Comment est-ce qu’on réagit en apprenant que notre meilleure amie est enceinte ? Avant quelques jours, je n’aurais pas pu répondre, même encore aujourd’hui, je ne pouvais pas répondre avec certitude. J’avais les jambes en cotons simplement à l’idée de me dire que j’avais accepté de l’aider, de la soutenir. C’était ce que devait dire un meilleur ami, mais après une bonne nuit de sommeil, j’avais conscience de l’ampleur de mes paroles. Pourtant, je ne voulais pas la laisser tomber, loin de là cette idée, mais je n’en étais pas le père… Pouvais-je donc me transformer en un semblant de père du jour au lendemain ? Dans la nature des choses, j’aurais mieux fait de tremper mon biscuit avant de penser à être père. Je fais tout à l’envers. Sortant de ma chambre, je grattais de sommet de mon crâne tout en m’étirant. Je me dirigeais vers le frigo d’un pas nonchalant, poussant un bâillement d’un mec à moitié réveiller. J’avais encore passé une nuit blanche, à composer une quelconque musique pour un film imaginaire. Je m’étais sans doute endormi au cours des dernières heures. L’appartement semblait silencieux, ouvrant la porte réfrigérer, je sortais la pinte de lait où était écrit mon nom en marqueur noir. Bon ça ressemblait plus à des pattes de mouche. Je secouais celle-ci qui semblait drôlement légère. Dépliant le bec verseur en carton, je regardais par l’ouverture pour y observer le liquide. Bon je ne voyais pas grand-chose à part du blanc… Mais elle semblait bel et bien plus vide que l’a veille. Je poussais un soupire, tandis qu’on toquait à la porte de l’appartement. Me traînant les pieds, j’allais ouvrir la porte. « Oui ? » disais-je en accompagnant ce simple mot d’un autre bâillement. Devant mon regard se trouvait un mec bedonnant, une barbe de quelques jours. Il y avait même une tâche d’huile sur son t-shirt. Je faisais mine de ne pas trop le regarder, tout du moins jusqu’à ce que sa voix rouillé par la cigarette et l’alcool parvienne à mes oreilles. « Vous avez pas encore payé le loyer ! » J’haussais les sourcils, j’avais pourtant donné ma part à Declan. « Vous êtes sure ? » demandais-je incertain, un peu comme si on me faisait une mauvaise blague. Il devait y avoir une caméra caché. « Tu me prends pour qui gamin. » Gamin ! J’ai vingt-cinq ans vieux bougre ! Blasé, j’allais refermer la porte. « Je demanderai à mes colocs, on ira vous le porter dans la journée. » Fichu concierge.  J’allais fermer la porte, quand l’homme s’en alla dévoilant derrière lui une femme tenant un enfant. Je déglutissais. Replaçant mes lunettes sur l’arrête de mon nez, je la regardais. Tôt ou tard, elle subirait ma maladresse. « Oui ? » J’espérais presque qu’elle se soit tromper d’adresse. Ou peut-être était-ce mon pire cauchemar qui se réalisait ! J’avais mis une fille en cloque sans la toucher. Pourtant, je n’avais jamais fait de don de sperme… J’étais toujours puceau, enfin jusqu’au dernière nouvelle. Pendant un instant, j’eus l’envie de regarder dans mon pantalon, mais je me retenais comme si ça pouvait me dire si j’étais encore puceau ou non… J’avais peut-être été violé ! « Declan est là ? » Tous mes délires s’envolèrent. Je la regardais, ouvrant la porte pour l’invité à entrer. Elle me souriait et je lui rendais la politesse. Bon mon sourire était sans doute tordu et étrange, mais ça c’est la nervosité. « Il devrait. » répondais-je finalement sans savoir vraiment si mon coloc était présent. « Declan ! » hurlais-je à voix haute dans l’appartement assez spacieux. Mon regard bleuté se posait sur le bambin que la jeune femme tenait dans ses bras. « Declan. » disait-elle. « Tu peux garder Steve pour environs deux heures ? » Garder le gamin, je relevais mon regard vers le trentenaire. Lui avoir un enfant ? Bon je ne le connaissais pas vraiment et sa vie m’importait peu. Secouant la tête pour chasser l’idée qu’il devait être père, je retournais au frigo. Revenant à la réalité que ma pinte de lait était pratiquement vide. Je poussais un soupire, buvant à même celle-ci, je la jetais une fois complètement vide. Je me retournais pour finalement découvrir que la jeune femme était partie. Dans cet appartement de mec, il y a avait désormais un bébé. Je me mordais l’intérieur de la joue. Tentant de faire abstraction de l’enfant, je regardais mon colocataire. « Tu as été porté le chèque pour le loyer du mois ? » demandais-je sans tourner autour du pot.

Declan était dans sa chambre lorsque la voix de son coloc l’interpella, haut et fort dans une exclamation qui lui rappelait étrangement sa mère l’appelant pour le diner. Dans un grognement, Declan se leva à contre cœur, s’imaginant déjà ce que Grant allait lui reprocher. Si c’était encore au sujet du frigo, il allait péter un câble. Il a qu’à s’acheter un cadenas s’il ne veut pas que Declan mange sa nourriture, car marquer son prénom partout comme un gosse ? Pas très efficace. Et puis après tout, n’était-ce pas cruel de vouloir priver Declan d’un plat digne de ce nom ? Ce n’était pas sa faute si Declan était un vrai désastre en cuisine alors que Grant se débrouillait plutôt bien ! Non. C’est cette remarque toute prête aux lèvres que Declan fit irruption dans la pièce commune, mais Grant devint vite le dernier de ses soucis. Son visage s’illumina en apercevant Carter dans l’encadrement de la porte, Steve dans les bras. Il traversa d’un pas vif la pièce jusqu’à se trouver devant eux, son coloc complètement oublié. « Oui bien sûr répondit-il, l’idée qu’il puisse refuser lui paraissant absurde. C’était tellement rare que Declan puisse passer du temps seul avec Steve, encore plus chez lui. A juste raison. Il suffisait de regarder à gauche et à droite pour comprendre que cet environnement n’était pas forcément le mieux pour un nouveau-né. Ce n’était pas le ghetto, mais ce n’était pas non plus une belle petite maison avec portillon blanc. S’il n’était pas aussi excité à l’idée de garder Steve, il serait sans doute un peu embarrassé d’accueillir Carter ainsi. Cette dernière devait d’ailleurs avoir un rendez-vous très pressant pour oser se séparer de son fils pendant l’espace de quelques heures. Declan se demanda un instant s’il elle avait un rencard, mais la sourde jalousie qui l’envahie à cette pensée le dissuada vite de continuer dans cette voie. « A tout à l’heure » lui dit-il en attrapant la petite main de Steve pour lui faire faire un signe d’au revoir à sa mère. Une fois la porte fermée derrière Carter, le bébé daigna enfin porter le regard sur son père. Celui-ci déposa un baiser bruyant sur la joue du bambin. « Tu es content d’être avec papa ? » demanda-t-il béatement à son fils en allant d’asseoir sur le canapé du salon, Steve lové contre sa poitrine. Le bébé claqua sa main baveuse contre la joue de son père. Declan interpréta ça comme un oui. Il avait presque oublié l’existence de Grant, jusqu’à ce que celui-ci n’ouvre la bouche. Ah merde. Declan ne pris pas la peine de rencontrer son regard lorsqu’il lui répondit. « Uh…pas encore, j’ai pas mal été occupé » se justifia-t-il en désignant son fils de la main.  « Mais j’vais le faire » se précipita-t-il d’ajouter. La vérité, c’était que Declan était un peu juste. Il lui manquait encore un peu d’argent pour payer sa part du loyer. Elever un enfant n’était franchement pas donné, et s’il savait pertinemment qu’il ne contribuait pas autant aux achats que Carter, il y mettait quand même du sien. Il savait pertinemment que ses parents seraient enclin à lui donner des sous (sa mère était aux anges depuis la naissance de Steve), mais il commençait à en avoir assez d’aller pleurer tous les mois chez eux pour quelques petits billets. L’un dans l’autre, il allait falloir qu’il s’organise mieux. Sa situation était déjà précaire, il n’avait pas besoin de terminer dans la rue ou à quatre pattes devant ses parents pour le supplier de le reprendre. Du parles d’un tue-l’amour. Ce n’est pas comme ça qu’il allait se prouver en tant que père. Peut être devaient-ils trouver d’autres colocs ? Mais l’idée de personnes supplémentaires à supporter et avec qui partager une salle de bain l’énervait déjà.  Il avait franchement passé l’âge de cohabiter avec toute une horde de jeunots. Ugh. Il avait 30 ans ! Il était caddie et serveur dans un club, il n’arrivait pas à payer son loyer et était réduit à voler de la nourriture à son coloc s’il ne voulait pas encore manger du fast-food. Quelle tristesse.  

C’était en répondant à une annonce que je m’étais retrouvé à vivre avec Declan. Ce n’était pas tous les jours la joie, mais ce n’était pas non plus l’horreur. Il m’arrivait souvent des anicroches avec ce dernier, mais qui pouvait dire que ça n’arrivait à personne ? J’avais laissé Declan discuter avec la jeune femme, je ne voulais pas me mêler de sa vie privée. Ce n’était pas de mes oignons et je ne souhaitais pas que celui-ci fasse de même si quelque chose s’apparentant m’arrivait. Je poussais un soupire, alors qu’on se trouvait une fois seul. Enfin tous les trois. J’avais vidé la pinte de lait, inscrivant d’en racheter sur le frigo. Puis j’avais demandé pour le loyer, ce qu’il répondit ne m’enchantait pas tellement. Je n’aimais pas le retard, sachant que la fin du mois arrivait et qu’on allait devoir payer le double si on voulait garder ce logement. « Écoute, t’es pas le seul à être occupé. » disais-je sans détour tout en le regardant son fils et lui. « Le concierge est venu le revendiquer. J’ai dit qu’on lui donnerait aujourd’hui. » continuais-je sur ce même ton fade. Je n’avais pas à le prendre en pitié parce qu’il n’arrivait pas à payer le loyer. Je connaissais ses revenus moindres et les miens n’étaient pas non plus les plus élevés. Malheureusement. Seulement, je faisais ma part et j’espérais qu’il fasse de même ce qui ne semblait pas être le cas. Je frottais mes mains ensembles, continuant à le regarder alors que je voyais une grimace apparaître sur le visage de l’enfant. Fronçant le nez et me bouchant les oreilles, je réussissais à couper le son du bambin qui se mettait aussitôt à pleurer à chaude larme. « Mais qu’est-ce qu’il a ? » demandais-je alors que je savais, que je ne comprenais pas ce qui se passait. J’avais un pincement au cœur en me disant qu’Avery était enceinte et que malheureusement je ne connaissais rien au bébé. J’avais peut-être agit sur un coup de tête en lui disant que je serais là pour elle. Non pas que je ne voulais pas, mais ça n’allait pas être si simple que cela d’élever et de prendre soin d’un enfant qui n’était pas le mien. « Il va bientôt arrêter de chialer ! » hurlais-je pour couvrir ce son strident qu’il poussait de plus en plus avec violence. Je fermais les yeux. Que devait-on faire lorsqu’un bébé pleurait ? Je n’avais pas la moindre idée, je n’avais jamais réfléchit à cela et dans ma chronologie de vie c’était quelque chose que je n’envisageais pas. Surtout pas, alors que j’étais toujours puceau et pourtant j’avais donné ma parole à Avery. J’avais été con sur ce coup là. Je m’en rendais désormais compte, ouvrant un œil pour regarder le père et le fils. Contrairement à lui, je n’avais pas ce lien de sang qui me relierait à cet enfant. « Il a peut-être faim ? » demandais-je en ayant pas la moindre idée si c’était la bonne réponse. Finalement, l’être humain n’est pas si facile que cela à comprendre, même si ce n’est qu’un enfant.

Ugh. Delcan avait vu le visage de son colocataire sombrer à sa remarque et le jeune Gardner avait aussitôt opté pour reporter son regard sur son adorable fils. Il n’avait pas besoin d’entendre Grant lui faire la morale comme s’il était un ado attardé….bon ok, Declan n’allait jamais être élu meilleure personne avec qui partager un logement, mais tout de même ! Declan détestait tout simplement qu’on lui mette ses défauts en pleine face comme s’il était incapable de le réaliser lui-même. Declan avait extrêmement conscience des problèmes de sa personnalité, merci beaucoup. Ce n’est pas pour ça qu’il avait la motivation de changer, mais tout de même. Declan était aussi légèrement irrité de savoir que Grant était en train d’empiéter sur son moment père/fils et tout cela pour le bassiner avec le loyer ! « Oui ok, j’irais lui donner tout à l’heure ! » claqua-t-il d’un ton qui indiquait clairement son taux d’enthousiasme pour la conversation. Le concierge était une enflure, mais ce dernier possédait malheureusement les murs entre lesquels ils se trouvaient. Declan n’avait nullement envie de finir à la rue, surtout pas en ce moment, alors bien sur qu’il allait payer ! Il n’était pas non plus insensible au point d’entraîner Grant dans sa chute. Il allait falloir que Declan fasse les fonds de tiroir, mais il était certains d’avoir de quoi payer la somme demandée. Juste assez. Dans le sens où, ce soir, il n’allait plus avoir un rond en poche. Mais ça, il était loin de le crier sur les toits. Il n’avait besoin de la pitié de personne. Il savait de toute manière que Grant n’allait pas lui faire de cadeau à ce sujet, ce dernier ne roulant pas non plus sur l’or. Alors bien sur que Declan pouvait aller pleurer auprès de ses parents pour avoir de l’argent ! Ceux-ci n’hésiteraient pas un instant, sachant pertinemment qu’avec Steve, Declan avait besoin de plus de liquidité. Mais non. C’était humiliant à sa propre manière. Il avait 30 ans nom de Dieu !!! 30 ans ! Il fallait franchement qu’il fasse quelque chose pour modifier sa situation. Il était diplômé, pas plus bête qu’un autre, capable d’avoir un job qui rapporte et permet de s’occuper de son enfant. Il lui fallait juste de la motivation. Ou un coup de pied au cul. Au choix. Steve semblait capter l’humeur de son père et la vocaliser, puisqu’il se mit à pleurer à chaudes larmes. Aw. Declan ignora Grant, berçant son fils dans ses bras pour essayer de le calmer. Son colocataire n’était pas très patient, voire pas du tout, et ne tarda pas à hausser le ton, ce qui agaça fortement Declan. « Hey » pesta-t-il. « La porte est juste là si tu as un problème » lui dit-il en pointant un doigt dans ladite direction. Un bébé ça pleure, il n’y a pas de quoi péter un câble. Declan reporta vite son attention sur son fils malheureux, essuyant les larmes sur ses joues roses. Le bébé sentait toujours bon comme la rose, donc l’hypothèse de la couche souillée n’était pas la bonne. Carter lui aurait dit si Steve avait une colique ou autre petit soucis commun dans le genre, il ne restait donc plus que la faim. Un coup d’œil à l’heure justifia que cela était en effet possible. Grant en était arrivé à la même conclusion apparemment. Declan se refreina de lui répondre un ‘Tu penses ?!’ acide. Il opta pour un neutre « Je pense, oui ». Ils allaient être fixés bien vite. Carter avait laissé un biberon tout prêt dans le sac, il ne restait plus qu’à le réchauffer. Bien que très protecteur, Declan n’avait pas envie de laisser Steve dans un équilibre précaire sur le canapé, alors il le fourra au passage dans les bras de Grant dans un « Tiens » rapide qui ne laissait pas la place à une protestation. « Ne tue pas mon fils le temps que je réchauffe son biberon » railla-t-il avant de se diriger dans la cuisine.

Comme tout le monde, je n’aimais pas tant enquiquiner quelqu’un à propos d’argent. Certes, je n’en quémandais pas, mais le fait d’insister auprès de mon colocataire pour qu’il paye sa part du loyer revenait un peu au même. Si j’avais eu les finances, j’aurais sans hésiter vivre seul, mais je ne pouvais pas me permettre ce luxe, pas encore du moins. Je devais donc jouer le coloc énervant à toujours demander des comptes. Au moins, il me promettait d’y aller dans la journée, sur le coup il devait me trouver chiant, mais il me remercierait un jour si on échappait à chaque fois au double paiement. « Merci. » disais-je en glissant mes mains dans les poches de mon jeans. J’allais retourner dans ma chambre lorsque le bambin se mit à pleurer. J’aurais mieux fait de continuer mon chemin, d’ignorer ce moment. Seulement, à le voir je ne pus m’empêcher de penser à Avery qui attendait un enfant. Est-ce que j’allais me retrouver à la place de mon colocataire, seul un bébé entre mes bras alors que ma meilleure amie était je ne sais où ? Cette simple idée me fit grimacer, je n’étais pas prêt à m’investir comme le faisait mon colocataire. En plus, je connaissais Avery la fêtarde. Voilà une autre chose que je craignais, et si elle ne changeait pas ? En tout cas, pour l’instant c’était loin d’être gagné ! Entendre le bébé pleurer commençait à me rendre fou, bouchant mes oreilles, j’haussais le ton. C’était un peu contre moi, n’entendant pas très bien ce que je disais, j’avais parlé plus fort que j’aurais dû. La réaction de Declan ne fut pas étonnante. Mon coloc avait un charme et une tendresse que je ne connais à personne d’autre. À ce demandé comment il avait fait pour avoir un enfant avec une fille ! Savait-elle qui était le père de son enfant ? Étais-ce pour cela que je ne l’avais jamais vraiment croisé à l’appartement ? Ou que Declan découche tout bonnement comme ça ! Rien. Elle avait peut-être mal calculé son coup et voilà qu’elle avait un enfant avec ce mec. Un peu comme Avery qui ignorait qui était le père de son enfant. Les femmes couchaient-elles vraiment autant à gauche et à droite ? Si oui, comment je faisais pour ne pas en avoir au moins une dans mon lit ? C’était à ce le demander ! Pour l’instant, le bébé continuait de pleurer, commençant à me faire perdre patience. Mute ça n’existait donc pas ! Cherchant une idée potentielle pour expliquer ses pleurs, je proposais l’idée qu’il puise avoir faim. Je regardais Declan qui semblait de mon avis. Mais j’aurais mieux fait de fuir lorsqu’il m’était encore possible de le faire. Je me retrouvais bien vite avec le bébé entre les mains, écarquillant mes yeux azures. Je ne savais même pas comment tenir un bébé, mais là j’étais paralysé. « Attend ! » protestais-je tout de même, il m’en laissait pas le choix, ça je comprenais, mais tout de même ! « Tu peux pas me le laisser, je sais même pas comment on doit tenir un bébé. » Au moins, ça valait coup d’être direct. « Je veux… » Je poussais un soupire, il m’avait littéralement laissé en plan avec son fils. Le tenant sous les aisselles, je tournais la tête pour regarder le poupon. « Hey. » Un dialogue digne des plus grandes comédies. Le bébé porta ses yeux clairs sur moi, arrêtant aussitôt de pleurer. Je me braquais, qu’est-ce que j’avais fait. « Declan je crois que je l’ai cassé ! » disais-je avec inquiétude, lorsque le petit se mit finalement à rire tendant ses bras vers moi. Je faisais quoi maintenant !

Sa vie avait changé du tout au tout. On a beau se préparer mentalement pendant neuf long mois, il n’y a vraiment aucun moyen de se rendre compte de l’ampleur de la chose avant le moment venu. Declan était père maintenant. Contrairement à d’autres, le jeune Gardner avait toujours été très ouvert à cette idée, voire impatient. Si la situation avec Carter avait été loin d’être idéale, la naissance prochaine du bébé n’avait jamais été un inconvénient à ses yeux. Maintenant que Steve était là, il savait qu’il avait eu la bonne attitude. Il n’y a rien qui compare avec le fait d’avoir mis un petit être humain au monde. Cependant, Declan avait tout de même la belle vie si l’on pouvait dire ainsi. C’est Carter qui s’occupait principalement de leur fils après tout. Non pas que c’était une situation qui convenait à Declan, au contraire. C’était presque amusant de constater qu’ils étaient encore mariés, élevant de manière volontaire et conjointe leur fils, sans pour autant que leur relation soit claire et simple. Declan se moquait pas mal de ce à quoi ça pouvait ressembler aux yeux de leurs proches, mais la vérité était qu’il allait falloir éclaircir tout ça à un moment ou un autre ! En attendant, Declan profitait de chaque moment qu’il pouvait passer avec son bébé, même si c’était au beau milieu du modeste appartement qu’il partageait avec son coloc. Declan n’avait pas perdu une seconde à confier son fils à Grant pour l’espace de quelques minutes. Si le jeune homme était naturellement protecteur envers son enfant, comme tout père, il estimait que son colocataire pouvait faire usage de ses deux bras et supporter un bambin pour une durée limitée ! A entendre les sons de détresse de celui-ci, on aurait cru que Declan lui avait filé une grenade sur le point d’exploser. Declan leva les yeux au ciel un instant tandis qu’il entrait dans la cuisine. Tant qu’il ne le tenait pas par les chevilles, la tête en bas, Declan se moquait bien de comment il pouvait tenir Steve ! Tout le monde sait porter un bébé de toute manière, c’est naturel, non ? Ca l’avait été pour Declan. Peut être est-ce plus simple lorsqu’on est préparé à l’idée. Le jeune Gardner s’empara du biberon préparé à l’avance par Carter et entreprit de le réchauffer. La jeune femme était toujours super préparée lorsqu’elle laissait Steve avec Declan. Certains auraient pu y voir là un manque de confiance, mais Declan lui savait reconnaître l’organisation et la prévoyance d’une jeune maman qui veut que son enfant ne manque de rien. Après tout, si elle doutait qu’il puisse s’occuper de Steve, jamais elle ne s’autoriserait à le laisser seul avec Declan ! Même pour quelques heures ! C’était hallucinant à quel point ils maitrisaient déjà un semblant de garde partagée sans jamais être passé par la case divorce. C’était d’ailleurs un détail qui revenait souvent dans l’esprit de Declan, le fait qu’aucun d’eux ne remette leur mariage sur le tapis. Lui savait très bien sa raison, et il commençait à se dire que peut être Carter pensait comme lui, qu’il y avait quelque chose à créer entre eux. Declan mis quelques secondes à remarquer le silence soudain qui régnait dans l’appart. Ce n’est que l’appel désespéré de Grant qui lui fit réaliser que Steve avait cessé de pleurer. « Ca m’étonnerais » rétorqua Declan en retournant dans le salon à la rescousse de son coloc. En effet, son fils avait arrêté de pleurer et était désormais occupé à glousser devant le visage effaré de Grant. « Je vois que tu t’es fait un nouvel ami » dit-il amusé en voyant son fils tendre les bras vers le jeune homme. « Il mord pas tu sais, t’es pas obligé de le tenir comme ça ». Le pauvre bébé semblait radioactif vu le soin que prenait Grant à maintenir la distance entre eux deux. « Tu veux lui donner à manger ? » proposa-t-il en montrant le biberon qu’il avait entre les mains. Declan ne se cachait même pas du plaisir qu’il prenait à torturer son colocataire qui semblait complètement désemparé en présence d’un bébé. « Pour t’entraîner pour plus tard ! ». Si Grant souhaitait un jour des enfants, il allait devoir faire des progrès !!  

Devenir père, j’étais loin d’être prêt à franchir ce pas. Très loin même. Certes, j’avais promis à ma meilleure amie de l’aider, mais il en restait pas moins que je n’étais pas certain d’y arriver. Un enfant qui me regarderait en disant papa comme si j’étais le sien, voilà ce qui clochait en fait. Je n’étais pas prêt à affronter cela, je ne le réalisais qu’à cet instant en tenant ce bébé dans mes mains. C’était un monde que je n’étais pas prêt à connaître. Je le regardais pleurer sans savoir quoi faire pour arrêter cela. Il n’existait pas une formule déjà pré-faite pour arrêter cela ? Regardant le bambin, je grimaçais de peur de lui faire quelque chose sans m’en rendre compte, autant dire je n’avais pas du tout la fibre paternel en moi. Au moins, j’avais peu de chance pour qu’une meuf arrive en me disant que je l’avais engrossé, car à part par magie, il y avait peu de chance pour que cela arrive. Lorsqu’il s’arrêtait de pleurer, je me figeais aussitôt, pris d’une forme de panique soudaine. Il lui arrivait quoi à ce môme ? On ne pouvait pas arrêter de pleurer comme ça ! Ça se faisait pas, y’avait que les filles qui connaissait le secret de cette magie ! Me mordant la lèvre, je relevais le regard pour voir mon coloc arriver. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’avais le feeling qui se moquait de moi. Fronçant mes sourcils, je ramenais mon regard vers le gamin qui tendait ses bras à présent vers moi. « Ouais on va dire… » soufflais-je un peu désespéré de voir mon coloc généralement si froid et distant, avoir du plaisir en riant de ma gueule. Je retroussais la lèvre lorsque Steve se mit à baver, laissant couler un flot de bave sur son menton. J’ignore ce que j’avais fait à cet enfant, mais celui-ci semblait prendre un malin plaisir à me torturer. « J’ignore comment tenir un môme. » avouais-je en fronçant les sourcils. Il n’y avait pas un mode d’emploi caché quelque part pour nous indiquer la procédure à suivre ! Je n’étais vraiment pas à l’aise à le tenir et mon coloc se réservait bien le droit de le reprendre. Non, au contraire, il me proposait même de le nourrir. Si ma mâchoire aurait pu se décrocher et tomber sur le sol, surement qu’elle se serait fait ce plaisir. Je tournais la tête vers Declan, baissant mon regard sur le biberon qu’il tenait dans sa main. J’entrouvrais encore un peu plus la bouche, avant de tendre l’enfant à son père. « Sans façon. » m’empressais-je de dire, en me mordant la lèvre. « De toute manière, je ne suis même pas sûr d’en vouloir un jour, donc bon… » Est-ce que je le pensais vraiment ? Je ne savais pas, je n’y avais jamais réfléchit, j’avais simplement été mis devant le fait accompli, ma meilleure amie était enceinte et je lui avais donné ma parole. Parole que je n’étais même pas certain de pouvoir tenir. Ravalant ma salive, je secouais la tête négativement. « Non, ce n’est pas une bonne chose que ce soit moi. Je ne ferais qu’aggraver la chose. » Pour ça au moins j’arrivais à être honnête. Si je m’occupais de cet enfant qui sait ce qui pourrait lui arriver !

Declan lui aurait mis une bombe à retardement dans les mains que son coloc n’aurait pas paru plus terrifié. C’est l’effet que les bébés ont sur certaines personnes. S’ils sont effectivement fragiles, certains pensent vraiment que la chose la plus minime et insignifiante peuvent les briser en mille morceaux et font donc de leur mieux pour éviter toute proximité avec ces petits êtres. C’est vrai que cela peut être déconcertant d’être fixé par une petite créature qui ne comprends pas ce qui se passe et qui n’a aucun moyen de communiquer. Encore plus quand le bébé ne partage aucun lien de famille avec l’intéressé. Declan avait toujours aimé les enfants, mais il en connaissait beaucoup qui ne pouvaient pas supporter les enfants des autres, juste les leurs. Declan en aurait presque rit devant l’expression de Grant lorsque Steve bava, comme il était très commun chez les enfants de son âge. Grant ne partageait pas cet avis, retenant juste l’aspect répugnant de la chose. Il avoua ne pas savoir comment tenir un enfant et Declan haussa une épaule. « Tu ne l’as pas encore fait tomber, c’est déjà ça » dit-il d’un ton plat. Il n’y avait pas de manuel du parfait maintien d’un bébé, ou du moins personne n’avait jugé bon d’en donner un exemplaire à Declan. On aurait dit que Declan venait de lui annoncer la fin du monde en lui proposant de nourrir Steve. Le visage de son coloc méritait d’être pris en photo, mais l’appareil sur le téléphone de Declan était d’une résolution affligeante et il n’avait toute manière pas particulièrement envie d’avoir la tronche de celui-ci immortalisé dans son téléphone. Declan pris enfin pitié de Grant et récupéra son fils, le hissant sur sa hanche avant de se diriger vers le canapé. Il prit place, calant Steve qui commençait à s’agiter après avoir vu le biberon, et lui donna enfin ce qu’il voulait si désespérément. Le bambin s’accrocha goulument à la tétine et Declan releva le regard sur Grant. « Ne jamais dire jamais » ajouta-t-il dans une arrière-pensée. Après tout, lui non plus ne s’était pas vu avec un enfant dans sa vie, et voilà où il en était aujourd’hui. Etonnamment comblé. Mais il savait pertinemment que la paternité n’était pas pour tout le monde. Loin de lui l’idée de prêcher à Grant le bonheur d’être père. Ils n’avaient pas ce genre de relation de toute manière. Declan grimaça presque devant la tournure sentimentale que prenait les choses. Les deux colocs n’avaient jamais eu ce qu’ils pouvaient appeler une conversation profonde. Declan n’aurait même pas pu décrire leur rapport comme une véritable amitié. Ils étaient coloc, et ce terme portait à lui seule une définition particulière de leur relation. Declan ne comprendrait pas vraiment pourquoi Grant était aussi retourné par cette situation. Il s’agissait d’un instant éphémère où il s’était retrouvé par inadvertance dans la pièce le jour où Carter avait besoin que Declan garde Steve. Le bébé n’allait pas s’installer définitivement dans leur appart. « Relax, je ne vais pas te demander de faire le baby-sitter » dit-il dans un effort de rassurer son coloc qui semblait stressé au plus haut point. « Et il ne va pas rester longtemps » ajouta-t-il amèrement après un battement de silence.

« Quel encouragement… » répliquais-je en regardant Declan, comme si j’allais m’arranger pour faire tomber son fils ! J’étais peut-être nul avec les mômes, je faisais tout de même attention, je ne voulais quand même pas le blesser. Après tout je m’en voudrais si ça arrivait. Et sans doute que je prendrais la poudre d’escampette devant Avery la prochaine fois, je n’avais déjà pas beaucoup de cran quant à l’enfant qu’elle attendait, alors si j’échappais les enfants des autres… Il était certain que je ne voudrais pas prendre le sien. Tout comme cette idée de le nourrir. Pourquoi mon coloc souhaitait tant me mettre dans l’embarras. Ce n’était pas mon fils et je n’étais pas non plus sa nounou. S’il lui arrivait quoi que ce soit, je ne voulais pas être tenu responsable, surtout que je n’étais pas certain que je pourrais affronter la mère du bébé. Si elle me passait un savon pour avoir blessé ou maltraiter son gamin, j’allais faire dans mon froc. Confronter une femme ce n’était pas quelque chose que je pouvais faire aisément, mais Declan fini par reprendre son fils, à mon plus grand soulagement. Je le regardais faire, mordant ma joue en essayant de me voir dans quelques mois faire pareil. Ça me semblait impossible. Puis, je réfléchissais à ce qu’il me disait. Ne jamais dire jamais. Je savais qu’on ne devait généralement pas dire « jamais », mais en mon fort intérieur j’avais du mal à m’imaginer avoir un enfant, alors que je n’arrivais même pas à coucher avec une fille. C’était pathétique, mais vrai. Car pour avoir un enfant, la chair de ma chair, je devais bien passer ce cap et jusqu’à maintenant, ça se présentait assez mal. Dans un peu plus de quatre ans, j’aurais trente ans. Pour beaucoup de personne c’était dans longtemps, mais pour moi quatre ans ça passait vite, sachant que j’avais déjà vingt-cinq ans derrière moi. Et durant toute cette période de ma vie, je n’avais rien fait, rien tenté… Si je continuais j’allais finir à quarante ans et je serais encore puceau, mais très certainement frustré. Je sortais de mes réflexions en entendant Declan, portant mon regard vers mon coloc. « Je sais. » disais-je tout de même soulagé de savoir qu’il ne me demanderait pas d’être baby-sitter, de toute manière il n’aurait pas les moyens de me payer. Mais ça, je me ravisais bien de lui dire. Je portais une fois de plus mon regard sur le bébé dans ses bras, haussant finalement les épaules avant de m’éloigner décidant de les laisser seuls. Je n’avais pas à rester là planter à les regarder. Je n’avais fait que deux pas dans le couloir en direction de ma chambre, que je fermais les yeux. Poussant un soupire, je revenais vers le salon. Et sans passer par quatre chemin, je m’adressais à Declan : « Ça t’as fait quoi quand ta copine t’as annoncé qu’elle était enceinte ? » C’était complètement absurde que je lui pose cette question, mais en même temps il était peut-être l’une des personnes les mieux placé pour répondre à cette question. C’est sûr, le schéma n’était pas le même qu’entre Avery et moi, mais je pouvais tout de même avoir un avis extérieur, une autre histoire pour ainsi m’appuyer sur des faits. Tenter de comprendre un sentiment différent ou bien peut-être similaire au mien.

Declan était un peu vexé. Il ne savait pas trop à l'égard de qui. De lui-même, ou bien de son fils? Le fait est qu'il commençait à prendre personnellement l'aversion de Grant pour les bébés. C'était complétement idiot. Son coloc avait tout à fait le droit de ne pas être confortable avec les enfants de bas-âge, et encore plus avec le fait d'être forcé à s'en occuper, même pendant un bref instant. Le pauvre semblait plus apeuré que volontairement ingrat envers le bambin qui, lui, n'avait rien demandé à personne. C'était la faute de Declan, mais encore une fois, celui-ci n'était pas réputé pour se soucier des autres, encore moins pour prendre leurs réticences en compte. Le seul autre être vivant pour lequel il aurait tout donné était actuellement traité comme un pestiféré, et la chose ne pouvait qu'agacer son géniteur malgré l'absurdité de ce comportement. C'était facile de blâmer Grant. Ce n'était pas tant son attitude le problème, mais ce qu'elle faisait rejaillir dans la vie de Declan. Le fait qu'il était là, un trentenaire, obligé de passer les rares moments avec son fils dans un appart minable partagé avec un coloc. Bref. Il n'y avait rien qu'il puisse faire en cet instant précis pour changer cette réalité. Grant semblait presque soulagé de s'entendre dire qu'il n'allait pas être réquisitionné comme baby-sitter. Declan se retint de lever les yeux au ciel. Il avait dit ça pour plaisanter! Ca l'apprendra à vouloir se montrer plus sociable. Declan passait déjà peu de temps avec Steve, alors il n'allait certainement pas le refiler à quelqu'un d'autre! Et si un jour pour une raison quelconque le besoin s'en faisait ressentir, il savait désormais qu'il ne fallait pas qu'il compte sur Grant pour l'aider. Ce dernier tournait déjà le pas, cherchant sans doute à mettre les voiles avant que Declan lui remette son gamin entre les mains. Declan le regarda s'éloigner un instant avant de reporter son regard sur son fils. Ce dernier s'endormait à moitié en buvant son biberon, ses petits doigts aggripant la bouteille tandis que ses paupières s'alourdissaient de minutes en minutes. Attendrit, Declan déposa un baiser sur son front. Mon Dieu qu'il était fou de son fils. Perdu dans son moment de plénitude paternelle, Declan n'entendit pas Grant revenir sur ses pas, et sa voix le fit sursauter. Steve ouvrit brutalement les yeux, réveillé par le mouvement brusque de son père. Declan était franchement surpris de la question de Grant. D'où cette soudaine curiosité venait-elle? Un élan de remord qui le forçait à bâtir une conversation? Hm, peu probable. Declan et Grant n'étaient pas du genre à avoir des discussions plus profondes que celles pour savoir où est cachée la télécommande. Declan était bien tenté de lui dire que ça ne le regardait pas le moins du monde, mais il y avait quelque chose....d'étrangement intense et désespérée dans sa question, alors Declan céda. Il haussa une épaule. « Vu que c'était pas ma copine, ce fut une conversation intéressante » railla-t-il, incapable de s'empêcher de corriger son coloc. Mais ce n'était pas ce que Grant lui avait demandé, et s'il ne pouvait pas se forcer à être plus cordial quand son fils était là, alors quand le pourrait-il? « Notre situation était tout sauf idéale, mais après le choc de la surprise passé, j'ai toujours été très excité à l'idée d'être père » répondit-il honnêtement sans rencontrer le regard de Grant. Et qu'il avait eu raison. Enfin il avait fait quelque chose dans sa vie dont il pouvait être fier. « Pourquoi? » Demanda-t-il dans le but de détourner la conversation de lui. « Tu as mis en cloque quelqu'un » le chambra-t-il.