Holden n’était pas du genre à se plaindre. Après de longues années à écouter les plaintes et soucis qu’on lui murmurait aux oreilles, le pasteur avait bien vite réalisé qu’il était loin d’être le plus mal loti. Cet état d’esprit avait été dur à conserver après la perte de Luke, mais Holden avait réussis à y faire face. Bref, tout cela pour dire qu’Holden ne se plaignait pas des longues journées de travail, de cette chaleur insoutenable ou encore du stress accumulé en prévision de l’accouchement de Jane. Le couple s’était d’ailleurs remis assez vite dans le bain de nouveaux parents. Eux qui s’étaient bien ancrés dans leur statut de grands-parents n’avaient au final pas eu de mal à reprendre leurs vieilles habitudes. Les instincts parentaux c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ! Organisés comme jamais, chaque étape avait été anticipée et Jane et Holden comptaient bien accueillir ce nouveau bébé dans les meilleurs conditions possibles. Holden avait d’ailleurs passé les dernières semaines à préparer la chambre du bébé. Si beaucoup de ses aînés ne vivaient plus dans la demeure familiale, Holden n’avait pas souhaité s’accaparer une de leur chambre. Le pasteur voulait que ses enfants puissent passez une nuit à la maison dans leur propre chambre sans avoir une décoration de nouveau né à supporter ! Il y avait de toute manière une pièce qui ne servait pas vraiment à l’étage, et c’est celle-ci qu’Holden s’était mis en tête de rénover. La chambre arborait des couleurs neutres puisque Jane et lui n’avaient pas voulu connaître le sexe du bébé avant la naissance. Il allait d’ailleurs falloir qu’ils réfléchissent à un prénom !! Mais pas tout de suite. Non, car en ce moment même Holden dormait paisiblement et c’est qu’il en avait besoin de ce sommeil récupérateur ! C’est pourquoi l’appel doux de son prénom ne fit rien d’autre que de lui arracher un léger grognement avant qu’il enfonce un peu plus sa tête dans l’oreiller. Mais Jane insistait qu’il se réveille. Les mots mirent du temps à monter jusqu’à son cerveau. Il ouvrit d’abord les yeux et déplaça un regard flou sur le réveil. Plus de 3h du mat…par principe, Holden ne souhaitait qu’une chose : se rendormir, mais les mots de sa femme prirent enfin du sens. « Quoi ? » demanda-t-il d’une voix groggy en se redressant péniblement avant d’allumer sa lampe de chevet. Mais il devenait progressivement plus alerte en imaginant un intrus dans leur maison. Il tendit l’oreille mais n’entendit aucun bruit. « Tu es sure ? » demanda-t-il, alors qu’il pivota jusqu’à être assis sur le bord du lit, prêt à se lever et descendre.

Jane n’étais pas la pire des femmes enceinte à supporter. Du moins, Holden imaginait qu’il y avait eu bien pire. Ou alors avait-il à chaque fois été bercé d’illusions et adoucie par la naissance prochaine d’un merveilleux enfant. Le fait est qu’Holden s’était toujours plié en quatre, à chaque grossesse, pour être aux petits soins auprès de sa femme. De longues heures à se plaindre et à se défouler sur lui ? Holden ne bronchait pas et laissait sa femme évacuer, tout en proposant solutions et moyens de confort pour lui faire oublier les mauvais côtés de porter un enfant. Une envie soudaine et étrange pour un plat en particulier ? Pas de soucis, on ne juge pas ! Holden estimait que c’était la moindre des choses qu’il pouvait faire étant donner que sa femme devait subir 9 mois à porter leur enfant, le tout se culminant dans un accouchement qui pouvait être des plus éprouvant. Holden admirait les femmes. Il avait entendu un jour quelqu’un dire que de toute manière les hommes ne pouvaient porter les enfants puisqu’ils seraient incapables d’en supporter la douleur. Holden estimait que cela dépendant des circonstances et que les hommes se seraient évidemment adaptés à la chose si la nature avait été faite ainsi, mais le pasteur ne pouvait refréner une admiration sans fin pour la force de la gente féminine. Et sa chère femme, après tant de grossesses, pouvait bien se permettre d’être un peu agaçante par moments. C’est d’ailleurs pourquoi Holden ne protesta pas lorsque Jane insista pour qu’il aille voir en bas. Après tout, ça ne faisait pas de mal d’aller vérifier ! On ne sait jamais, il pouvait vraiment y avoir quelqu’un ! Holden, enfoncé dans son sommeil comme il avait été, n’aurait eu aucune chance d’entendre un potentiel intrus. Mais la véritable requête de Jane ne mis pas longtemps à être dévoilée. Holden lança un regard à sa femme par-dessus son épaule. « J’espère que le cambrioleur a apporté de la mayonnaise alors.. » grommela-t-il, conscient que le tout n’avait été qu’une ruse pour assouvir le faim soudaine de sa femme. Jane joua a fond la carte de l’affection et Holden se retint de lever les yeux au ciel. « Ca va, ça va, j’y vais » dit-il en se levant, un sourire amusé pendu aux lèvres malgré tout. Il déposa un rapide baiser sur les lèvres de sa malicieuse de femme avant de quitter la chambre. Ces pas étaient lourds dans l’escalier, le vestige de son sommeil peu enclin à lui donner de la grâce dans ses mouvements. De toute manière, il n’y avait personne à surprendre, chose qu’Holden confirma bien vite en faisant un rapide tour du rez-de-chaussée. Il s’arrêta dans la cuisine, plissant les yeux contre la lumière violente lorsqu’il activa l’interrupteur. C’est d’un geste mécanique qu’il confectionna un simple sandwich capable d’assouvir la faim de Jane. A 3h du mat, la chose lui évoquait plus une légère nausée que de l’appétit et Holden se dépêcha d’accomplir sa tache. Il attrapa une assiette dans laquelle déposer le sandwich, ainsi qu’un verre d’eau, et remonta à la chambre. « Votre sandwich, Madame » déclara-t-il dans une courbette exagérée avant de lui tendre la chose et de se laisser retomber sur le lit.