La journée avait été longue, on arrivait en fin de mois d’avril et forcément, on sentait la clôture et tout. Une fois dans ma voiture j’étais heureuse de pouvoir raccrocher un peu, je soufflais un bon coup et je démarrais il était dix-huit heures. Je savais que mon père était parti rendre visite à ma sœur, Kennedy était surement à la fac, je crois qu’il avait des cours du soir aujourd’hui. Tristan disparu, Grace perdue, qui restait-il ? Maman. Je ne l’avais pas vu au bureau ce qui me laissait supposé qu’elle devait être à la maison déjà. Ah cette maison qui avait eu beaucoup de cris d’enfants pendant un moment. Il faisait encore très beau pour dix-huit heures avec 28° extérieur, je ne dirai pas non à un petit plongeon dans la piscine en rentrant. J’habitais à quinze minutes en voiture de la maison, le trajet avec Happy de Pharell Williams et encore quelques autres musiques passaient assez rapidement. Nous étions lundi et forcément la semaine promettait d’être longue. Tout allait bien se passait pour être honnête, je le savais mais il fallait juste passer la fin du mois d’avril, c’était le plus dur.

Je dus me garer un peu plus loin, apparemment j’avais beau être la seule à rentrer, mais Kennedy et Tristan n’avaient pas pris de voiture, ce qui m’obligeait à garer la mienne dans la rue. La maison avait été construite assez grande pour accueillir le nombre d’enfants que nous étions mais pas forcément pour accueillir le nombre de voitures que nous avions. J’avais ramené la mienne de Los Angeles quand j’étais arrivée chez mes parents il y a deux ans. Et puis Kennedy avait eu la sienne aussi, bref, nous en étions toujours au même point. Les enfants quittaient le nid familial au fur et à mesure mais ce n’était pas facile non plus, ça rendait la maison vide je trouvais. J’allumais une cigarette en descendant de la voiture et je remontais en cinq minutes le trottoir jusque la maison. Me posant devant la porte sous le porche, j’écrasais ma cigarette dans le cendrier sur côté de la fenêtre qui avait été mis là pour nous autres fumeurs mais ce qui énervait au plus haut point ma mère, je n’en doutais pas. Rentrant, je criais un coup pour annoncer mon arrivée « Je vais à la piscine maman ! » Je savais qu’elle était là ses clés étaient dans le pot et sa veste sur le porte manteau, j’enlevais rapidement les sandales que je portais et me précipitais dans ma chambre pour me changer, attrapant une serviette, la douche de rinçage, je m’attachais les cheveux et en dix minutes telle une enfant j’étais dehors sur la terrasse, prête à attraper le matelas gonflable. Et sur la terrasse je vis ma mère également, je lui souris « Tu as passé une bonne journée ? » demandais-je, en posant ma serviette sur un des fauteuils, ainsi que mon portable et mes lunettes de soleil. Et mettant mes pieds dans l’eau, je l'invitais à venir près de moi. La vie californienne et ses avantages, je vous le dis, moi c’est ce que je préfère à Pasadena.

J’avouais que le lundi n’avait en rien d’enviable au vendredi par exemple. Je préférais bien mieux ce dernier jour de la semaine, j’adorais mon travail bien évidemment, mais c’était pas le lundi qui me donnait cette perspective. Mon travail me donnait chaque jour l’envie de continuer pour autant, j’avais cette envie folle que cette radio donnait un peu de bonheur aux gens. Et j’aimais beaucoup cette idée, oui j’avais toujours été comme ça, mes frères et sœurs nous avions tous été élevés dans la foi protestante chrétienne, le sexe post-mariage, aimé son prochain, et compagnie. Bref, je vous laisse imaginer, j’avais toujours eu cette idée en moi que j’étais là pour aider les autres, même si ce n’était pas facile, j’avais respecté ses principes peut-être plus que mes autres frères et sœurs, dans le but de faire plaisir à mon père au début puis après cette façon de voir les choses n’avaient pas beaucoup changé. J’avais entendu le mariage pour coucher la première fois, bon j’avais eu une fille quelque chose comme six mois plus tard tout était arrivé très rapidement avec Dylan, mais je n’étais pas mécontente d’avoir attendu. Cependant je savais que ma mère n’avait pas eu autant de chance que nous, je ne connaissais pas grand-chose de son adolescence dans le sens où elle me cachait beaucoup de choses. Comme si je ne devais pas tout savoir, comme si je n’étais pas apte à tout savoir sur où j’étais née, comment et dans quelle circonstance. J’avais dit à mon père que j’avais vu mon père biologique mais je ne l’avais pas encore annoncé à ma mère. Pourquoi ? Par peur surement je ne savais pas trop. Orgueil aussi, je savais qu’elle ne m’en avait pas dit beaucoup sur lui, peut-être pour pas que je sois trop déçu chose que j’avais été une fois que je l’avais vu.

« Mortelle serait un euphémisme, je déteste la fin de mois autant que j’adore le boulot, c’est peu dire ! » Je faisais référence aux clotures d’exercice et ces genres de chose. Je savais parfaitement qu’elle savait de quoi je parlais vu que souvent on voyait ça ensemble. Je remuais les jambes, l’eau était plutôt chaude pour cette période là de l’année, enfin chaude tout était relatif. « Cette piscine va retrouver une deuxième jeunesse avec Nora bientôt ! Qu’en penses-tu ? » dis-je avec un sourire. Je l’envoyais sur un sujet que je maitrisais un petit peu, et puis c’était vrai mince, avec les mariages, les fiançailles, les bébés en cours. Vous pensez bien que ça allait donner une deuxième jeunesse à cette maison.

Je compris rapidement que ma mère ne voulait pas aller plus loin concernant le boulot, je lui souris. Je savais que sa vie n’était pas facile, si je vivais la mort de Luke avec difficulté ça l’était d’autant plus pour ma mère, et je le sentais bien. Entre mes parents ce n’était pas la joie d’il y a quelques temps, j’avais vu l’évolution et le retour de Joan n’était pas pour me plaire, je ne savais pas trop comment en parler avec Lullaby, qui devait voir ce retour aussi assez spécialement, vu que Joan n’avait pas vu beaucoup ses deux filles pendant leur adolescence. Mais elle avait eu une histoire d’amour avec mon père, et ça je ne voulais pas qu’elle vienne foutre en l’air la vie familiale que nous avions, qu’elle soit la mère de Lulla et Rhiannon n’y changeait rien. Est-ce que je dirai la même chose si c’était mon père biologique qui venait reprendre ses droits sur moi, en même temps il n’avait pas grand mot à dire sur moi, j’avais vingt-huit ans, s’il avait envie de me connaitre, j’avais presque envie de lui dire qu’il était un peu tard quand même, et puis rancunière comme j’étais, le coup qu’il m’avait fait il y a cinq ans, le j’ouvre la porte et je te donne la charité, le bon Dieu aurait dû se marrer un bon coup là-haut quand même.

Je souris à son idée quand elle me dit qu’elle aurait besoin de cousins et de cousines. Oui je m’en doutais bien, si elle savait, qu’elle en avait déjà une de quatre ans qu’est ce qu’elle dirait. « Elle en aura de nombreux, même si y en a un qui est déjà marié, ça ne devrait pas tarder pour les autres. Ne t’inquiète pas, nous trouverons chaussure à nos pieds, et puis je pense que pour papa, le plus tard sera le mieux, il n’y a qu’à le voir avec Aiden. » dis-je avec un sourire. Je baissais les yeux, un instant, et je repris mon air un peu plus sérieux, mais à la fois ce petit air que j’avais quand j’étais adolescente. Je regardais mon ventre, la cicatrice de ma césarienne était invisible grâce au bas du maillot de bain, mais je voyais bien le bleu des piqures quotidienne que je me faisais avec ma pompe. « Dis maman, je ne sais pas si tu me répondras, mais… Enfin après c’est toi qui vois. Je… Pendant que j’étais à Los Angeles, je suis allée… Enfin, je suis allée voir qui était mon père biologique. A New York. Et je voulais savoir… Il était comment quand tu étais avec ? » demandais-je par curiosité. M’étais-je souvent demandé si ma mère avait eu une histoire d’un soir ou une vraie histoire d’amour avec l’homme qui m’avait filé ses gènes bien évidemment. M’étais-je trompée sur mes a priori ? Peut-être aussi.

Zeppelin n’avait peut-être pas fait la meilleure entrée dans la famille pour être honnête, je pouvais bien comprendre que son débarquement en furie en nurserie avait été pour le moins remarqué. Je n’avais pas été non plus la plus douce quand je l’avais vu comme ça et autant vous dire que quand je n’y mets pas les formes, je ne suis pas la sœur la plus adorable du monde. J’avais plutôt tendance à être direct et froide, surtout quand il s’appelait Kennedy en face de moi. C’était mon petit bout de chou, ma petite fleur au caramel qui allait tout juste éclore, alors c’était pas elle qui allait me piquer mon petit frère aussi facilement. Ma mère n’avait pas tord en tout cas, il fallait qu’on apprene à connaitre la demoiselle, tant bien que mal. « Je t’interdis de devenir cette belle-mère aigrie à qui on a volé son bébé adoré, son premier fils en tout cas ! La seule chose qui me désole, ce n’est pas tant son mariage, même si j’aurai préféré voir une belle cérémonie et que ce soit Rhiannon ou Lullaby en premier, mais plus le contexte. Ce n’est pas un mariage à Las Vegas, bourré, qui s’en rappellera dans l’un ou l’autre ? C’est une banalisation du mariage, et puis se faire marier par Elvis Presley, dans ce cas là je choisis plutôt Georges Clooney ou Johnny Depp tant qu’à faire, imagine se faire marier par le Capitaine Jack Sparrow, ça a quand même beaucoup plus de classe » dis-je pour détendre un peu l’atmosphère, je n’allais pas le blâmer sur son mariage. Vu que j’étais dans le même cas, mais disons plus sur la façon de faire. Moi il était caché, mais au moins j’avais pas fait ça avec 5 grammes dans le sang. C’était peut-être ce qui était en train de me consoler, et je ne me permettais pas de donner une leçon à mon frère, juste un conseil, qu’il méritait tellement mieux que ça.

« Il est le meilleur père qu’on puisse avoir, les autres ne s’imaginent pas la chance qu’ils ont je pense. J’ai peut-être eu les deux extrêmes, le désintéressé et celui qui veut me considérer comme sa fille alors qu’il a déjà trois enfants, mais il a toujours été honnête avec moi. Je suis fière au moins de porter son nom à défaut de partager son sang, et je suis fière de toi maman, que tu l’aies rencontré et que tu m’aies donné un père merveilleux au final. » dis-je avec un sourire. Les moments de solitude avec ma mère était particulièrement rares dans le sens où j’avais du la partager toute petite avec 3 autres enfants alors que j’étais fille unique au début. C’était à rien y comprendre. On ne m’avait jamais rien imposé, et même si avec Rhiannon et moi ce n’était pas l’amour fou, avec Luke et Laby’ le courant était de suite passé. En même temps, Lullaby et moi étions comme deux sœurs jumelles, le même âge à 9 mois près, ça aidait à s’apprécier quand même. J’écoutais le récit de ma mère sur mon père, ce qu’elle me dit ne m’étonne guère « Je ne lui reproche pas de ne pas avoir voulu de moi à 15 ans, ce que je lui reproche c’est de me voir comme intruse alors que je voulais juste essayer de comprendre d’où je venais, qui j’étais. Avec une vingtaine d’année supplémentaire, je pensais que l’on pouvait voir autre chose, mais il a du penser que je perturberais trop sa vie familiale peut être parfaite à ses yeux et qu’il n’avait aucune envie de revoir une fille non désirée… » dis-je comme si je pensais à voix haute. Même si ma mère avait décidé de me garder, mon père ce n’était pas le cas, et c’était peut être cette douleur que je n’arrivais pas refouler.