« Viens, petite poupée, c’est l’heure pour toi de faire une sieste. » furent les mots que je prononçai à l’adresse de la petite Nora qui commençait à fermer doucement les paupières et luttait contre le sommeil, comme si elle ne voulait pas lâcher la petite poupée qu’elle tenait entre ses mains, allongée sur son tapis de jeu où elle s’amusait gentiment depuis qu’elle avait terminé son déjeuner. J’avais compris que c’était là le signe qu’il était temps pour elle de faire une sieste, comme elle le faisait à chaque après-midi, du moins, depuis que je m’occupais d’elle pendant que ses parents étaient partis au travail. Puis, sachant que mes mots ne seraient pas suffisants, considérant le fait qu’elle était encore toute petite et qu’elle ne se lèverait pas d’elle-même pour aller jusqu’à son lit, je me penchai pour la prendre dans mes bras, calant sa tête contre mon épaule dans l’espoir qu’elle trouve le sommeil dans le court trajet séparant le salon à sa chambre. Ce ne fut pas le cas, mais presque; sitôt que je la déposai dans son lit, je la vis fermer les yeux de nouveau, cesser de remuer, et finalement trouver le sommeil pour peut-être une heure ou deux. Doucement, je souris, puis après m’être assurée que tout était en place pour qu’elle soit bien pour dormir; rideaux tirés, veilleuse allumée, de même que son mobile qui chantait une douce berceuse, je sortis de la chambre, attrapant l’émetteur-récepteur pour bébé par la même occasion, me laissant l’opportunité de me promener un peu partout dans la demeure si je le souhaitais toujours en sachant ce qui se passait dans la chambre.

C’était bien souvent ainsi que les débuts d’après-midis se déroulaient dans la maison où j’étais maintenant nounou pour quelques semaines. Honnêtement, je ne pouvais pas me plaindre; pour le moment, tout se passait bien, et je commençais petit à petit à me faire à cette nouvelle vie, m’estimant chanceuse à chaque jour de pouvoir refaire ce métier que j’aimais tant. Bien sûr, je n’étais pas encore totalement à l’aise, la première preuve étant que je n’osais pas encore nécessairement montrer des marques d’affection concrète; jamais je n’avais donné encore à Nora un bisou ou un truc du genre, et jamais je ne lui avais donné un surnom affectif un peu plus possessif du genre « ma petite poupée », m’en tenant à des trucs plus neutres. Je ne savais pas pourquoi je me montrais réticente à cette idée, peut-être parce que je ne voulais pas nécessairement m’attacher, même si, au fond de moi, je savais parfaitement que je m’attachais déjà, que c’était chose acquise, qu’il me fallait seulement la certitude que c’était fait pour durer, que je n’allais pas perdre mon travail et que je ne serais pas chassée le lendemain matin. J’avais toujours cette crainte, après tout, surtout si ce que j’avais fait dans le passé venait à être découvert par mes employeurs…

Cependant, je choisissais de ne pas y penser constamment et profiter de chaque moment, sans toutefois oublier de bien faire mon boulot. Et ce boulot, en mon sens, était également d’assurer que la maison soit présentable au retour des propriétaires. C’est pourquoi, une fois que j’eus retrouvé le rez-de-chaussée, je cherchai ce que je pourrais faire qui serait potentiellement pratique et qui serait apprécié. Ce ne fut pas très long à trouver; sitôt que je vis les jouets trainer dans le salon, je commençai à me sentir embêtée par cela, et sans hésiter une seconde, je commençai à ranger ces fameux jouets et mettre un peu d’ordre dans la pièce, prenant toutefois soin de ne pas faire trop de bruit, par contre. Mon travail de rangement fut plutôt rapide, quoiqu’efficace, mais ce ne fut pas assez pour que j’eus terminé lorsque soudainement, j’entende sonner à la porte. Je fronçai légèrement les sourcils, surprise d’avoir un visiteur alors que ce n’était pas prévu, ou du moins, on ne m’avait pas prévenue de quelconque visite. Sachant que je ne pouvais pas laisser attendre cette personne, mais qu’en même temps, je refusais de laisser une peluche par terre trainer comme ça, je choisis de la garder entre mes mains, puis je me rendis à la porte, l’ouvrant soudainement sur… Probablement la dernière personne qui avait envie de me voir ici, et que je voulais voir, pour tout dire. Légèrement gênée, mais ayant l’intention de demeurer poli, je baissai la tête l’espace d’une seconde, puis finalement, je dis : « Bonjour… » sans ajouter quoi que ce soit d’autre, pour le moment, en tout cas, puisque pour tout avouer, je ne savais pas trop quoi dire ou quoi faire, comme si ma place n’était pas à cette porte, à ce moment précis.

Il ne me fallut pas beaucoup de temps de déduction pour comprendre que la jeune femme n’était pas contente de me voir, mais pas du tout. Enfin, elle ne semblait pas m’en vouloir, ne semblait pas être prête à me jeter dehors, pour le moment, en tout cas. En fait, si je saisissais bien ce que son regard tentait de dire, elle semblait plus choquée qu’autre chose, mais cette surprise qui se lisait dans ses yeux n’avait rien de bon, rien de positif à mon égard. Après, elle avait parfaitement le droit d’être surprise; j’étais ici que depuis tout récemment, et je ne pensais pas que Lullaby ou Aiden avaient crié sous tous les toits qu’ils avaient embauché une nouvelle nounou. Non pas que ce n’était pas le genre, mais je supposais que ce n’était qu’une routine, qu’il n’était pas nécessaire que je sois décrite en détails à toute leur famille, aux gens qu’ils connaissaient, pour le moment en tout cas. Après, peut-être apprendrais-je à les connaître éventuellement, je ne le savais pas encore, et je n’allais pas être fermée à l’idée.

En revanche, je savais parfaitement que la surprise d’Azélia n’avait pas seulement quelque chose à faire par rapport à ma présence en général, que c’était quelque chose de plus profond que cela. Cela se traduisit par le fait qu’elle me demandait ce que je faisais là de façon sèche, me faisant alors comprendre que sa hantise envers moi n’avait toujours pas diminué avec le temps. Pour tout dire, cela m’embêtait, un peu beaucoup même. Je le démontrai en ne répondant pas dans un premier temps, pinçant les lèvres pour ne pas hausser le ton, sachant que je le regrettais compte tenu que je venais tout juste de mettre Nora au lit pour sa sieste. De plus, si jamais je venais à me prendre la tête à quelqu’un qui connaissait Aiden et Lulla’, alors mon avenir ici serait bien compromis, et ça, je n’en avais pas du tout envie en ce moment. Je voulais réfléchir à mes paroles avant de dire quoi que ce soit et ce, même si la réponse n’était pas bien compliquée, et que je ne voulais pas vraiment cacher la raison de ma présence, puisque je n’en avais pas honte.

Cependant, avant que je puisse dire quoi que ce soit, la jeune femme me devança, me demanda si les propriétaires du domicile étaient présents. À mon avis, la réponse était plutôt évidente, mais puisque la demoiselle brune me regardait sèchement, semblant réellement agacée de ma présence, je ne pouvais pas me permettre de faire dans l’ironie ou me montrer arrogante, surtout que ce n’était pas mon genre. J’inspirai alors profondément, me surprenant à croiser mes bras sur ma poitrine également, puis je répondis, sur un ton que je voulais calme et poli : « Non ils ne sont pas là. Il n’y a que moi, je suis la nounou des enfants. » En gros, j’avais réussi à répondre à la question actuelle, ainsi que la première, puisque mon travail expliquait la raison de ma présence. Qu’elle le veuille ou non, c’était ainsi, et je n’allais certainement pas partir parce qu’elle le voulait, d’autant plus que pour une fois, Azélia était une personne qui ne m’aimait pas en raison de mes actions passées, mais tout simplement puisqu’elle était une amie de mon ex-mari. Vu comment notre histoire s’était terminée, je pouvais comprendre qu’elle ne m’aimait pas, mais était-elle au courant de ce qui s’était passé ? Ça, je ne le savais toutefois pas, et je ne me voyais pas lui demander, pas maintenant, en tout cas. Je finis par simplement ajouter, toujours sur ce ton que je jugeais courtois, même si, malgré moi, ils trahissaient un certain agacement devant le froid de la conversation : « Si tu veux, je leur dirai que tu es passée, ou bien que peux les attendre… » Mais bien sûr, cela impliquait qu’elle attende avec moi. Ça, je ne pensais pas avoir besoin de le mentionner, ce n’était pas bien difficile à déduire.

Devant l’air légèrement choqué d’Azélia par rapport à la raison pour laquelle j’étais ici, dans cette demeure, je confirmai mon propos par un hochement de tête accompagné d’un subtil haussement d’épaules, comme si je ne voyais pas pourquoi elle en faisait tout un scandale. Enfin, j’espérais qu’elle ne le ferait pas, puisque je savais qu’elle connaissait très bien Aiden et Lullaby, et de ce fait, elle pourrait très bien me descendre de quelconque façon. Après, comment elle s’y prendrait, je n’en savais rien, mais préférant de loin demeurer sur mes gardes, je n’ajoutai rien, je ne passai aucun commentaire, et surtout, je me tenais tranquille, puisque je craignais que mon emploi soit en jeu, et ça, je ne le voulais pas. C’était pourquoi, pendant un instant, après avoir vu la réaction de la jeune femme par rapport à mon métier de nounou, j’espérai au fond de moi-même qu’elle préfère partir, que je prévienne les propriétaires de la demeure qu’elle était venue, et qu’elle repasse plus tard, tout simplement. Ainsi, je pourrais m’assurer de ne pas être là au moment où elle reviendrait, et en conclusion, j’éviterais toute confrontation inutile. En revanche, ce ne fut pas ça qui arriva; Azélia choisit de rester afin d’attendre Aiden et Lullaby, ce qui signifiait pour moi que je devrais lui tenir la conversation ne serait-ce qu’un peu.

Même si je m’efforçais de ne pas le montrer, je devais avouer que cela m’agaçait quelque peu. Heureusement, je sus me montrer plutôt discrète, répondant de façon on ne peut plus neutre « D’ici une heure et demie, je dirais. » En effet, même si je n’avais pas regardé l’heure, je savais que bien souvent, soit Lullaby, soit Aiden était de retour au moment où Nora terminait sa sieste, et je savais combien de temps les siestes de la petite duraient, donc j’avais su estimé la fameuse heure que j’avais supposé plus ou moins exactement, à mon avis. Toutefois, je savais parfaitement au fond de moi que ce temps signifiait quelque chose pour moi également; c’était le temps pendant lequel je ne serais pas libre de faire ce que je voulais, que je devrais considérer la présence de la meilleure amie de mon ex-mari. Cela me faisait étrange de penser cela ainsi, puisque le moins je pensais à mon passé, mieux je me portais, mais c’était cela qui définissait la raison pour laquelle nous nous connaissions, malheureusement. Parfois, je me surprenais limite à me demander si nous pourrions bien nous entendre si ce n’était pas de cela, mais après, je réalisais que cela ne serait tout simplement pas possible, puisque non seulement, mon ex-mari était effectivement notre connaissance commune, et cela ne changerait pas, puisque je ne me voyais certainement pas lui expliquer ce qui avait pu se passer avec son meilleur ami, cette partie de ma vie étant beaucoup trop délicate pour que j’en parle à qui que ce soit. De toute façon, je n’allais pas le cacher, je serais bien surprise qu’Azélia veuille en savoir un peu plus à mon sujet, comme moi, je ne cherchais pas à m’aventurer dans sa vie personnelle. C’est pourquoi je fus plutôt étonnée que soudainement, elle me demande si j’étais ici depuis longtemps. Je savais pertinemment que c’était une question on ne peut plus banale, mais il n’en demeurait pas moins que c’était une question qui me concernait directement. De ce fait, il me fallut peut-être une ou deux secondes supplémentaires pour finalement trouver quoi dire, puis je répondis : « Quatre ou cinq mois, je dirais. » Apparemment, je préférais demeurer vague, puisque de toute façon, je ne pensais pas que la date exacte de mon arrivée soit ce qu’Azélia cherchait à savoir. De plus, je ne souhaitais pas nécessairement parler de ma vie personnelle, puisque je savais très bien que cela pourrait déraper, et de ce fait, je jugeai préférable de revenir à un sujet plus impartial et demander : « Je peux t’offrir quelque chose à manger ou à boire ? »

Si cette conversation, à la base, ne me mettait pas nécessairement à l’aise, elle devint limite insupportable lorsque soudainement, Azélia me demanda si lui, il était au courant de ma présence ici. Le fameux « il » ne pouvait pas représenter un million de personnes; il représentait la personne que nous avions en commun, à savoir mon ex-mari. Incapable de répondre, je gardai mon mutisme, ne sachant que faire de plus. Pour tout dire, la simple idée que mon ex-mari soit libéré de prison et soit au courant d’où je me trouvais me faisait trembler de peur. Cette peur aurait pu limite être irrationnelle, compte tenu du fait que je n’avais pas eu de nouvelles de sa part depuis maintenant près de dix ans, mais qu’importe, j’étais persuadée que j’aurais peur de lui pour le reste de mes jours, à vrai dire. Voilà pourquoi je le considérais comme mort à mes yeux, que parfois, je parlais comme s’il n’avait jamais existé, mais à cet instant précis, par cette question on ne peut plus banale, Azélia venait de le faire revivre l’espace d’un horrible instant, et je refusais que celui-ci ne dure plus longtemps.

Voilà pourquoi je préférai demander si elle voulait quelque chose à boire, histoire de détourner un peu la conversation et ne pas être obligée d’expliquer mon manque de réponse. La jeune femme me répondit alors qu’elle souhaitait boire un soda, agrémentant sa phrase d’un sourire on ne peut plus hypocrite. Cependant, trop distraite pour le relever, je n’y prêtai même pas attention, puis je profitai avec grand soulagement de cette opportunité pour m’éclipser en cuisine un instant, faire dos à la jeune femme, et tenter de me ressaisir quelque peu. En revanche, reprendre ma contenance fut un peu plus long que je ne l’aurais cru, mais au moins, quand je revins en salle à manger et que je servis le soda à la jeune femme, j’avais une main beaucoup plus assurée que je ne l’aurais eue si cela n’avait pas été de ces quelques secondes seule, ces quelques secondes où je m’étais forcée à penser à autre chose que le visage de mon ex-mari, ce visage remplir de violence et de colère, ses mots durs, agressifs, quand il me frappait, ces insultes qui m’avait proférées au moment de ce dernier affrontement, celui qui avait tout changé… Malheureusement, ces images n’avaient pas mis de temps à remonter à la surface, et maintenant, je tentais autant que possible de les apaiser avec des pensées plus joyeuses; le fait que j’avais un toit, un emploi que j’aimais, que j’avais retrouvé ma ville natale, des amis que j’appréciais et qui, heureusement, m’appréciaient toujours, malgré mon passé un peu sombre que je m’efforçais de complètement mettre derrière moi.

Quoiqu’il en soit, ce fut avec un peu plus de confiance que je revins vers Azélia, mais je me doutais bien que cela ne signifiait pas que la discussion serait simple, bien au contraire. Je compris que je n’étais pas sortie de l’auberge lorsqu’elle fit la constatation que nous allions devoir apprendre à vivre ensemble et ce, même si on ne s’aimait pas. À cet instant précis, j’aurais très bien pu faire la remarque qu’en fait, c’était surtout elle qui ne m’aimait pas, pour une raison que je ne savais pas cerner. Était-ce parce qu’elle était jalouse que je sois avec son meilleur ami à cette époque ? Si c’était cela, avoir su, je lui aurais laissé il y a bien longtemps de cela, même si en fait, dans l’ordre d’idées que la jeune femme venait d’avancer, il ne valait mieux pas que je sois confortable avec ce genre de choses… Mes idées devenant alors beaucoup trop irrationnelles, je choisis de secouer la tête, et simplement dire : « Tu as raison… » avec un petit sourire timide en coin. Je marquai alors une pause, et finalement, dans un soupir, je demandai : « Alors… Peut-être que tu pourrais me dire ce qui ne va pas chez moi qui fait en sorte que tu me détestes tant ? » Je ne savais pas vraiment ce qui m’avait prise de me lancer ainsi, mais honnêtement, je jugeais préférable de ne pas tourner autour du pot. Après, si c’était une mauvaise manie, un truc que je faisais, je saurais peut-être l’atténuer en sa présence, et peut-être cela allait améliorer les choses, mais encore fallait-il qu’elle me dise ce qui clochait, puisqu’à moins que je sois vraiment trop stupide pour m’en rendre compte, même après tout ce temps, je ne voyais toujours pas ce que j’avais pu faire pour qu’elle ne soit pas capable de me sentir, et que par ricochet, j’aie du mal à me trouver dans la même pièce d’elle.

Alors que je venais de poser cette fameuse question qui me brûlait les lèvres, qui pourrait peut-être régler les choses, ou au contraire, les empirer, je tentais de ne me faire aucune idée concernant la potentielle réponse d’Azélia, histoire de ne pas me borner à quoi que ce soit, parce que tout ce que je voulais, c’était comprendre la situation. Cependant, malgré mes efforts, je me doutais quand même d’une chose, c’était que ça devait avoir un lien avec Parker, mon ex-mari, également un ami de la jeune femme. En fait, limite, c’était une évidence que c’était par rapport à cela, puisque si je ne me trompais pas, elle ne savait absolument rien de ce qui s’était passé dans ma vie depuis que j’avais demandé le divorce, et elle venait d’apprendre que je travaillais pour Lullaby et Aiden. Par conséquent, il ne restait que cela, sauf si elle avait une autre raison qui serait probablement impertinente et superficielle. Après, si elle ne m’aimait pas parce que j’étais blonde, ou parce que je parlais trop fort, ou n’importe quoi d’autre, alors là, je ne pourrais malheureusement rien n’y faire, sauf peut-être m’excuser de qui j’étais, ce qui serait, avouons-le, légèrement pathétique.

Finalement, j’avais visé juste, et Azélia me le fit comprendre bien rapidement. Effectivement, cela avait quelque chose à voir avec Parker, mais ce qu’elle m’expliqua n’était pas vraiment ce à quoi je m’attendais. En fait, ce qu’elle m’expliqua dans un premier temps,  c’était qu’elle était frustrée puisque mon ex-mari avait coupé tout contact avec elle. Par rapport à ces propos, ma première réaction fut de froncer les sourcils. Peut-être me trouverait-elle complètement stupide, mais honnêtement, je ne comprenais pas trop quel était le lien avec moi. En revanche, je ne demeurai pas dans le flou bien longtemps, puisqu’elle ne se gêna pas pour le faire à ma place, supposant, ou plutôt, croyant dur comme fer, que c’était ma faute si Parker ne lui avait plus parlé, que je l’avais forcé à couper contact avec la jeune femme. À sa question, mes yeux s’écarquillèrent, et pendant une seconde, je ne sus pas trop comment réagir. J’étais particulièrement tendue de toute cette situation, mais en même temps, si c’était ça qu’elle me reprochait… À cette pensée, sans réfléchir, sans savoir me contrôler, j’éclatai de rire. Voilà ce que fut ma réaction; un rire complètement ridicule, qui pourrait très bien insulter la jeune femme, même si en fait, je n’y songeais même pas en ce moment. En fait, je ne savais même pas exactement pourquoi je riais; parce que sa supposition était ridicule, ou bien parce que j’étais soulagée de savoir que c’était ça, sa fameuse raison pour me détester ? Je m’efforçai de me poser la question, choisissant la seconde option pour ne pas me montrer blessante, puis je tentai de me calmer un peu, sachant que simplement rire, ça ne le ferait pas, surtout pas pour un sujet si délicat, un sujet qui me faisait faire n’importe quoi encore aujourd’hui, apparemment. Puis, dès que je fus en mesure de reprendre la parole, je dis : « Attends… Tu es sérieuse là !? » Dans le but de ne pas recommencer à réagir n’importe comment, je levai la tête, regardant le plafond un instant pour trouver les mots qui sauraient expliquer clairement la situation, mais qui demeureraient supportables pour moi, parce que pour tout dire, je ne me voyais pas du tout lui expliquer tout ce qui s’était passé, pas directement, en tout cas. Puis, une fois que je sus à peu près quoi dire, je la regardai de nouveau, et j’affirmai : « Je ne l’ai jamais privé de qui ou quoi que ce soit ! Si tu voulais lui parler, tu n’avais qu’à lui demander de te mettre sur la liste des visiteurs autorisés au centre de détention d’Austin, et voilà ! » Après, je ne savais pas si c’était encore vrai, puisque j’avais catégoriquement refusé de me tenir au courant de la vie de Parker après son arrestation, ne voulant pas souffrir davantage. Puis, pour ne pas fournir de détails, je finis mon propos en haussant les épaules et en disant : « Enfin, quoiqu’il en soit, je n’y suis pour rien, je n’y ai jamais demandé une telle chose. » Mon propos était sincère, franc, sans aucune marque de sarcasme quelconque. Après, si elle ne me croyait pas, si elle pensait que c’était ma faute s’il était en prison, alors en effet, peut-être vaudrait-il mieux qu’on en reste là, parce que je ne saurais pas supporter me sentir coupable de tout et n’importe quoi plus longtemps, ayant eu mon lot précédemment et ayant assez perdu comme ça.