Une journée banale dans un univers qu’elle connaissait par cœur. Il y avait des jours comme celui-ci où Leighton regrettait sérieusement d’être revenue à Pasadena. Elle aspirait à autre chose qu’être enfermée dans un bureau à vérifier si les informations diffusées par les médias étaient fiables ou non et savoir qu’elle en avait encore pour un bon moment la rendait clairement malade. Il était difficile de renoncer à ce qu’elle avait toujours connu, ou plutôt à ce qu’elle avait préféré connaitre plutôt que de se remémorer des souvenirs difficiles, et son désir de liberté s’était accru au point qu’elle ait encore du mal à supporter de devoir passer plus de sept heures d’affilée dans la même pièce. Cependant, elle avait bien conscience que peu d’options s’offraient à elle pour le moment, retrouver sa famille lui paraissait primordial et choisir de mettre sa carrière professionnelle entre parenthèses pour profiter pleinement de ces moments qu’elle avait volontairement mis de côté était le bon choix, elle en était persuadée. Seulement, même si au fond d’elle, Leighton reconnaissait qu’elle était à sa place ici, elle n’était pas vraiment tranquille, surtout lorsqu’elle se retrouvait au travail et devait se contenter de rester assise des heures durant devant son écran, sans véritablement réussir à avancer dans les tâches qu’elle avait à accomplir.

Fort heureusement, travailler dans une petite agence de presse avait du bon, les horaires étaient relativement flexibles et surtout elle pouvait être un peu touche-à-tout et explorer des corps de métiers qu’elle n’avait jamais tenté auparavant dans son domaine. Mais le must du must était les petites escapades autorisées par le grand patron dans le cadre d’interviews bien précis à Pasadena même ou bien aux alentours ce qui lui donnait l’illusion au moins pour une demi-journée d’avoir encore la possibilité de bouger et de s’évader. Certes, les articles n’étaient pas des plus intéressants et elle avait bien souvent rechigné avant de se plier à la tâche, mais elle était toujours rattrapée par la curiosité et l’amour qu’elle avait pour son métier et prenait plaisir à écouter des personnes aussi différentes que passionnantes qu’elle n’aurait probablement pas eu l’occasion de rencontrer dans la vie de tous les jours. Sauf que malheureusement pour la jeune femme, cette journée était plutôt calme et à part quelques relectures, trois vidéos envoyées par des anonymes sur des sujets bouillants et un reporting mensuel à établir pour le patron, elle n’avait pas une folle activité et elle aurait tout simplement aimé pouvoir s’évader l’espace d’un instant, rien que pour pouvoir se rendre jusqu’au parc le plus proche et se laisser tomber dans l’herbe comme une gamine. Pas de chance, sa pause déjeuné était passée depuis bien longtemps et c’est en soupirant qu’elle s’avachit davantage dans sa chaise de bureau, estimant qu’il était sans doute possible qu’elle disparaisse discrètement si elle continuait à se laisser glisser de cette façon durant les prochaines minutes.

« Aurora, je veux ce papier sur mon bureau avant 15h, n’est-ce pas ? » Mais quelle plaie ce mec ! Non seulement il n’avait pas intégré qu’elle n’aimait pas son prénom et qu’elle n’autorisait personne à l’appeler de cette manière, en théorie tout du moins, mais en plus il passait sa vie à être derrière son dos, comme si le simple fait de lui rappeler toutes les trente secondes qu’il était le patron et qu’elle devait lui obéir au doigt et à l’œil sous peine d’une sanction phénoménale allait renforcer le pouvoir qu’il avait sur ses employés. Great. Encore une journée qui allait follement bien se passer. Qui plus était, elle n’eut même pas le temps de lui renvoyer une réplique cinglante qu’il était déjà parti, prouvant par ce petit passage en coup de vent qu’elle n’était qu’un simple larbin et qu’il n’avait pas le temps de dialoguer avec elle, il claqua à moitié la porte du minuscule bureau derrière lui et Leighton passa les dix prochaines secondes à le maudire sur au moins quinze générations. Inspirer. Souffler. Inspirer. Souffler. Voilà, tout allait bien se passer, il était inutile de s’énerver, ça allait lui donner des cheveux blancs et des rides avant l’heure, elle ne méritait certainement pas ça. Mais pour éviter que la bombe Leighton finisse par exploser véritablement, mieux valait qu’elle se remette au boulot. Un conflit ne serait pas bon pour son avenir au sein de l’agence, d’autant plus que sa période d’essai n’était pas tout à fait terminer. Il était grand temps qu’elle aille chercher le manuel de l’employée modèle.

Mais avant que la jeune femme n’ait pu mettre ses bonnes résolutions à exécution, son téléphone sonna et elle eut la surprise d’entre la secrétaire – oui parce que même dans une agence minuscule, le patron estimait qu’il était plus professionnel d’avoir une secrétaire, soit – lui annoncer qu’un client l’attendait. Comment ça un client ? Elle n’attendait personne et ne se souvenait pas avoir prévu un rendez-vous quelconque. ET MERDE ! A tous les coups, elle s’était foirée dans le planning et allait se retrouver comme une conne devant quelqu’un dont elle ne se souvenait plus le nom, ni la profession à devoir broder pour essayer de s’en sortir. Journée pourrie. Sauf que Leighton avait faux sur toute la ligne puisque lorsqu’elle sortit enfin de son bureau après quelques secondes de panique et de relaxation mentale, elle réalisa tout de suite qui était la personne qui se trouvait en face d’elle. Abraham Wilcox, un jeune homme charmant qu’elle avait interviewé quelques jours auparavant pour pouvoir écrire un article sur le zoo qu’elle avait visité durant la journée. Cet entretien s’était déroulé à merveille et elle devait bien reconnaitre qu’elle avait eu de la chance de tomber sur quelqu’un d’ouvert et qui semblait aimer ce qu’il faisait, qualité non négligeable. Cependant, elle restait surprise de le voir, ne s’attendant pas à recroiser sa route, mais ce n’était pas une raison pour ne pas aller l’accueillir en bonne professionnelle. "Bonjour, je ne m’attendais pas à te… euh vous, enfin te… voir. " Ah oui, en effet, très professionnelle comme entrée en matière, il fallait espérer que le patron n’ait pas assisté à ça. Mais ce n’était pas vraiment de sa faute, de un, elle n’était plus vraiment capable de se souvenir s’il l’avait autorisé à le tutoyer, de deux elle était intriguée par sa venue et de trois… Il n’était pas forcément nécessaire d’en rajouter.

Voir le jeune homme qu’elle avait interviewé quelques jours plus tôt l’avait clairement déstabilisée, elle ne pouvait pas le nier, ce n’était pas comme si elle s’était attendue à se retrouver devant lui de nouveau et ne pas savoir ce que quelqu’un lui voulait avait tendance à la faire un peu flipper. Après tout, elle était journaliste, elle était donc censée être capable de toujours tout savoir avant tout le monde et elle était forcée de constater que pour une fois, ce n’était pas le cas. Alors forcément, son entrée en matière ne fut clairement pas admirable et elle allait être prise pour une véritable idiote, mais elle avait plus que hâte de savoir de quoi il retournait, aussi resta-t-elle bien sagement devant son interlocuteur sans ajouter le moindre mot – elle en avait déjà trop dit de toute façon – pour lui laisser donner la raison de sa venue au journal, ce qu’il fit sans plus attendre. « Veuillez m'excuser de venir vous déranger sur votre lieu de travail... Vous allez rire mais, je passais en voiture devant votre agence et je me suis dit : pourquoi ne pas rendre une petite visite à cette journaliste ? Et me voilà... » L’éclat de rire légèrement nerveux qu’il eut en terminant sa tirade ne parvint pas à faire sourire Leighton qui fronça les sourcils, pas certaine de bien comprendre où il voulait en venir. Le silence s’installa pendant les quelques secondes où elle ne sut pas vraiment quoi répondre, incapable de véritablement saisir du premier coup le sens de ses propos.

Fort heureusement, il eut la délicatesse de briser de nouveau le silence, reprenant la conversation comme si elle ne s’était pas comportée de manière extrêmement impolie en ne prenant même pas la peine de lui répondre. Il fallait qu’elle se ressaisisse, ce garçon était tout de même un client de l’agence et elle ne pouvait pas vraiment se permettre de le maltraiter, son patron était déjà bien assez sur son dos comme ça. « J'ai lu l'article que vous avez fait sur le zoo avec mon interview et je .. voulais vous dire qu'il était parfait !  Je l'ai beaucoup apprécié ! » Il bégayait, ne semblait pas spécialement à l’aise et Leighton commençait tout juste à percuter que cette rencontre n’avait rien d’un rendez-vous professionnel, il était passé ici à l’improviste, se souvenant vaguement qu’il la connaissait et elle ne savait même pas si elle devait être flattée, sur la défensive, attristée, gentille, froide, agréable… C’était vraiment dur d’être elle parfois. Toutefois, il avait eu la bonne idée de lui parler de l’article et là, au moins, elle était dans son domaine et pouvoir renchérir sans passer pour une véritable cruche ce qui, il fallait bien l’admettre, était un véritable soulagement. "Je suis ravie qu’il vous plaise, j’avoue ne pas avoir vraiment l’habitude de traiter ce genre de sujet." Répondit-elle en lui adressant son premier sourire depuis le début de cette étrange conversation. "Vous m’avez été d’une grande aide, j’aurais eu beaucoup plus de mal à l’écrire sans vos connaissances." Rendons à César ce qui était à César et il était vrai qu’elle avait beaucoup apprécié travailler avec Abraham Wilcox, alors autant le préciser puisqu’il avait fait tout ce chemin simplement pour la remercier. Ou pas d’ailleurs. Leighton avait encore beaucoup de mal à déterminer quelle pouvait bien être la véritable raison de cette visite et compte tenu de l’étrangeté de ce début de conversation, elle avait de quoi douter de la « normalité » de leur entrevue.

Une chose était sûre, entretenir une conversation à deux avec ce stupide malaise qui ne parvenait pas à s’évanouir était particulièrement difficile. Certes, ils avaient abordé le sujet de l’article ce qui était plutôt facile car c’était au moins un point sur lequel ils avaient des choses à partager, mais elle devait bien admettre qu’elle ne savait pas trop dans quelle direction ils allaient et marcher à l’aveuglette n’était clairement pas quelque chose qu’elle appréciait particulièrement. Comme depuis le début de leur discussion, ce fut de nouveau Abraham qui vint à son secours, rompant le silence avec difficulté, galérant à son tour pour s’adresser à elle sans trop savoir à quel point il devait se montrer formel. « Je te .. enfin j'espère ne pas vous déranger ? » Non, non, bien sûr que non il ne la dérangeait pas ! Enfin, en théorie si, elle était sur son lieu de travail et avait un article important à rendre avant la fin de la soirée, mais pour une raison qu’elle ignorait, la jeune femme n’avait pas la moindre envie de le voir repartir immédiatement, surtout après la conversation foireuse qu’ils venaient d’avoir. C’était quand même sympa de sa part d’avoir fait le déplacement, elle ne pouvait pas laisser un flop monumental s’installer de cette façon. "Absolument pas." Affirma-t-elle donc avec assurance, souriant de nouveau pour essayer de se dérider un peu, elle devait avoir l’air d’une grand-mère pleine de courbatures. "On peut passer dans mon bureau, on y sera plus tranquille pour discuter." Oh non Leighton, très mauvaise idée, tu n’entends pas la petite voix dans ta tête qui te dit de ne surtout pas faire ça ? "De l’article." Ajouta-t-elle précipitamment pour que les choses soient bien claires alors qu’elle regrettait déjà la suggestion qu’elle venait de faire. Ce garçon et tous ceux de son espèce devait rester loin d’elle, un point c’est tout. Toutefois, elle ne revint pas sur sa parole et l’invita à le suivre le long du couloir, pour se rendre jusqu’à la petite pièce qui lui servait de bureau, le tout avec le sentiment d’être en train de faire vraiment n’importe quoi. "Et le mieux serait sans doute qu’on se tutoie, ça nous évitera des problèmes d’élocution." Ou alors, se taire ça paraissait être aussi une très bonne idée, parce que non seulement elle racontait n’importe quoi, mais en plus les messages d’alerte signalant un danger imminent venaient de s’allumer dans sa tête, lui hurlant que sympathiser avec cet illustre inconnu n’était pas une option envisageable et Leighton fut alors déterminée à se reprendre et à rester sur ses gardes, ne sachant pas vraiment ce qui allait lui tomber dessus.

Les choses semblaient devenir nettement plus simple et c’était bien ce qui inquiétait la jeune femme. Se retrouver en face d’un garçon super sympa avec qui elle avait passé un bon moment lors d’une interview de routine et qui, manifestement, avait fait le déplacement plus pour la voir que pour parler de son travail était particulièrement troublant. Leighton avait pour habitude de garder ses distance avec les gens et ce depuis quelques années maintenant. Craindre d’être blessée après tout ce qui lui était arrivé semblait normal et elle ne voulait pas laisser une personne lui faire baisser sa garde et oublier ses bonnes résolutions. Elle n’avait pas besoin d’un nouvel ami, certainement pas et encore moins de se retrouver devant quelqu’un susceptible de lui plaire et malheureusement pour Leighton ce monsieur Wilcox avait un certain charme, en plus d’être particulièrement gentil. « Ce fut un plaisir de vous avoir aidé pour votre article ! » La preuve. Non seulement il avait tenu à la féliciter pour l’article qu’elle avait écrit, qui n’était pas franchement le meilleur qu’elle ait pu créer de sa vie, mais en plus il semblait très heureux d’avoir largement contribué à sa réussite, chose qui n’était pas toujours évident dans son milieu. Elle était bien souvent confrontée à des mini-starlettes qui pensaient que tout leur était dû, y compris d’avoir un article entièrement conforme à leurs attentes. Il était arrivé bien souvent à la journaliste de se faire enguirlande par une cliente, soi-disant parce qu’elle n’avait pas retranscrit son discours comme elle aurait dû le faire. A chaque fois, elle avait eu envie de leur dire que ce n’était certainement pas eux qui allaient lui apprendre son métier et que la prochaine fois, ils écriraient leurs articles eux-mêmes, mais ce n’était pas spécialement professionnel, raison pour laquelle elle s’était abstenue.

Cependant, ce n’était pas parce qu’elle tombait pour une fois sur une personne qui semblait désireuse d’en apprendre plus sur son travail qu’elle devait spontanément l’inviter dans son bureau comme s’ils étaient des amis de toujours et Leighton se trouva très rapidement stupide d’avoir fait une telle proposition. Elle aurait dû laisser parler sa raison avant toute chose et se mit une claque intérieurement lorsque le jeune homme lui répondit avec un certain enthousiasme. « Je vous suis alors ! » Il aurait pu tout simplement dire non, parce qu’il n’avait pas le temps ou plutôt pas envie de poursuivre cette chaotique conversation mais il n’en fit rien, bien au contraire. Mais après tout, qu’espérait-t-elle ? C’était quand même lui qui était venu jusqu’à son bureau en prenant un prétexte totalement vaseux dont elle aurait dû se rendre compte à la minute même où elle s’était retrouver en face de lui, il aurait donc été totalement étrange qu’il refuse de lui-même la perche, ou plutôt le baobab qu’elle venait de lui tendre. En théorie, et selon sa toute nouvelle théorie de vie, Leighton aurait dû le congédier poliment, prétextant une quantité de travail astronomique et elle se détestait de ne pas avoir réussi à se faire assez violence pour agir de la sorte. D’ailleurs, elle se détesta encore plus lorsqu’elle proposa un tutoiement qui, forcément, ajoutait une proximité qu’elle n’avait pas du tout envie d’instaurer. « Cela ne me dérange pas. » Répondit-elle toujours avec son charmant sourire. Raaaah. Mais bien sûr qu’il avait dit oui, elle était juste stupide d’avoir proposé ! Leighton tendait le bâton pour se faire battre et n’arrivait malheureusement pas à faire marche arrière. Quelque chose chez ce garçon l’attirait, elle ne parvenait pas à être aussi indifférente que d’habitude et elle en était la première désolée.

En parfait gentleman, Abraham avait attendu qu’elle lui fasse signe de s’assoir pour s’installer devant le petit bureau et elle prit place en face de lui. Elle aurait pu lui proposer un café ou un rafraichissement, mais elle avait pris la décision ferme et définitive de garder ses distances, aussi s’abstint-elle d’une telle politesse, priant pour qu’il se rende compte qu’il n’était pas le bienvenu tout en espérant intérieurement qu’il reste le plus longtemps possible. Ce n’était pas vraiment simple d’être en contradiction avec soi-même et Leighton était malheureusement en train d’en faire l’expérience. La présence de ce garçon était agréable et tout en elle lui disait de s’éloigner et elle changeait d’avis toutes les trente-cinq secondes, hésitant entre le laisser parler, le mettre à la porte, ou tout simplement s’enfuir en courant. « Pour en revenir à l'article, vu qu'on est là pour ça, je tenais à te dire que pour une personne qui ne traite pas trop ce genre de sujet, tu t'en sors plutôt bien ! D'ailleurs des collègues à moi l'ont lu et ils l'ont adoré. » En plus il était vraiment adorable, il se souvenait qu’elle lui avait précisé qu’ils ne parleraient que de l’article et même si ça avait été un prétexte foireux pour qu’elle ait la conscience tranquille en l’invitant à aller dans son bureau, il se pliait à ses exigences. Elle ne pouvait pas être insensible à ça. Mais elle le devait. "Tu me rassures, mais je pense que j’ai déjà écrit de meilleurs articles, j’espère que le prochain aura un meilleur rendu. J’ai beaucoup travaillé dessus mais je pense que certains détails auraient pu être mieux explicités et embarquer le lecteur comme s’il avait découvert les mêmes choses que moi… Mais je suis peut-être un peu perfectionniste." Et surtout elle venait de s’engager à écrire un nouvel article sur le zoo sans même s’en rendre compte ce qui était vraiment une idée affreuse. Elle ne voulait plus revoir ce garçon, c’était probablement la dernière fois qu’elle le voyait de sa vie et ça serait mieux comme ça pour tout le monde. « Et sinon, tu fais des articles sur quels thèmes plutôt ? » DANGER ! Voilà ce que lui hurlait son cerveau, certes, ils parlaient de son métier et ça paraissait logique vu le sujet de conversation mais Leighton ne parlait pas d’elle, c’était quelque chose qu’elle évitait à tout prix et pourtant, elle ne se voyait tout simplement pas dire non. "En théorie, je travaille plus pour la presse internationale." Lui apprit-t-elle en pesant ses mots, cherchant à éviter de trop en dire. "Je traite les sujets d’actualité qui seront diffusés à l’échelle européenne ou mondiale." C’était une réponse courte, mais ça ressemblait bien à Leighton. Elle aurait pu parler de son métier pendant deux heures, mais elle faisait bien attention de s’abstenir, ne voulant pas que le jeune homme ait l’impression qu’elle s’implique dans la discussion. Malheureusement, alors qu’elle était pourtant très fière d’avoir réussi à garder ses distances et à rester relativement sur la réserve, Leighton ne put s’empêcher de le questionner à son tour. "Et toi ? Ça fait combien de temps que tu travailles au zoo ? Et qu’est-ce qui t’a donné envie de faire ça ?" Après tout, c’était peut-être son métier de journaliste qui ressortait, ça ne voulait absolument pas dire qu’elle s’intéressait de près ou de loin au jeune homme, pas du tout. Et puis, durant l’interview ils avaient parlé du zoo en lui-même plus que de sa vie à lui, elle avait donc bien le droit de se montrer curieuse… Pour se voiler la face, Leighton était la meilleure.

Être satisfait de son travail n’était pas toujours facile. Et Leighton avait la particularité de ne jamais trouver un de ses articles parfait. Elle avait beau travailler dur pour chacun d’entre eux, elle avait toujours la nette impression qu’un petit détail lui échappait ou bien qu’en ayant une ou deux heures supplémentaires de relecture, elle aurait pu rajouter le mot ou la phrase qui aurait fait toute la différence. Cependant, elle avait également conscience qu’elle n’était pas forcément très objective et elle était très heureuse d’entendre un point de vue positif qui la forçait un peu à jeter un regard nouveau sur le résultat de son labeur. « Je ne suis pas journaliste, mais selon mon opinion de lecteur, je trouve qu'il y avait l'essentiel et qu'il était fluide, facile à comprendre ! » Un large sourire s’étala sur le visage, remerciement silencieux à ce beau compliment. Il ignorait sans doute à quel point elle était heureuse d’entendre de telles paroles et pourtant, c’était le cas. Malheureusement, Abraham n’avait pas non plus oublié de remarquer qu’elle s’était projetée dans le futur, prévoyant sans même y réfléchir de retourner au zoo pour un autre article, alors même qu’elle venait de lui préciser que ce n’était pas forcément son domaine. Super, il allait la prendre pour une vraie folle. « Si je comprends bien... tu comptes refaire un article sur le zoo non ? » Et là, c’était le drame… Comment faisait-elle pour éluder une telle question ? Le jeune homme s’était montré assez direct pour qu’elle ne puisse pas faire l’impasse ou répondre à côté et pourtant, elle en avait furieusement envie. Toutefois, loin de vouloir montrer qu’elle était déstabilisée, elle prit seulement quelques secondes de réflexion avant de répondre posément, espérant qu’elle n’avait pas eu l’air de paniquer totalement. "C’est une possibilité à envisager, beaucoup de journaux locaux nous ont contacté pour nous dire que cet article avait été un franc succès, si on nous demande de plus amples investigations, il est fort possible que j’en ai la responsabilité. " Avec un peu de chance, il ne se rendrait même pas compte que sa justification était tout simplement foireuse, mais ça, c’était seulement si quelqu’un là-haut jetait un regard bienveillant sur elle, puisque la vérité était qu’elle avait lancé cette idée un peu sans réfléchir, son subconscient prenant le dessus sur sa réflexion habituelle.

Et malheureusement pour Leighton, ses bonnes résolutions volaient en éclat une à une, l’obligeant à repousser les barrières qu’elle avait érigé elle-même pour éviter ce genre de situation. Elle était tombée sur un garçon curieux, certes, mais elle n’arrivait pas à le repousser, déjà parce qu’elle n’en avait pas la moindre envie, mais également parce qu’il s’y prenait avec gentillesse et douceur, contrairement à plein de gros lourds qui s’étaient un jour trouvés sur son chemin et qu’elle avait dégagé sans le moindre scrupule. Les choses devenaient plus compliquées pour la jeune femme qui avait l’habitude d’en dire le moins possible sur elle, là, elle allait devoir parler et retenir les informations ne semblait plus aussi évident. « Tu dois beaucoup voyager alors ? Moi j'ai très peu voyagé. Mon plus grand voyage fut en Afrique, lorsque j'y suis allé avec Vétérinaire sans frontière. » Oh que oui, elle voyageait beaucoup et elle espérait ne pas rester enfermée dans ce trou pendant trop longtemps, mais devait-elle le lui préciser ? Ca entrainerait forcément des questions et Leighton détestait les questions. "Régulièrement, oui." Répondit-elle alors sans trop se mouiller, préférant largement laisser son bavard interlocuteur développer son expérience personnelle. "Vétérinaire sans frontière ? Ca a dû être une expérience formidable ! " S’exclama-t-elle avec un intérêt sincère, bien que soulagée de pouvoir parler d’autre chose que d’elle-même. "Pendant combien de temps ?" L’Afrique n’avait pas été sa destination favorite, mais elle en gardait quand même un excellent souvenir et elle était heureuse de rencontrer quelqu’un qui avait fait la même expérience qu’elle. Sans trop le réaliser, Leighton commençait à se détendre et à profiter de la conversation sans essayer de tout calculer comme elle en avait l’habitude. Mais bien vite, la conversation revint vers elle, l’obligeant de nouveau à faire des efforts pour se livrer un peu alors qu’elle n’en avait tellement pas l’habitude. « L'échelle européenne ? Pourquoi l'Europe ? Ce continent te fascine plus que les autres ? » Comme pour la question précédente, la réponse était très simple, elle avait voulu mettre le plus distance possible entre cette ville et elle, fuir le plus loin possible, chercher l’évasion et ne jamais plus revenir. Ça avait été une passade et elle était finalement revenue, mais sa spécialisation pour l’Europe était restée de ces années de vadrouille. "Je le connais plus que les autres, plutôt. J’ai toujours travaillé pour des journaux américains, mais quasiment que dans la section presse internationale européenne." Pour une fois, elle avait réussi à enchainer plus de deux phrases, on n’arrêtait pas le progrès, mais encore une fois, elle restait particulièrement évasive de peur que les questions deviennent trop intrusives. Pourtant, Abraham lui avait montré qu’il était poli, bien élevé, et surtout adorable, il y avait peu de chance pour qu’il l’attrape par la gorge pour la forcer à lui raconter sa vie si elle n’en avait pas envie, mais c’était plus fort qu’elle, Leighton avait l’habitude de rester sur la réserve, plus par habitude qu’autre chose et elle ne parvenait pas à sortir de cette façon d’agir.

Fort heureusement pour la jeune femme, la conversation tourna de nouveau et ce fut autour du jeune homme de faire un retour dans le passé pour parler un peu de lui et de son expérience. Tant mieux, ça lui évitait d’avoir à trop réfléchir, Leighton aimait écouter les autres, leurs histoires, leurs expériences, elle n’avait pas choisi son métier au hasard et sans trop s’en rendre compte, elle agissait toujours un peu comme si elle était en interview, tout simplement parce que c’était totalement naturel pour la jeune femme. « Cela fait une dizaine d'années que je travaille au zoo. » Elle en avait eu l’impression quand elle était au zoo, Abraham était un de ces passionnés par leur activité, il y avait de fortes chances pour qu’il soit capable de parler de son métier pendant des heures et c’était une force qu’elle avait toujours admiré chez les gens. Mais bien sûr, elle n’avait pas du tout l’intention de lui révéler sa façon de penser, elle allait passer pour une groupie et elle se souvenait quand même qu’elle s’était promis de conserver une certaine distance pour éviter de sympathiser avec ce garçon qu’elle trouvait bien trop charmant pour que ça soit parfaitement honnête. "Ah oui quand même, tu dois t’y connaitre plutôt bien." De nos jours, les gens avaient tendance à avoir la bougeotte, pas forcément autant qu’elle, bien sûr, Leighton était une exception à la règle, ou en tout cas elle en avait fortement l’impression, mais souvent de nombreuses personnes choisissaient d’accumuler les expériences professionnelles ce qui ne leur permettait pas forcément de maitriser à cent pour cent leur activité. C’était un choix que Leighton comprenait fort bien mais il était tout aussi agréable de tomber sur des personnes qui avaient, certainement comme Abraham, des tas d’anecdotes à raconter fièrement et un vécu très différent grâce à une certaine ancienneté. « L'envie d'aider et aussi le fait de vouloir travailler avec les animaux. J'ai toujours aimé les animaux, les petits comme les grands. » C’est vrai que pour travailler en tant qu’aide-soignant dans un zoo, mieux valait être passionné par les animaux, mais dans le cas du jeune homme, ça semblait même être une véritable vocation. « Je pense que le fait que je me sente bien en compagnie des animaux a joué dans ma décision de travailler dans un zoo et d'être soigneur. » Probablement, mais il aurait pu faire des tonnes de métiers en relation avec les animaux, être soigneur dans un zoo devait lui donner une certaine responsabilité. De toute façon, en règle générale, lorsque le travail mettait en cause des êtres vivants, il fallait toujours se montrer extrêmement prudent. C’était clairement quelque chose que Leighton n’aurait pas pu faire, elle aurait eu bien trop peur de faire des erreurs et puis elle n’avait pas de passion particulière pour les animaux, même si elle les adorait et particulièrement les chats, mais ça ne l’empêchait pas d’être impressionnée par le choix de vie d’Abraham. Encore une fois, la conversation dévia de nouveau vers elle, mais c’était prévisible, elle lui avait tendu une perche et pour une fois, la question ne lui déplaisait pas, c’était quelque chose dont elle pouvait parler sans crainte, le journalisme l’avait toujours passionné. « Et toi ? Qu'est-ce qui t'a poussé à être journaliste ? » Bien entendu, Leighton ne comptait pas s’étendre sur le sujet, mais elle était heureuse de pouvoir parler de l’origine de sa vocation à elle car c’en était bien une et elle était fière d’avoir réussi dans son domaine de prédilection. "J’ai toujours voulu être journaliste, je suis passionnée depuis que je suis toute petite par la lecture et l’écriture, à l’adolescence j’ai commencé à rédiger des articles pour le journal de l’école, puis je suis devenue blogueuse... C’était presque naturel pour moi de continuer dans cette voie par la suite." Et s’il avait bien quelque chose qu’elle ne regrettait pas, c’était ce choix.

Leighton ne s’en était pas vraiment rendu compte, mais elle venait presque de promettre au jeune homme qu’ils allaient avoir l’occasion de se revoir très rapidement pour cet article de presse sur le zoo. Elle ne l’avait pas vraiment voulu et pourtant, au fond d’elle, la jeune femme se rendait compte qu’elle était très heureuse de pouvoir se raccrocher à la certitude qu’ils recroiseraient la route l’un de l’autre. Tout cela était vraiment ridicule. Elle ne le connaissait pas du tout et aurait dû se tenir à bonne distance comme elle se l’était initialement promis. Mais à force d’accumuler les gaffes et de ne pas faire attention à ce qu’elle se disait, Leighton était en train de refermer d’elle-même ce piège qu’elle voulait pourtant éviter. « Si un autre article devait se faire par tes soins, tu sais où me trouver. Je t'aiderai à nouveau volontiers. » C’était vraiment adorable de sa part et la journaliste ne pouvait clairement pas lui en vouloir de proposer d’être à ses côtés pour cette nouvelle expérience alors que c’était elle qui avait proposé de la réitérer. Toutefois, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer que les choses auraient été tellement plus simple s’il avait pu lui refuser sa présence, au moins les choses auraient été claires, ils ne se seraient plus revus et Leighton n’aurait pu que mieux s’en porter. "C’est noté, je te tiendrais au courant." Oserait-elle faire appel à lui si une telle occasion se présentait ? Il y avait de fortes chances, effectivement même si elle savait qu’elle devrait plutôt éviter. "Merci." Ajouta-t-elle avec un sourire sincère, il était tellement plaisant de rencontrer quelqu’un qui semblait s’intéresser véritablement à ce qu’elle faisait et était désireux de lui venir en aide. Et l’article n’était manifestement pas leur seul point commun puisqu’Abraham semblait prendre plaisir à voyager et avait d’ailleurs eu l’occasion de se déplacer à plusieurs milliers de kilomètres du continent américain. Il en parlait avec un touchant enthousiasme et Leighton se retrouva suspendue à ses paroles, sans même s’étonner d’éprouver un intérêt sincère pour cette conversation qui était pourtant mal partie au démarrage. « Une expérience fabuleuse. Je compte d'ailleurs la recommencer un de ces jours. Tu sais, lorsque j'étais là-bas, je n'ai pas fait qu'aider les animaux, mais aussi les populations locales. J'ai participé à la construction de quelques maisons en chantier. Là-bas, je me sentais utile, j'avais cette impression de faire quelque chose de bien, qui changerait la vie de plusieurs personnes. » Elle voyait bien ce qu’il voulait dire puisqu’elle aussi avait fait un petit détour par l’Afrique. Bien sûr, ils n’avaient pas dû aller au même endroit ni même avoir les mêmes conditions de vie et de séjour. Mais Leighton était une journaliste qui aimait bien être proche des populations dont elle racontait l’histoire, raison pour laquelle elle avait tenté au maximum de s’approcher des coutumes locales et de les intégrer brièvement à son propre mode de vie. C’était sans doute le moment de lui dire que c’était une expérience partagée mais Leighton n’y parvint pas, quelque chose la bloquait, toujours cette même barrière qui lui donnait l’impression d’être en sécurité et protégée du monde extérieur. « Lorsqu'on va là-bas, en Afrique, que l'on passe quelques semaines avec les populations, ça nous change... crois-moi ! » Cette fois, elle ne pouvait plus faire marche arrière, surtout avec le silence qui planait après cette déclaration et le sourire qui avait brièvement disparu du visage du jeune homme. Certains souvenirs étaient douloureux et elle ne pouvait pas le laisser seul dans ce retour dans le passé. "Je vois très bien de quoi tu parles. Je l’ai vécu aussi." Bien sûr, c’était du Leighton tout craché, elle ne s’étendait pas sur le sujet, mais pour elle, le pas en avant était déjà énorme. « Et sinon, j'ai passé 1 an à Vétérinaire sans frontière. » Ah oui, quand même. Il était resté sur place bien plus longtemps qu’elle, il devait connaitre des tonnes de choses. "Toujours au même endroit ?" Elle ne pouvait s’empêcher de poser la question, l’Afrique était assez vaste pour qu’il ait eu l’occasion de se déplacer et découvrir des pays très différents les uns des autres.

Alors forcément, après avoir entendu ce bout de récit relativement émouvant, Leighton avait presque l’impression que ses propres expériences semblaient fades et pourtant, elle était très enthousiaste quand elle en parlait et gardait un souvenir impérissable des différentes destinations qu’elle avait pu connaitre, bien qu’entaché par le processus de deuil qu’elle avait dû enclencher. Mais une fois de plus, Abraham la questionna sur ses propres expériences avec une bonne humeur et un intérêt qui ne pouvaient que lui faire plaisir et l’inciter à se dévoiler un peu plus. « Tu as déjà vu la tour Eiffel ? Aller sur les gondoles à Venise ? Ou bien encore vu Big Ben à Londres ? » Devoir en dire un peu plus sur elle restait très difficile et alors qu’elle aurait pu parler pendant des heures de toutes ces destinations, elle se contenta de hocher vaguement la tête pour acquiescer avant de prendre la parole, consciente qu’elle se devait tout de même de lui donner quelques éléments de réponse autre qu’un simple signe de tête. "Mais je ne suis jamais restée très longtemps au même endroit." C’était l’époque où elle avait eu envie de fuir et où aller le plus loin possible en un laps de temps assez court lui semblait primordial. Poser ses valises plus d’une semaine au même endroit était un calvaire et elle avait parcouru le monde sans vraiment prendre le temps de contempler les merveilles qu’il lui offrait. Et pourtant, elle en avait apprécié chaque seconde, avait imprimé dans ses souvenirs chaque paysage et chaque image, parce que c’était magnifique et qu’elle voulait pouvoir le raconter plus tard et s’en souvenir toute sa vie. Une fois de plus, Abraham était d’accord avec elle, pour pouvoir véritablement maitriser un sujet, il fallait l’avoir examiné sous toutes ses coutures et ne pas s’arrêter à une simple expérience mais être capable d’en accumuler un certain nombre, c’est seulement comme ça que l’on pouvait grandir. « Je suis un bon connaisseur, pas un expert non plus. Il y a tellement de choses encore que je dois découvrir ! Mais le fait d'avoir participé à Vétérinaire sans frontière a agrandi mes connaissances. Je pense qu'il faut vivre certaines expériences pour voir ses connaissances se multiplier. » Modeste avec ça. Encore une qualité qu’elle ne pouvait qu’apprécie mais bien évidemment, Leighton relégua cette information dans un coin de sa tête, restant sur la réserve le plus possible, bien qu’elle se rende parfaitement compte que ses barrières tombaient une à une au fur et à mesure de la progression de la conversation. C’était si facile de parler avec Abraham et il avait l’air de l’écouter avec tellement d’attention, comment le congédier sèchement alors qu’il était plein de bonne volonté et de gentillesse ? Bien sûr, il ne tenait qu’à elle de l’envoyer paitre et ça ne servait à rien de se trouver des excuses mais Leighton restait partagée et incapable de prendre la décision qui s’imposait. "De toute façon, les experts n’existent pas vraiment, on ne pourra jamais acquérir toutes les connaissances que le monde peut nous apporter." Certes, on pouvait se spécialiser dans un domaine, mais quoi qu’il arrive, on ne pouvait jamais réellement faire le tour d’un sujet et la jeune femme était convaincue que les découvertes étaient toujours possibles dans tous les domaines. Elle avait soif d’apprendre et était heureuse d’obtenir régulièrement l’opportunité de faire de nouvelles découvertes. « Tu es blogueuse aussi ? Tu as de multiples talents dis-moi ! En tout cas, tu ne sembles pas avoir raté ta vocation ! » Ils alternaient désormais, échangeant leurs expériences respectives le plus naturellement du monde. Et puis, il était plus facile pour Leighton de ne pas se retrouver constamment au centre de l’attention et manifestement Abraham s’en était rendu compte puisqu’il répondait de manière très précise à ses questions avant de lui en poser une autre, comme s’il avait compris que parler trop longtemps d’elle la mettait mal-à-l’aise. Pourtant, ça lui paraissait impossible, ils se connaissaient à peine. Mais elle ne s’attendait pas à avoir une telle question et même posée sur le ton de l’humour, elle sentit que ses joues rosissaient, elle était bien sûr flattée par le compliment mais ressentait aussi un certain malaise à l’évocation de ces fameux talents qu’elle n’était pas sûre de posséder. "Oh c’est juste un passe-temps." Se hâta-t-elle de préciser. "Je ne pensais pas que ça deviendrait une activité professionnelle à part entière mais au fil du temps, j’ai pu construire mon univers et ce blog me donne la possibilité d’échanger avec le monde entier." Le gros avantage d’internet était qu’il apportait la diversité sur un plateau d’argent et elle en était très friande, pouvoir obtenir l’opinion de personnes qu’elle n’aurait pas eu l’occasion de rencontrer dans la vie de tous les jours lui semblait important, en tant que journaliste elle avait besoin de rentrer dans la tête des gens, de recueillir leur opinion pour pouvoir informer de manière précise le plus de personnes possibles. « Et sinon .. tu as d'autres passions autres que le journalisme ? » Alors ça, elle ne s’y était pas franchement attendue et elle fut bien incapable de répondre tout de suite, se tortillant nerveusement sur sa chaise alors que ses yeux fixaient le bois pas très neuf du bureau. Ils devaient parler de l’article en théorie et la conversation déviait vraiment beaucoup à présent. Leighton devait être honnête avec elle-même, elle n’avait pas envie que ça s’arrête mais l’idée de devoir parler d’elle l’angoissait terriblement. Mais après tout, il ne s’agissait que de ses passions… Ça ne pouvait pas vraiment lui faire de mal. Encore une fois, sa raison était surpassée par son envie d’en apprendre plus sur le jeune homme. Peut-être s’en mordrait-elle les doigts. "Pas tant que ça, mais oui." Acquiesça-t-elle en relevant enfin la tête vers son interlocuteur. "J’aime le sport, principalement la natation et le running." Et il n’y avait pas que ça. Leighton aimait des tonnes et des tonnes de choses, c’était une hyperactive qui n’en avait jamais assez d’apprendre mais comme à son habitude, s’étendre ne semblait pas être une de ses priorités, elle s’était contentée de sa passion la plus évidente. "Et toi ?" Se hâta-t-elle de préciser. Normalement, elle n’aurait pas dû le relancer sur le sujet, une question en amenait forcément une autre, mais c’était ça ou prendre le risque qu’il s’étende davantage sur le sujet et puis, étonnamment, Leighton se surprenait à avoir réellement envie de connaitre davantage ce garçon aussi surprenant qu’agréable.