Declan était assez fier de lui. Il avait fait le premier pas. C'était sans doute la chose la plus terrifiante qu'il n'avait jamais fait, mais il avait prit un risque et ça avait payé. Il avait embrassé Carter et par un miracle indescriptible, la belle lui avait répondu en retour. Ok. Une excellente chose de faite. Et maintenant quoi? Declan avait estimé avoir fait un gros effort, alors sans doute maintenant méritait-il un peu de conseil? Notamment : comment fait-on fonctionner une relation digne de de nom? Il n'en avait aucune idée. En trente ans d'existence, Declan n'avait jamais tenu entre ses mains quelque chose de la sorte. Des petites sorties sans prise de tête, parfois répétées plusieurs fois avec la même personne, des moments intimes sans que la chose le soit plus que cela, voilà ce à quoi Declan était habitué. Ca n'était franchement pas compliqué à gérer. Mais avec Carter? Ca n'était pas la même chose, et il y avait tant de variables considérer. Leur situation, leur passé, leur enfant, tant de choses impactant sur leur relation naissant et qu'il fallait prendre en compte. C'était presque ridicule lorsqu'on estimait qu'ils étaient mariés depuis déjà une année et qu'ils étaient parents d'un bébé grandissant déjà bien vite. C'est comme s'ils avaient empruntés deux trajets en parallèle : l'un par l'autoroute, l'autre par un chemin de campagne!! C'était indécent d'être marié à une personne sans avoir aucune idée de comment bâtir une relation avec elle. Carter et lui étaient déjà plus familier l'un envers l'autre et cela se trahissait dans l'attitude qu'ils abordaient désormais entre eux. Un aspect tactile avait fait son apparition dans leur relation. Des baisers, des touchers qui s'attardent, des contacts visuels un peu plus soutenus, tant de gestes trahissant le nouveau statut de couple vers lequel ils se dirigeaient. Mais ils n'étaient pas encore exactement arrivés à destination. Declan en avait conscience. Même en l'embrassant, il ne pouvait que réaliser la prudence extrême qu'il abordait, conscient de chacun de ses gestes et de leurs limites Etait-il autorisé à faire ceci? A dire cela? Allait-il trop vite ou trop lentement? Declan n'en savait rien. Et il fallait croire qu'il avait épuisé tout son quota de courage. C'était encore tout nouveau, sans doute était-il normal qu'ils aient besoin d'un petit temps pour s'acclimater à ce changement et faire la transition vers leur nouveau statut. Cela n'aidait sans doute pas qu'ils gardent exactement le même train de vie qu'auparavant. Rien n'avait changé hormis les quelques petites touches d'affection. Mais Declan n'allait pas non plus débarquer avec ses affaires chez Carter pour jouer au papa et à la maman!! Alors il attendait. Quoi? Il ne savait pas. Que ça se fasse naturellement sans doute. Carter lui avait demandé de venir garder Steve, comme il en avait l'habitude. Declan se demandait parfois si le bébé se rendait compte de changement qui s'opérait entre son père et sa mère. Evidemment que non, il était encore trop jeune, mais Declan ne pouvait s'empêcher d'imaginer un enfant plus grand mettant tout en œuvre pour que ses parents finissent heureux ensemble comme à la télé. Peut-être, enfin, allaient-ils avoir leur happy ending, assez tôt pour que Steve ne découvre jamais ce qu'était la vie sans ses deux parents unis à ses côtés. Sans sombre inconnu pour prendre la place de la figure paternelle. Oh mon Dieu ce que Declan était heureux d'avoir mis un pied ferme dans la vie de Carter, ne laissant aucune place pour d'autres prétendants. La chose n'était pas encore gagnée, Carter pouvait changer d'avis, ou alors ça pouvait ne pas fonctionner entre eux, mais c'était déjà une bonne avancée. Mais tout de même. Par exemple, Declan ne pouvait pas ignorer de quel jour il s'agissait. Le 14 Février. S'il n'en avait franchement rien à battre de cette fête qu'il n'avait jamais fêtée, il ne pouvait ignorer le fait que Carter lui demande de garder leur fils en ce jour si particulier. Ou allait-elle ce soir? Avec qui? Declan savait qu'il était inutile qu'il se monte la tête, mais il ne pouvait s'en empêcher, si bien que c'est légèrement bougon qu'il arriva devant la porte de Carter à 17h30. Au moins lui allait passer la soirée avec son adorable fils, c'était déjà ça. Puis Carter ouvrit la porte et l'idée du rendez-vous romantique avec un inconnu s'envola aussitôt par la fenêtre. Non pas qu'il ne trouvait pas Carter sexy dans cet accoutrement, mais il doutait qu'il soit très approprié pour l'extérieur. « Salut? » répondit-il, légèrement confus, alors qu'il entrait chez Carter. Declan n'eut pas le temps de relever l'absence de bruits typiques du bébé que Carter lui donnait déjà la réponse, ce qui n'aida pas le moins du monde son incompréhension de la situation. Il se tourna vers Carter,  cherchant à comprendre. Et oh. Il ne s'était pas attendu à ça. Il se sentit un instant idiot et honteux d'avoir imaginé pendant un instant que Carter avait prévu quelque chose d'autre ce soir. Il retourna la pression contre ses lèvres, glissant une main sur la taille de Carter et ne se lassant pas de l'entendre l'appeler son mari. C'est officiellement ce qu'il était, mais ils avaient toujours évité de trop parler de leur mariage dans le passé. « Et bien considère moi surpris » répondit-il, entre surprise et profonde affection. Puis il réalisa quelque chose et perdit tout sourire. « Je...j'ai rien prévu,  je pensais pas... » bafouilla-t-il, agacé contre lui-même. Il n'avait pas un instant pensé qu'ils fêteraient la saint-valentin. Il n'avait pas de cadeau, même pas de minable fleurs à offrir. Il pourrait l'inviter au restaurant vu que Carter n'avait de toute manière pas eu l'occasion de préparer quelque chose. Tout devait être plein à cette heure-ci, sans réservation, et il n'allait pas non plus l'amener au Mcdo! Il ne pouvait pas non plus se proposer de cuisiner quelque chose, au risque de l'empoisonner ou mettre le feu chez elle. Declan se sentait légèrement paniquer, sa main se contractant nerveusement contre la peau de Carter. Quel loser.

La bonne nouvelle, c’est qu’il ne pouvait que faire mieux lors de la prochaine St-Valentin. Non pas que Declan se projetait aussi loin dans sa relation avec Carter. Il espérait bien évidemment qu’ils seraient encore ensemble ce moment venu, mais Declan approchait presque la chose avec superstition, convaincu qu’il allait ruiner leur chance s’il s’imaginait déjà la suite de l’histoire. Carter avait beau le rassurer et lui dire que ce n’était pas grave, le fait d’arriver en touriste les mains dans les poches à ce qui allait être leur soirée de St-Valentin le gênait assez. Il n’y avait rien qu’il pouvait faire pour y remédier sur le coup en même temps. La quitter sur le perron de sa porte pour aller faire un tour au centre commercial du coin serait aussi indélicat que stupide. Carter l’embrassa de nouveau et Declan se laissa emporter par le baiser, oubliant le petit désagrément. Après tout, ils étaient sur un pied d’égalité. Il n’avait pas de cadeau pour elle et elle n’avait pas de cadeau pour lui, si ce n’est sa compagnie. Puis Carter laissa échapper une petite information qui résonna comme une bombe dans l’esprit du jeune homme. Nooooooon. Le sourire s’effaça du visage de Declan à une vitesse qui aurait pu être hilarante si la situation n’avait pas été aussi tragique à ses yeux. Carter ne s’imaginait sans doute pas qu’en quelques mots elle avait provoqué chez Declan une litanie d’auto-flagellation mentale qui allait durer toute la soirée. Elle allait parler et lui allait essayer de déchiffrer un ressentiment caché dans ses mots. Elle allait l’embrasser et il allait recenser dans son esprit les cadeaux potentiels à offrir à posteriori. Ambiance. « Tu n’aurais pas dû » lâcha-t-il avec une pointe de désespoir. Carter n’était décidemment pas une diva avec beaucoup d’attentes, et heureusement pour lui, vu la gueule de leur cérémonie de mariage et de ce début de St-Valentin. Declan Gardner, référence réussite pour toute sorte d’événement. Le pire était sans doute son incapacité financière à rattraper le coup. Il allait devoir se mettre aux DIY. Ou aux grandes déclarations comme ces mecs qui planifient des flashmobs en pleine rue pour faire passer leur message d’amour. Declan se sentait petit à petit dépérir sous le son de son monologue interne et c’est avec un air défaitiste qu’il attendit comme une sentence que Carter sorte la main de sa poche et lui présente son cadeau. Qu’est-ce que ça pouvait être pour que cela tienne dans une poche ? Declan priait pour que ce soit un paquet de chewing-gum; une plaisanterie de la part de Carter et un soulagement pour sa conscience. Mais non. Non c’était bien pire. Ou meilleur, Declan n’en avait aucune idée puisqu’il faisait un anévrisme sur le pas de la porte, le regard fixé sur la clé qui avait été déposée dans le creux de sa main. Declan espérait que Carter avait épuisé son quota de surprise, car une de plus l’achèverait sans doute. Il avait conscience de dramatiser la chose, mais dans le contexte de sa petite vie, c’était quelque chose de très important qui était en train de se passer sous ses yeux. Il n’en revenait pas. Declan un regard lourd de gratitude sur sa femme. Se rendait-elle compte de l’impact qu’elle avait eu dans sa vie ? Carter lui avait donné un amour qu’il n’aurait jamais pensé éprouver. Elle lui avait donné un fils. Et maintenant elle lui donnait la promesse d’un avenir en famille et Declan en avait le souffle coupé. « Merci. Tu n’as pas idée...merci » bafouilla-t-il d’une voix rauque d’émotion avant de la serrer dans ses bras pendant de longues secondes. Il vola un baiser en se reculant, ahuri de la chance qu’il avait de l’avoir rencontré. Declan n’allait pas débarquer le lendemain avec ses valises, mais le simple fait qu’il pouvait le faire s’il le souhaitait était incroyable. S’il le voulait, il pouvait quitter son triste appartement et vivre avec sa famille, voir son fils tous les jours et non seulement par intermittence. C’est Grant qui allait être heureux de le voir moins souvent. « Ça ne m’aide pas à me sentir mieux du fait que je n’ai rien à t’offrir » ajouta-t-il avec un rire nerveux. Tu parles d’un euphémisme. « Non ne t’embêtes pas à cuisiner, on peut commander quelque chose » s’empressa-t-il de répondre. Il pouvait commencer par là. Acheter une pizza pour se montrer digne de la femme de sa vie. Il faut bien commencer quelque part.

Declan ne réalisa que bien trop tard qu'il était en train de se tirer dans le pied, de gâcher leur soirée avant même qu'elle ne commence réellement. Il était en train de se perdre dans un tourbillon de doute et d'angoisse en entraînant Carter dans sa chute. Il ne savait pas trop d'où ça venait pour être honnête. Lui qui avait l'habitude d'être nonchalant et détaché envers les moindres choses de la vie, se voyait troubler de se remettre tant en question en présence de Carter. Sa mère lui avait toujours dit qu'elle voyait au travers de son jeux et qu'elle se doutait qu'il cachait ses nombreuses angoisses derrière un voile de sarcasme et d'antipathie, mais il n'avait jamais été d'accord. Il ne jouait pas un rôle. Il n'était pas délibérément désagréable envers les autres, c'était juste son caractère. Il était évidemment différent avec sa famille, mais ce n'était pas pareil. Il était à l'aise avec eux, n'avait pas peur d'être ridicule où qu'ils le jugent. Alors oui, il n'était pas le même Declan avec le reste du monde, mais cela ne voulait pas dire qu'il était faux. Avec Carter, il avait appris à la laisser entrer dans sa vie, à apprendre à connaître mieux le vrai Declan. Mais avec cette nouvelle forme de vulnérabilité était aussi arrivé une crainte constante de la faire fuir. De ne pas être à la hauteur. De faire un faux pas. Carter n'était pas une fille superficielle qui allait lui faire une crise car il ne lui offrait rien à la St-Valentin, il le savait parfaitement, il ne n'avait pu s'empêcher de se sentir minable de recevoir et recevoir sans rien donner en échange. « J'vais essayer d'être à la hauteur alors » dit-il, un sourire au coin des lèvres. Si c'est lui qu'elle voulait, alors elle était servie. Il était tout à elle, corps et âme. Ils avaient beau eu mettre à temps glacial à admettre leurs sentiments l'un pour l'autre, Declan était désormais dedans jusqu'au cou. Il était dingue de Carter et n'arrivait presque pas à comprendre comment ils avaient pu se haïr autant à l'époque. Quoique, on dit bien que la haine est une passion. Ils étaient passés d'une extrémité à une autre. Il leva leurs mains nouées à ses lèvres et y déposa un baiser rapide, tandis qu'ils entraient pleinement dans l'appartement. Il la laissa briser le lien pour qu'elle puisse commander une pizza tandis qu'il faisait quelques pas de la pièce, comme s'il la voyait pour la première fois. D'une manière il ne pouvait s'empêcher d'observer l'habitation sous un nouveau jour. Ce n'était pas seulement chez Carter avec des meubles à elles, une atmosphère crée par elle, des souvenirs propres à elle. Cela, s'il le souhaitait, pouvait aussi devenir chez lui. Ils pouvaient construire quelque chose de concret et de beau ici, en famille. Declan souriait sans s'en rendre compte et pivota rapidement la tête vers sa femme lorsque celle-ci lui demanda quel genre de pizza il souhaitait. « Pepperoni?» dit-il, une valeur sûre. Carter lui proposa ensuite du vin et il pouvait qu'accepter. « L'occasion le mérite je pense » lui répondit-il. Ils méritaient bien un petit verre de vin. D'autant plus que Carter l'avait acheté pour eux et ça lui faisait chaud au cœur. Il l'observa se diriger vers le comptoir de la cuisine où elle attrapa deux verres et la bouteille pour les servir. Declan ne pu s'empêcher de se glisser derrière elle, glissant ses mains autour de sa taille et déposant un baiser dans le creux entre son épaule et sa nuque. C'était une scène tellement domestique. C'était parfait.

C'était bête, mais l'espace d'un instant, Declan aurait voulu que Steve soit là avec eux. C'était franchement contre-productif lors de la St-Valentin, mais le petit garçon était tout ce qui manquait en ce moment même pour figer l'illusion d'une vie de famille tangible et ancrée dans le réelle. Elle le devenait déjà, mais Declan ne se remettait que doucement de l'offre de Carter. La solution parfaite au fondement même de son angoisse. Celle qui l'avait habitée depuis l'annonce de la grossesse de Carter et qui s'était décuplée lorsque ses sentiments pour elle étaient apparus. L'idée toute simple d'une rencontre, celle de Carter et d'un inconnu. Un inconnu qui, si les choses étaient devenues sérieuses, aurait lui-même emménagé avec Carter. Il aurait alors été constamment avec Steve, devant inconsciemment une figure paternelle aux yeux du bambin jusqu'à évincée celle de son géniteur. Cette pensée l'avait tenu éveillé plus d'une fois. S'il avait pu ravaler sa rancœur et laisser Carter aimer un autre homme, la perspective que son fils aime un autre plus que lui l'aurait rendu malade de jalousie. Eh, peut être serait-il devenu de ces hommes fous qui kidnappent leurs gosses dans la maison de leur ex-femme. Il n'était pas à l'abri d'un tel futur, mais Carter venait de lui donner une chance. Celle de vivre ensemble, comme une vraie famille. De construire une relation sérieuse et d'être là pour élever Steve. Il allait pouvoir être là pour le voir marcher, pour l'entendre dire ses premiers mots, pour être celui qui allait appeler papa. A cette pensée, Declan dissimula un sourire franchement béat et niais dans la nuque de Carter. Il allait s'autoriser quelques secondes à être ce père de famille pathétiquement satisfait qu'il pouvait croiser au club de golf et qu'il se plaisait à maudire. Il observa silencieusement Carter verser le vin dans le verre, presque hypnotisé par le bruit clair du liquide qui percute le verre jusqu'à ce que Carter se retourne dans son emprise. Ses sourcils se froncèrent légèrement lorsqu'elle annonça trouver cela étrange, ce qui le laissa un instant confus. Elle s'expliqua aussitôt. « Crois-moi, je n'y suis pas habitué non plus » dit-il. C'était le moins qu'on puisse dire. Declan avait une relation très spéciale avec l'intimité. Il pouvait la supporter le temps d'une soirée, pas plus si la personne ne lui tapait pas particulièrement dans l'oeil. Et autant dire que Declan était difficile de ce côté-là. Il n'était pas non plus particulièrement tactile, n'appréciant pas franchement qu'on le touche, même au sein de sa famille. Avec Carter? Il ne pouvait pas s'en lasser. « Tu dis ça maintenant » dit-il après avoir retourné la pression contre ses lèvres. « Attends de devoir supporter ma présence pendant de longues périodes de temps » continua-t-il. C'était franchement de connaissance générale qu'il n'était pas facile à vivre.