Après avoir déballé mon sac, limite m’être défoulée, il fallut que j’inspire profondément, histoire de me calmer un peu, parce que non seulement, je ne voulais pas commencer à hurler et par conséquent, réveiller Nora qui dormait à l’étage, mais de plus, je ne voulais pas perdre le peu de sang-froid qui me restait, pas devant Azélia. Bien sûr, je me doutais bien que ce que je venais de lui avouer pourrait potentiellement changer sa perception de ma personne, ne serait-ce qu’un peu, mais cela ne voulait pas dire que je me devais de considérer qu’elle accepterait le fait que je craque, parce qu’après tout, nous n’avions jamais été en bon termes, et je me doutais bien que même si cette révélation allait changer quelque chose, cela ne changerait certainement pas tout, et plus encore, les choses ne changeraient peut-être pas dans le bon sens, même si, au fond, c’était celui que j’espérais. Je ne voulais pas qu’elle prenne pitié de moi, qu’on me considère comme une victime, mais après, j’espérais seulement qu’elle comprendrait que contrairement à ce qu’elle s’imaginait, jamais je n’avais empêché mon ex-mari de lui parler, et jamais je n’aurais voulu le faire. Après tout, il aurait très bien pu l’appeler depuis le centre de détention, rien ne l’empêchait de le faire, mais apparemment, il n’y avait même pas pensé. En revanche, ça, ce n’était pas mon problème, parce que la dernière chose que je voulais, c’était savoir ce qu’il faisait, comment il allait. Moins je pensais à lui, mieux je me portais, et c’était ainsi depuis maintenant plus de cinq ans, même si parfois, le sujet était inévitable, comme en ce moment.

Quoiqu’il en soit, peu importe ce que j’espérais, ce à quoi je pourrais m’attendre, il n’en demeurait pas moins que maintenant, la balle était dans le camp d’Azélia, et je ne pouvais pas l’aider à porter son jugement sur la situation, simplement lui rapporter ce qui s’était passé, comme je venais exactement de le faire. Après, je ne lui avais pas tout dit, ce qui fit en sorte que la jeune femme parut légèrement confuse par rapport à mes précédents dires, et après courte réflexion, je ne fus pas étonnée qu’elle réagisse ainsi, et que plus encore, qu’elle me demande ce qui s’était passé pour que la situation soit telle qu’elle était en ce moment. Évidemment, peut-être que l’idéal pour moi aurait été que je doive me passer d’élaborer un peu plus sur le sujet, mais puisque mon idéal n’était pas celui des autres, et surtout pas le plus logique, il fallut que je me rende à l’évidence qu’il faudrait que je développe davantage sur le sujet. Après un court silence, je baissai le regard une seconde, passai ma main dans mes cheveux, et finalement, je commençai à dire, la voix plus calme, certes, mais relativement brisée : « Peu de temps après notre mariage, il a commencé à avoir des accès de colère de plus en plus fréquents. Contre tout et rien, mais surtout contre moi. » Il était inutile que j’explique que Parker était fait ainsi, me disant que si jamais Azélia connaissait si bien celui qu’elle considérait comme son meilleur ami, alors elle le savait probablement déjà, surtout qu’elle avait laissé échapper précédemment ce «
Ne me dis pas que » qui me faisait douter qu’effectivement, elle était déjà au courant. Peut-être pas de tout, mais de l’essentiel pour que je n’aie pas à entrer dans les détails et que je puisse poursuivre en lâchant seulement : « Il s’excusait à chaque fois, me disant qu’il regrettait et tout, mais à un moment donné, il y a eu cette fois de trop… » Je marquai ensuite une pause, ne sachant pas trop comment tourner la prochaine phrase. Je me refusais de dire que j’avais porté plainte comme ça, sans dire pourquoi, histoire de ne pas passer pour la méchante et commencer à culpabiliser de façon ridicule, comme je l’avais fait si souvent par le passé. En revanche, si jamais je le disais, il faudrait que je justifie le pourquoi, ce que c’était, cette fois de trop, et je ne me sentais pas nécessairement prête à le faire. Au final, je ne fis que marmonner : « C’était… C’était juste impardonnable. » de façon presqu’inaudible. Ultimement, je déglutis, et choisissant de ne plus me torturer trop longtemps pour le moment, je finis par dire, en me ressaisissant : « Voilà, maintenant tu connais l’histoire. Et tu sais que je ne lui ai jamais demandé de couper contact avec toi. » Après, si elle allait me croire ou non, ça, je ne pouvais pas le déterminer, mais j’avais tenu mon point, je m’étais même efforcé de l’expliquer, je ne pouvais pas faire mieux à présent.

Je savais bien que j’étais restée vague, que je n’avais pas su expliquer concrètement ce qui avait pu se passer, mais vu l’air décontenancé qui apparut sur le visage d’Azélia lorsque j’eus terminé mes explications, je compris que j’avais quand même su être assez clair pour que la jeune femme comprenne tout. Pour tout dire, cela me soulageait, puisqu’en fait, je ne me serais pas vue tout expliquer. Même si c’était plutôt étrange à dire, j’avais quand même de la chance de me retrouver devant quelqu’un qui connaissait Parker, et qui était au courant de comment il était, les potentiels accès de colère qu’il pouvait avoir de temps à autre. Autrement, j’aurais peut-être dû aller davantage en détails, utiliser des mots qui auraient tôt fait de me perturber encore plus, et je ne sais pas si j’aurais pu le supporter, déjà que même si j’avais tout dit, même si j’avais fait tout ce que je pouvais pour faire avancer les choses, je trouvais cela plutôt lourd à supporter. Enfin, il fallait dire que le fait qu’Azélia ne semblait même pas vouloir croiser mon regard n’aimait pas nécessairement, mais que pouvais-je faire ? Lui exiger de me regarder, de me dire ce qu’elle pensait n’était pas une option, puisqu’en mon sens, il s’agissait d’un manque de savoir-vivre qui était bien loin d’être bienvenu en ce moment. Heureusement, ma patience fut récompensée, en quelques sortes, puisque peu de temps après, Azélia me présenta ses excuses, excuses que je m’empressai d’accepter, en quelques sortes, avec un sourire triste. En fait, je ne savais pas vraiment quoi faire de plus, quoi dire. Je me sentais toute drôle, et ce sentiment ne semblait pas vouloir s’estomper, et cela n’arriverait pas d’ici quelques minutes apparemment, puisqu’Azélia, elle aurait, ne semblait pas être en mesure d’utiliser les mots justes pour décrire la situation, ce que j’avais pu vivre. Au moins, je n’étais pas la seule à être ainsi, et franchement, je me sentais un peu plus confortable, ou plutôt, moins paranoïaque et ridicule à ne pas pouvoir utiliser la bonne terminologie comme si les mots « frapper » ou « fausse couche » étaient comme prononcer Voldemort. Ce n’était pas nécessairement l’idéal, je le savais bien, mais présentement, moins j’en disais, mieux c’était. Je continuai d’ailleurs sur cette lancée lorsque la jeune femme, à mon grand étonnement, me dit qu’elle savait que ce n’était pas facile, ce genre d’histoire. À ces mots, demeurai silencieuse, puisque mon premier réflexe si je n’avais pas fait preuve d’un peu de retenue aurait été de lui demander pourquoi elle disait cela, si c’était simplement pour se montrer polie et paraître compatissante. Toutefois, je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils pour faire savoir que j’étais intriguée pendant quelques secondes, radoucissant automatiquement mes traits lorsqu’elle conclut en affirmant qu’elle n’aurait pas su que Parker atteindrait ce point culminant, ce point de non-retour. Après avoir baissé la tête quelques secondes pour chercher mes mots sans confronter son regard – puisqu’apparemment, je n’en étais pas vraiment capable non plus, pas complètement en tout cas – je finis par simplement dire, dans un souffle : « Moi non plus, je ne pensais pas… » En fait, étant mariée à lui, j’avais appris à déceler ses accès de colère et tenter de m’en protéger autant que possible, mais ce qu’Azélia ne savait pas, c’était que cette ultime dernière fois, jamais, au grand jamais, je n’aurais pu deviner qu’il aurait pu s’en prendre indirectement à une autre personne que moi. Pendant tout ce temps, j’avais cru que la présence de notre enfant dans mon ventre me protégeait, puisqu’il m’avait toujours dit qu’il ne pourrait pas y toucher, lui faire du mal, et pourtant, il l’avait fait. Cependant, je n’avais pas le courage de lui avouer qu’en fait, elle n’avait probablement aucune idée d’à quel point il était allé loin, et je ne savais pas si je pourrais lui expliquer un jour, pas à court terme, en tout cas. À la place, je me contentai plutôt de lui dire : « Je voudrais m’excuser aussi. Avoir su, je t’aurais tenue au courant, je n’aurais pas mis autant de temps avant de t’expliquer… » Je m’efforçai de faire un sourire timide en coin pour montrer la sincérité de mon propos, puisqu’après tout, si je lui avais dit directement, peut-être nous ne serions pas restées en froid aussi longtemps. Enfin, c’était ma vision des choses, peut-être que la demoiselle en avait une autre, mais au moins, je lui avais fait part de mes excuses, considérant que j’aurais été stupide de ne pas le faire compte tenu qu’elle l’avait fait en premier.

Pour toute réponse, j’esquissai un sourire timide à l’adresse d’Azélia au moment où celle-ci me dit qu’il n’était pas nécessaire de m’excuser par rapport au fait que je ne l’avais pas prévenue pour l’arrestation et l’emprisonnement de Parker, il y a quelques années de cela. En fait, je ne me voyais pas réellement argumenter, ne serait-ce que pour lui donner raison sur le fait que j’avais bien d’autres choses en tête au moment où tout s’était définitivement terminé entre nous. Effectivement, je n’avais pas su vraiment me concentrer sur autre chose que mon divorce, que ce que je pourrais faire après avoir perdu tout ce que je chérissais au monde à cette époque, laissant ensuite cette épreuve me consumer petit à petit jusqu’à tout récemment, jusqu’à ce que je décide de me reprendre en main et tenter ma chance ailleurs, ici même, à Pasadena. En fait, cette période de ma vie avait encore un impact sur mon existence aujourd’hui, vu comment je me comportais lorsqu’il était question de mon ex-mari, mais c’était beaucoup moins difficile à surmonter que ce ne l’était il y a de cela quelque temps. Bien sûr, il n’en demeurait pas moins que je n’aimais pas encore parler de Parker aujourd’hui, et ça, j’étais persuadée que ça ne changerait jamais. J’en eus la preuve au moment où Azélia, en toute gentillesse, ou du moins, c’était ce que je crus comprendre, s’offrit pour en discuter si jamais j’en ressentais le besoin. Bien que je me doutais que cela n’arriverait pas, pas tant que je n’aurais pas clairement et définitivement tourné la page sur ce qui s’était passé – ce qui serait très compliqué, pour être franche, vu comment j’avais peu confiance en mon avenir amoureux, envers les hommes, en général – j’accueillis quand même bien sa proposition, ou du moins, suffisamment pour lui dire : « Merci… », ne pouvant pas nier que je trouvais cela plutôt gentil de sa part de vouloir m’aider, d’une certaine façon, et que plus encore, elle ne semblait pas dire cela simplement pour être polie, comme ce genre de personnes qui disent cela et qui, par la suite, lorsque vient le moment d’en parler, tournent le dos et disent ne plus vouloir entendre d’histoires plus longtemps. Enfin, peut-être que non, elle ne voudrait pas m’entendre me lamenter sur Parker pendant des heures, mais au moins, elle me l’offrait, et dans les circonstances, cela signifiait beaucoup, d’où le fait que je jugeais bon de lui exprimer ma gratitude par rapport à son offre. En revanche, ce fut la seule chose que je fus en mesure de faire dans l’immédiat. Par conséquent, un petit silence de quelques secondes s’installa dans la discussion, silence que je ressentis le besoin de briser, sans savoir toutefois comment le faire avec tact. Ce fut seulement suite à une bonne réflexion – enfin, plutôt intense, mais pas assez pour avoir une crampe de cerveau – que je finis par lâcher, un peu maladroitement, je n’allais pas le cacher : « Ça me rassure d’avoir mis au clair ces choses avec toi… » Un petit sourire en coin vint agrémenter mon propos, que je voulais sincère. Effectivement, même si je me doutais bien que je n’allais pas appeler Azélia « mon amie » dès demain matin, il n’en demeurait pas moins que je me sentais un peu plus confortable de la voir et de la côtoyer, ce qui n’était pas le cas pas plus tard qu’il y a quelques minutes. Et puis, il était indéniable que ça, c’était pour le mieux, compte tenu que visiblement, je serais appelée à la voir encore plus souvent qu’à l’époque où j’étais encore mariée. Maintenant plus inquiète du tout, mais plutôt amusée par rapport à ce que ça aurait pu être si nous n’avions pas eu cette conversation, je me permis de dire, dans un petit rire nerveux : « Autrement, on aurait pu continuer à se faire la gueule encore longtemps ! », lançant essentiellement cette réplique pour détendre l’atmosphère. Je ne voulais pas viser la jeune femme par rapport au fait que nous étions en froid, puisque j’étais aussi fautive qu’elle dans toute cette histoire. Après, peut-être ne m’y étais-je pas prise de la bonne façon pour signifier ma pensée, ne pouvant juste espérer qu’Azélia ne le prendrait pas mal, et que nous ne serions pas sur le point de déclencher une nouvelle guerre froide dans cette maison de laquelle je ne voulais pas bouger, puisque pour une fois, je me sentais bien quelque part, et j’avais l’intention que ça reste ainsi encore un petit moment.

Quand venait le temps de trouver les mots pour détendre l’atmosphère dans les moyens plus sérieux et moins confortables, j’étais bien loin d’être candidate à remporter un prix Nobel dans ce domaine. C’est pour cela que je demeurai légèrement tendue après avoir pris la parole par rapport au fait que nous aurions pu nous détester encore longtemps, mais heureusement, et à mon soulagement d’ailleurs, la jeune femme ne le prit pas mal, et plus encore, elle sembla suivre le mouvement en tenant des propos par rapport auxquels je ne pouvais qu’acquiescer, ce que je fis d’un hochement de tête et d’un petit sourire timide, ne voulant pas vraiment exagérer et m’étaler sur le sujet pendant des heures. À quoi bon, puisque maintenant, ce que nous avions à nous dire était dit ? En mon sens, il valait mieux se pencher sur un sujet peut-être un peu plus léger que la relation respective que nous avions avec Parker, et Azélia sembla d’accord avec moi sans que je lui demande quoi que ce soit, puisqu’elle souleva le fait que c’était étrange qu’on se retrouve ainsi, toutes les deux, puisqu’à présent, je travaillais pour son cousin. À cela, je ne pus qu’acquiescer également, me permettant quand même de rire légèrement, amusée de cette constatation, ou plutôt, tentant d’être amusée plutôt qu’embêtée par ce fait, lâchant un petit : « Oui, très petit même. » pour accompagner ma réaction, faisant en sorte que ce propos marque la fin de mon petit rire par la même occasion. Je n’allais pas m’en rouler par terre de rire, quand même, mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser que le hasard faisait drôlement les choses parfois; Azélia qui est la cousine de mon employeur, qui lui-même est fiancé à une de mes meilleures amies d’enfance que je côtoyais maintenant tous les jours, comme nous le faisions lorsque nous étions encore au primaire. N’était-ce pas des plus étranges ? Enfin, ça, ce n’était que mon avis, et bien rapidement, je choisis de ne pas m’accrocher à ce sujet, puisque me connaissant, et vu la discussion que nous venions d’avoir, je serais parfaitement capable de commencer à paniquer sur le fait que puisque le monde était si petit, alors peut-être que je viendrais à recroiser Parker une fois dans ma vie, même si pour tout dire, c’était la dernière chose que je voulais. Heureusement, je n’en arrivai pas là dans mes pensées, m’arrêtant de réfléchir à cela au moment où Azélia me demanda comment allait Nora. Me sentant déjà plus confortable de parler de ce fait, je fis un sourire un peu plus sincère, reprenant de la contenance et affirmant, sans aucune hésitation cette fois-ci : « Elle va bien ! » Mon sourire s’élargit à ce moment précis, montrant ma soudaine aisance, probablement pour la première fois depuis le début de la discussion. Mais ça, ce n’était pas vraiment étonnant quand on y pensait; j’avais beau ne pas travailler pour Lullaby et Aiden depuis une éternité, il n’en demeurait pas moins que ce temps fut assez pour que je me sente réellement à l’aise dans cette maison et pour m’occuper de Nora, à qui je commençais progressivement à m’attacher – dans la mesure où je demeurais professionnelle, cela allait de soi – d’où le fait que je ne me gênai même pas pour dire par la suite : « Elle dort en ce moment, donc c’est sûr qu’elle va bien et qu’elle est tranquille, mais sincèrement, elle est adorable. » Et honnêtement, je ne disais même pas cela pour la vanter; j’avais déjà eu l’occasion de m’occuper de plusieurs enfants dans ma vie, et je m’étonnais encore de voir comment cette petite était à la fois éveillée et gentille. Mais après être retombée sur Terre – non pas que j’étais partie loin, mais quand même – je me rendis compte que je disais probablement des choses qu’Azélia savait déjà, comme je ne tardai pas à le soulever quand je lui dis par la suite : « Enfin, je suppose que ça, tu le sais déjà ! » sans aucune once de malice ou de méchanceté dans ma voix, ne faisant qu’une constatation toute simple, puisqu’en fait, je prenais pour acquis, ou presque, que compte tenu qu’elle était de la famille, elle devait la côtoyer assez souvent, ou du moins, Aiden devait lui en parler, quelque chose dans le genre. Pour ma part, je n’étais là que pour m’occuper d’elle, je n’étais pas sa tante, sa grande-cousine ou quelque chose comme cela, bien loin de là.