Aiden était de garde ce soir tandis que Lullaby rentrait chez elle pour la soirée. Ce scénario était tout à fait normal dans mon quotidien, et bien souvent, cela signifiait que pour ma part, puisque les enfants avaient un parent présent, ma journée de travail était terminée et je pouvais retrouver mon loft et ce, peu importe si Aiden était de garde ou non, compte tenu que cet aspect, je n’avais pas à m’en occuper, n’ayant qu’à être présente en cas de besoin, ce qui ne me dérangeait certainement pas, loin de là. Toutefois, ce soir, alors que j’étais sur le point de quitter la demeure une fois que Lullaby fut bien rentrée et installée chez elle, celle-ci me proposa de ne pas rester seule pendant la soirée, puis de se faire un dîner entre filles, histoire de passer du temps ensemble et discuter de façon plus informelle, ce que nous n’avions pas eu nécessairement l’occasion de le faire depuis un petit moment. En effet, entre les préparatifs du mariage et le mariage en soi, Lullaby et moi-même n’avions pas vraiment eu l’occasion de passer du temps ensemble, seule à seule. Après tout, je savais pertinemment qu’un mariage occupait les esprits plus souvent qu’autrement au fur et à mesure qu’il approchait, l’ayant moi-même vécu il y a de cela dix ans, bien que mon mariage n’avait pas été aussi magnifique que celui de Lullaby et que de plus, je préférais l’oublier plutôt que d’en parler. En somme, cela ne me gênait pas qu’on n’ait pas pu discuter pendant cette période, sachant pertinemment qu’elle avait mieux à faire, mais je ne cachais pas le fait que j’étais ravie de son invitation et que je n’allais pas passer à côté. Après tout, ce serait moche de ma part de rester seule dans le loft qui se trouvait à même la demeure seule tandis que Lullaby le serait également. Heureuse de pouvoir passer une soirée en compagnie de mon amie, je ne m’étais toutefois pas proposée de rester, même si j’aurais très bien pu le faire, souhaitant laisser à mon amie un moment avec sa petite famille, et également me laisser une opportunité pour faire une bonne invitée de moi-même et de ce fait, pouvoir offrir un petit quelque chose à la jeune femme, ou du moins, fournir une part du repas, si cela était possible.

Lui affirmant que je serais de retour sous peu, je quittai la demeure, puis je me rendis au loft pour me changer rapidement de haut, celui que je portais ayant été souillé par un biberon régurgité signé Nora. Ensuite, je me rafraichis un peu, puis je décidai de me rendre à la pâtisserie du coin, espérant ne pas arriver trop tard. Par chance, ce ne fut pas le cas, de ce fait, j’eus le temps de choisir un paquet de quelques petits gâteaux, prenant soin de prendre ceux que Lulla’ aimait bien, en espérant que ce petit quelque chose de dernière minute lui fasse plaisir. Après, il était certain que j’aurais voulu faire mieux, que j’aurais même voulu préparer quelque chose moi-même, mais le temps n’étant pas de mon côté, j’allais me contenter de cela et me rattraper une autre fois. Une fois que ce fut fait, je retournai chez Lullaby, puis même si j’avais la clé de la demeure dans mon sac à main, n’ayant pas le choix pour venir m’occuper des enfants, je jugeai quand même plus poli de frapper à la porte, sans parler du fait que la boîte de gâteaux entre les mains, chercher la clé dans mon sac serait loin d’être une partie de plaisir et pourrait mal se finir.

Au bout de quelques secondes, Lullaby vint ouvrir la porte et me laissa entrer, sans toutefois me saluer de quelconque manière, apparemment trop occupée à faire autre chose. Alors que nombreuses gens auraient pu se montrer offensés de ce genre de comportement, moi je ne m’en fus pas vexée pour autant. Pourquoi ? Parce que premièrement, je connaissais suffisamment Lullaby pour savoir que ce n’était pas méchant, et de plus, j’avais remarqué qu’elle était concentrée sur ce qui se trouvait entre ses mains, soit un morceau de fromage et… Du Nutella ? Légèrement étonnée de cette combinaison plutôt étrange entre le sucré et le salé, normalement un de ces clichés de femmes enceinte, je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils. Cependant, voyant mon amie concentrée sur cette mixture et apparemment satisfaite de pouvoir s’en régaler, je ne passai pas de commentaire, attentant qu’elle me porte attention, espérant que cela se ferait dans quelques secondes. Heureusement, elle ne tarda pas, après avoir pris ce qui semblait être sa première bouchée, de m’adresser la parole, non pas pour me saluer ou quoi que ce soit, mais tout simplement pour me demander si je voulais goûter. Poliment, je dis : « Non merci, ça va aller. », esquissant ensuite un petit sourire. Pour tout dire, j’avais abandonné l’idée de faire ce genre de mélanges dès que ma grossesse que je n’avais pas menée à terme avait pris brusquement fin, et encore là, je n’avais jamais vraiment eu ce plaisir, compte tenu du fait que mon mari de l’époque trouvait toujours quelque chose à redire concernant mon comportement, ce qui avait pour effet de le faire fâcher bien rapidement. Sachant les conséquences de tout cela, je me tenais donc tranquille, et malheureusement, ce genre de souvenirs et de mauvais traitements avait encore une répercussion sur ma personne aujourd’hui.

Ne souhaitant pas trop y penser, je préférai plutôt reporter mon attention sur mon amie, me rendant compte qu’en fait, elle ne blaguait pas, elle semblait vraiment se délecter de cette mixture. Pourtant, jamais je ne l’avais vue manger de telles choses et se régaler. Je savais bien que je n’étais pas là lors des repas bien souvent, mais après, je croyais assez bien la connaître pour me douter que ce n’était pas son genre… À moins que… ? Je secouai rapidement la tête, laissant échapper cette pensée de mon esprit aussi subitement qu’elle était arrivée dans ma tête. Je considérai plutôt mon amie qui m’avait posé une question à laquelle je répondis dans un haussement d’épaules : « Je ne suis pas allée bien loin, t’inquiète. Et puis, tu me connais : je ne me serais pas permise d’arriver les mains vides. » Un petit sourire apparut au coin de mes lèvres, puis comprenant que ce serait totalement illogique que je donne le carton à mon amie, sachant qu’elle avait déjà les mains remplies avec son soi-disant goûter, je me permis de me rendre à la cuisine pour déposer les cupcakes sur le plan de travail. Après tout, je connaissais cette maison par cœur à présent, je jugeais que cela venait simplement faciliter la vie de mon amie et ne relevait pas de l’impolitesse. Ensuite, je revins vers elle, lui disant à la blague : « Si tu veux, tu les mangeras avec de la mayonnaise ! », ajoutant ensuite un petit rire pour montrer que je ne faisais que plaisanter et que mon but n’était surtout pas de la vexer. Finalement, je repris quelque peu mon sérieux, et je lui demander, on ne peut plus sincèrement : « Comment tu vas alors ? Ta journée, ça a été ? » Après tout, il s’agissait là de questions légitimes; même si je l’avais brièvement croisée, je n’avais pas eu l’occasion de lui demander, sans parler du fait que nous aurions certainement plus le temps de discuter ce soir, ou du moins, je l’espérais bien.

Ce fut plus fort que moi; je demeurai quelque peu confuse au moment où je me rendis compte qu’en fait, la blague que j’avais faite concernant les cupcakes et la mayonnaise, Lullaby avait décidé de la prendre au sérieux. Cela fit en sorte que pendant quelques secondes, je restai là, les yeux un peu plus écarquillés que la normale, la bouche légèrement entrouverte, me donnant alors un air complètement idiot. Je sentais que si cela n’avait pas été de Lullaby qui reprit la parole peu de temps après, je serais restée bouche-bée bien longtemps ainsi. Heureusement, ce ne fut pas le cas, puisque sitôt après que mon amie m’eut demandé si cela allait, je secouai furtivement la tête, puis je tentai de reprendre un sourire avant de dire : « Oui oui, ça va. », sachant que mon air et mon ton de voix sonnaient faux – littéralement, parce que ma voix avait vraiment faussé pendant ma réponse, bien étrangement d’ailleurs. Pour tout dire, j’étais légèrement perturbée par le fait que même si je tentais de me convaincre que ce que je pensais n’était peut-être pas vrai, complètement absurde, je me disais en même temps qu’en fait, compte tenu du propos, cela commençait limite à faire du sens. Toutefois, je m’efforçai quand même de me convaincre du contraire, me disant que peut-être se payait-elle ma tête et elle l’admettrait plus tard dans la soirée. En tout cas, si c’était ça l’explication, elle m’aurait bien eue, c’était certain. Ensuite, mon amie me proposa de boire un lait de poule. Mon premier réflexe fut de froncer légèrement les sourcils, non pas que ce n’était pas une bonne idée, mais plutôt parce que ce n’était pas le genre de chose qu’elle avait tendance à me proposer, ou du moins, je ne m’en souvenais pas si c’était le cas. Après, c’était le premier temps des Fêtes que je passais dans l’entourage de mon amie d’enfance, et de ce fait, c’était la première fois que le lait de poule était en vedette dans la demeure, probablement, mais j’en fus quand même surprise, et plus que cela, je regrettai d’avoir hésité. Non pas parce que je mourrais d’envie d’en boire un, mais plutôt parce que mon hésitation laissa l’occasion à mon amie de me proposer autre chose, quelque chose qui était plus classique, mais qui me perturba encore plus. Pourquoi ? Parce que Lullaby me proposait toutes sortes de boissons qui avaient toutes un point en commun; le fait qu’elles contenaient de l’alcool. Et moi, depuis maintenant plusieurs mois, je n’en buvais plus une goutte, et plus jamais je ne voudrais y retoucher, vu comment tout cela avait détruit ma vie. D’un air plus sérieux, je ne fis que dire : « Le lait de poule, ça ira. », ne tenant pas à partir sur un discours concernant ma sobriété. Toutefois, je savais que cela pourrait être de rigueur si je ne faisais pas preuve de plus d’enthousiasme, d’où le fait que je m’efforçai d’avoir un rire nerveux lorsque Lullaby me dit qu’elle, elle ne buvait pas d’alcool. Bien déterminée à paraitre naturelle, je n’y pensai pas pour le moment, mais bien rapidement, je me rendis compte de la portée de ses mots, et je dus faire un effort surhumain pour ne pas me lâcher, pour ne pas lui poser cette question qui commençait sérieusement à me brûler les lèvres. Est-ce qu’elle tentait de me faire passer un message, ou bien c’était un concours de circonstances destiné à me mener en bateau ? Franchement, la première option se présentait de plus en plus comme étant la plus logique, et limite, j’en étais à me dire que si jamais un autre indice m’apparaissait, alors là, je ne saurais pas me retenir pour le lui demander, même s’il fallait que Lullaby soit vexée après cela. Après, ce n’était pas comme si je le demandais parce que je trouvais qu’elle avait pris du poids ou quoi que ce soit – parce qu’à première vue, je ne pensais pas – et j’étais persuadée que si c’était moi qui l’accueillait en mangeant de telles mixtures et en ayant un tel comportement, elle se poserait certainement les mêmes questions que moi en ce moment.

En revanche, lorsque mon amie reprit la parole, je m’efforçai de mettre ces questionnements de côté un instant, histoire de lui prêter totalement attention, d’autant plus que cela aurait été fort stupide que je ne lui réponde pas au moment où elle me posa une nouvelle question. Hésitante, je lui dis : « Euh… Un peu, je crois… », me mordillant la lèvre en signe d’excuse. Après tout, mes souvenirs de Pasadena n’étaient pas les plus clairs qui soient, puisque j’étais partie relativement jeune. Bien sûr, après un bout de temps, j’avais réussi à me souvenir de Lullaby, qui avait été ma meilleure amie à l’époque, mais après, pour certaines gens, c’était un peu beaucoup abstrait, comme ce Kyle, pour tout dire. Cependant, cela ne m’empêcha pas d’écouter attentivement mon amie, qui m’expliqua qu’en fait, elle le croyait décédé, mais que ce n’était pas le cas. Je demeurai quelque peu étonnée, parce que même si je ne me souvenais pas de la personne en soi, malgré tout, cela restait une histoire plutôt spéciale, et surtout, qui semblait perturber mon amie au plus haut point. C’est ce qui expliqua pourquoi j’eus un petit moment de silence, ne sachant pas vraiment si je me devais de lui poser la question. Cependant, au bout du compte, je me lâchai, et je dis : « Wow… C’est… Et tu l’as revu ? Comment t’as su, en fait ? », me disant qu’au final, peut-être que cela ne lui ferait peut-être pas de mal d’en parler, vu l’air de confusion qu’elle abordait sur son visage lorsqu’elle en parlait. Après, peut-être n’était-ce pas là la meilleure façon pour la rassurer, l’accompagner dans cette histoire, mais au pire, peut-être pourrais-je ajuster le tout, ou du moins, je l’espérais. J’attendis alors sa réponse, la regardant dans les yeux avec un air qui se voulait conciliant, même si au même moment, je faisais des efforts plus que surhumains pour ne pas commencer à loucher vers son ventre, histoire de voir s’il s’était arrondi ou quelque chose comme ça et que je n’y avais pas prêté attention avant aujourd’hui.

Lullaby & Lenaëlle
Soirée entre filles


 

Lullaby & Lenaëlle
Soirée entre filles