un simple retour sur ce qui s’était passé, je jouai la carte de l’honnêteté et j’ajoutai par la suite : « T’es blanche comme un drap et on dirait que tu viens de courir trois kilomètres ! » Puis, comme si je venais tout juste de me rappeler qu’elle était enceinte – alors que je le savais très bien, je voyais limite son ventre grossir de jour en jour – je fus prise d’un vent de panique, encore une fois – à croire que j’allais finir par avoir une attaque d’ici la fin de la journée – et je lui dis, d’un ton de voix plus puissant, limite perçant : « Oh non ! Ne me dis pas que tu es sur le point d’accoucher !? Je ne suis pas prête pour ça Lullaby ! Ce n’est pas moi qui dois te dire de respirer, de pousser ! Merde ! T’aurais pas pu fermer les jambes pour le coup ? On est au milieu de nulle part ! » D’accord, peut-être que pour le coup, j’en mettais un peu trop, mais dans l’instant précis, je m’en moquais bien, je m’en moquais complètement, en fait. Je ne me voyais juste pas tourner en rond comme un chacal en cage au milieu de cette route qui semblait à présent mener nulle part, même si, Lullaby le savait, je serais prête à tout faire pour elle, même si j’avais le don d’être bien empotée quand je le voulais.

Lullaby & Lenaëlle
   Parce qu'il y a des choses qu'on ne contrôle pas et parfois c'est positif mais parfois négatif mais ça peut aussi ne pas être grave. Pourquoi paniquer ?

Oui, j’avais paniqué par rapport à l’état de mon amie, mais j’étais persuadée que tout cela était légitime pour le coup. J’avais beau savoir plusieurs choses sur les grossesses, la première étant que je devais m’assurer de surveiller mon amie afin de s’assurer que tout se passe bien pour elle pendant cette petite virée en voiture, il n’en demeurait pas moins que certains détails m’échappaient encore, y compris ce qui pouvait se passer au niveau des contractions qui n’avaient rien à voir avec l’accouchement. Enfin, je connaissais leur existence, mais ce n’était pas au point que je puisse les distinguer des véritables contractions, et surtout pas dans cette situation quelque peu stressante. Cependant, quand Lullaby m’assura que c’était quelque chose qui lui arrivait de temps à autre, surtout depuis qu’Aiden était reparti à l’armée, je me calmai quelque peu, en venant même à déduire que peut-être c’était en raison du stress parce que justement, son mari n’était pas là. C’était normal, d’une certaine façon, mais ça demeurait quand même inquiétant. Ne disant rien pour le coup, je me permis d’ouvrir la bouche quand elle affirma avoir mal, m’empressant alors d’affirmer inutilement « Installe-toi… » tandis que de mon côté, je contournais le véhicule pour aller de son côté, toujours le chaton entre les mains, ne sachant pas déterminer qui tremblait le plus entre lui et moi. Puis, je fus soudainement en mesure d’écouter la fin des explications de mon amie qui affirmait devoir se reposer, ce qui expliquait pourquoi elle voulait finir cette fameuse chambre. Fronçant les sourcils, puisque clairement, nous n’avions pas la même définition de se reposer, je finis par lui dire, encore un peu de nervosité dans la voix, mais déjà un peu plus détendue : « Lullaby, tu es cinglée ! » Je ne cherchais pas là à l’insulter, quand même, mais pourquoi prenait-elle de tels risques ? Je ne le comprenais pas vraiment. Avoir su, non seulement je lui aurais demandé, mais certainement je lui aurais proposé d’y aller moi-même et lui ramener ce fameux lit, quitte à devoir l’acheter par conversion Facetime pour m’assurer que c’était bel et bien le modèle qu’elle voulait. Je l’avais déjà fait auparavant – même si ça, mon amie ne le savait pas – acheter un lit pour bébé, je savais ce qui en était. Quoiqu’il en soit, il était un peu trop tard pour reculer maintenant, et le mieux que je pouvais faire, c’était finir de me calmer, accepter la situation, et surtout le fait que Lullaby avait maintenant de quoi se moquer de ma personne pour le coup. Non pas que j’étais orgueilleuse, mais comme si je voulais m’assurer que je pouvais encore me montrer fiable, lorsque nous serions à la maison, évidemment, j’en vins à lui dire, hésitante : « Mais non… » Pendant un bref moment de silence, je tentai tant bien que mal de préparer ma défense, puis me rendant compte que je n’avais pas nécessairement le courage de faire tout un plaidoyer, je lui dis dans un haussement d’épaules : « C’est juste que… La prochaine fois, tu ne seras pas en plein milieu d’une route complètement perdue. Enfin, je ne l’espère pas ! » Un petit rire nerveux s’échappa de ma gorge, puis je vis Lullaby tendre les bras pour prendre le chaton, me laissant reprendre le volant à nouveau. Même si elle ne me l’aurait pas proposé, je me serais imposée encore une fois pour conduire. Peut-être que je serais un peu tendue que précédemment, mais je préférais de loin conduire avec les mains un peu plus serrées sur le volant plutôt que de craindre de voir la tête du bébé aller taper sur l’accélérateur à tout moment. Acquiesçant, je lui tendis alors le petit rescapé, puis je finis par contourner le véhicule pour aller me réinstaller du côté conducteur. Sans attendre plus longtemps, je remis le contact, vérifiai qu’aucune voiture n’arrivait sur la même route, et je repris celle-ci, regardant bien devant moi pour le coup, comme une adolescente qui suit son premier cours de conduite. Cependant, je ne m’empêchai pas complètement de parler, en venant à dire à Lullaby une fois que je fus plus détendue : « Je suis désolée d’avoir paniqué de la sorte… Il y a eu un trop-plein de rebondissements d’un seul coup, je crois ! » Je lui fis un petit sourire, histoire de lui faire comprendre que maintenant, ça allait mieux, même si, pour être totalement détendue, je voulais m’enquérir d’un truc, à savoir « Ça va mieux, au moins ? Tu veux qu’on arrête pour manger un truc ou quelque chose comme ça ? » Je lui laissai alors l’occasion de lui répondre, et ensuite, j’en vins à jeter un coup d’œil – très rapide – au petit chat maintenant sur les genoux de la jeune femme, et je lui demandai : « Il faudrait lui trouver un nom, n’est-ce pas ? »