On était mercredi après-midi, il était seize heure trente et je venais de donner le goûter à Leah avant qu'elle ne retourne jouer avec des amis qu'elle venait juste de se faire en quelques minutes. Je la surveillais de l'oeil lointain. Sur et certain qu'il ne lui arriverait rien. Ce parc en avait accueilli des générations d'enfants, en commençant par moi, mes frères et soeurs et puis les générations suivantes. Leah ne risquait absolument rien, tout était sécurisé depuis des années. La poussette de sa poupée était juste à côté de moi avec sa poupée. J'avais un livre dans les mains que je lisais à peine préférant garder un oeil sur ma fille qui avait l'air de bien se débrouiller toute seule. Leah était une perle de la nature, ce genre d'enfant qui vous rend heureux en quelques secondes. En parlant d'enfant, j'allais encore devenir grande soeur d'ici quelques mois en y repensant. C'était assez étrange comme situation. L'annonce au repas de Noël n'avait pas été reçu de la même manière par tout le monde.

Lullaby avait pété un câble et je la comprenais d'une certaine manière, nous allions avoir près de 30 ans de différence avec notre petite soeur, ou notre petit frère. Moi, je n'avais rien dit, j'étais juste sortie de la pièce pour aller fumer une cigarette et éviter une crise de jalousie ou de nerf. Depuis quelques jours ce n'était pas la joie. Je ne savais pas vraiment comment prendre la nouvelle, c'était quand même inattendu. Ma mère avait la quarantaine passée, mon père aussi. Ce n'était pas forcément ce à quoi je m'attendais. Le pire dans l'histoire c'était la présence de Joan, enfin le pire ou celle qui avait facilité la nouvelle. Grace et Andrew n'avaient pas non plus fait part de leurs réactions. Enfin disons que nous n'en avions pas parlé.

Et en parlant de réaction, je vis Joan qui débarquait dans la même journée. Nora dormait toujours à côté de moi dans son berceau. J'en avais obtenu la garde disons pour mon après-midi babysitter. Joan... dis-je simplement quand je la vis débarquée vers moi avec un grand sourire. Pas de chiens, j'étais donc sauvée, je ne me ferai pas bouffée.

Ne pensez pas un seul moment que je me trouvais devant Kate pour lui refaire sa belle face de blondinette. J’étais ici parce que je savais justement que Nora s’y trouvait. Je voulais voir ma petite fille avant de repartir à mes belles occupations. Pour le moment, j’avais des semaines surchargées et le fait de m’être associée avec Lullaby ne déminait pas ma surcharge de boulot,  loin du monde. Je passais peu de temps auprès de mes enfants, et surtout auprès de ma Cordi. Je n’étais pas revenue à Pasadena dans l’unique but de retrouver ma fille Lullaby, mais de réunir mes enfants et former cette famille que j’avais toujours désiré avoir. Au lieu de ça, je m’étais  éloignée de Cordi ou plutôt, elle s’était éloignée de moi… J’étais loin d’être mère exemplaire et aussi,  quelle mère serait capable de coucher avec le meilleur ami de sa fille ? Je l’avais fait, et je le regrettais amèrement, mais que puis-je faire ? À part m’excuser, c’était tout !!! D’ailleurs, il était désormais impossible  de définir le nombre incalculable de mes erreurs…

Je me retrouvais devant elle, et cette fois-ci, j’étais seule. Mes chiens étaient bien sagement à la maison … Ce qu’il s’était passé entre nous deux était une erreur, et immature de ma part d’avoir agi de cette façon. Cependant, il était clair qu’avec elle, je n’allais pas m’attendre à un pardon de sa part.

JOAN _ «  Hey » Oui, la politesse avant tout, non ? J’affichais un sourire et je me penchais vers le petit berceau qui se trouvait à côté de la blondasse. «  Ne t’en fais pas, je ne suis pas venue pour toi » ajoutais-je en lançant un regard vers Kate avant de replonger dans ceux de ma petite princesse. « Mais je suis venue pour elle. Lullu m’a dit que j’allais te trouver ici avec elle, donc, j’en ai profité. » Je posais délicatement ma main sur la joue de ma petite fille… «  Elle est tellement mignonne, n’est-ce pas ? C’est une O’Brady toute crachée. » J’étais épanouie de la voir et rien au monde, et ni personne, pouvait me gâcher ce moment. «  Je peux la prendre ? » Je préférais demander avant qu’elle ne crie, ou qu’elle me fout un jeton dans la gueule.

Je ne m'attendais pas forcément à voir Joan débarqué au parc, je comptais profiter d'une après-midi simplement avec ma filleule et avec ma fille. Les deux cousines étaient plus ou moins copines. Enfin autant qu'on peut être copines à 4 et presque 1 an ! Bien évidemment pour le moment on ne pouvait trop voir une amitié, mais dans quelques années j'étais certaine que les deux cousines seraient bien copines. Ou du moins, c'est ce que j'imaginais. Les repas de famille, entourés des bambins qui couraient de partout. Un peu comme avant. Mais avant quand on était tout jeunes. Que ça courait partout pour sortir de table. En fermant les yeux, je revoyais ces instants. Enfin que quelques instants. Joan s'approchait de plus en plus, je ne pourrais donc pas y échapper. Oh et puis après tout, si ma soeur lui faisait confiance. On l'avait bien vu au repas de Noël.

Le contraire m'aurait étonné. dis-je simplement pas forcément de manière désagréable, mais je me doutais bien qu'il fallait finir par se faire à l'idée. Nora commençait à s'éveiller, je la sortis de son berceau, je me doutais que Joan allait finir par devenir quelqu'un aussi d'important pour elle. Et je ne pouvais m'empêcher de penser si un jour Thimothy redébarquait alors dans ma vie, qu'est ce que je ferai vis-à-vis de Leah. Je n'avais pas le droit de l'empêcher de voir son grand-père dit biologique. Ces parents biologiques avaient aussi leur droit. Une fois dans les bras, Nora commençait à sourire à sa grand-mère. Elle la reconnaissait. Je la tendis à Joan quand elle me demanda de la prendre Après tout, tu es quand même sa grand mère. dis-je simplement. Elle garde les yeux de Lullaby et d'Holden en attendant. Mais en effet, elle est belle, adorable. dis-je avec un sourire. Ce n'était pas un scoop j'étais dingue de ma filleule. Je jetais un coup d'oeil à Leah qui jouait toujours là bas de loin. Elle semblait jouer au chat perché.

Elle me détestait et il y avait de quoi me haïr, mais ne devrons-nous pas oublier nos problèmes et en tirer un trait sur notre passée et profiter simplement de l'instant présent ? Je ne cherchais pas non plus à devenir son amie, mais disons que j'avais promis à ma fille de redevenir une bonne personne et de changer radicalement de comportement... C'est-à-dire, fini la guerre avec les Jones, d'écarter les cuisses dès que je croise un beau mec et surtout de redevenir cette personne avec un coeur. Alors la première chose à faire pour qu'elle soit de nouveau fière de moi, c'était de demander pardon auprès des Jones et de faire de même avec les autres personnes avec qui j'avais été cruelle. La liste était longue, certes et cela allait me prendre énormément de temps, mais que voulez-vous ? Cordi était tout pour moi et quoiqu'elle me dise de faire, je ferais... L'amour d'une fille n'avait pas prix.

Alors que j'avais pris la petite Nora dans mes bras après l'autorisation de la blonde, je m'asseyais à côté d'elle.

JOAN _ «  Tant qu’elle n’a pas une ressemblance avec Jane, le reste je m’en fiche un peu, tu vois. » PAF. Merde, c’était plus fort que moi, et devenir la gentille Joan du jour en lendemain, c’était impossible pour moi. Il va me falloir quelque temps pour m’y habituer, et apprendre à aimer d’autre personne que moi.  Je restais silencieux un long moment, jouant avec la petite Nora… en fait, je réfléchissais sur quoi je pouvais discuter  avec Kate sans qu’elle m’arrache les chignons.   «  Votre fille est magnifique de loin. » De loin ? Ouais bon, j’aurais peut-être dû éviter de dire ce mot-là, mais maintenant, que c’était dit, je ne pouvais pas reculer le temps.  « De près aussi, hein… Elle est ... mignonne … C’est une très jolie fille  »  J’avais encore du boulot pour complimenter les enfants des autres, mais c’était déjà un bon début non ?  Sur ce coup, j’étais fière de moi, et Cordi serait tout autant...  

J'explosais de rire quand elle dit que Nora n'avait pas de ressemblance avec ma mère. Bah encore heureux, sinon ça voulait dire que Lullaby était la fille de Jane et ça, ça aurait été le plus grand malheur de sa vie je pense. Ca avait été plus fort que moi. Je n'étais pas naïve, Nora ne ressemblerait jamais à une Rieder, elle ne me ressemblerait jamais. J'avais beau être sa marraine, on en partagera pas pour autant le même sang. Est ce que c'était compliqué dans ma tête ? Je ne sais pas pourquoi j'avais toutes ces pensées sur la paternité biologique de mon père, et la paternité adoptée de Holden. Disons que le retour de Joan et la place qu'elle avait pris dans la vie de Lullaby me disait en quelques sorte que le pardon était possible. Je n'en savais rien.

Nora ne ressemblera jamais à ma mère. Ne dis pas de conneries. Je n'étais pas foncièrement méchante finalement. Je la laissais parler sur Leah, elle se reprenait, elle faisait donc des efforts au final. Elle ressemble à son père. Je regardais Nora qui avait l'air apaisée prête à repartir pour une sieste encore. Elle était tellement adorable. Quand je vois comment tu as réussi à te racheter envers Lulla, je me demande si je serai aussi indulgente envers mon père biologique si un jour il se pointait dans ma vie. Enfin bon... C'est un peu comme croire à une résurrection, ou à un miracle. dis-je un peu dans le vide en recoiffant Nora. S'il y en avait bien une qui pourrait me donner un conseil sur les parents qui avaient abandonné leurs enfants.

Il n’était pas forcément facile de croire que nous étions bien là en train de discuter sereinement, de manière intime. En même temps, on avait en commençant par les enfants. Rien n’était simple, toutes les familles avaient leur histoire, leurs propres secrets, ce n’était pas forcément facile de voir les choses comme ça. Mais j’étais bien consciente que Leah poserait des questions, elle en posait déjà, pourquoi maman n’habitait plus à la maison, et pourquoi on ne pouvait pas avoir un petit frère pour elle. Ca aurait été le plus grand cadeau qu’elle aurait pu avoir. Je le savais elle en parlait beaucoup, elle aimait beaucoup cette idée d’avoir pleins de bébés à la maison, et d’ailleurs le bébé Nora était l’une des choses les plus importantes pour elle. Sa cousine. Elle adorait jouer chez sa tante Lullaby. Et j’étais certaine qu’une fois que Zeppelin accoucherait elle adorerait avoir près d’elle ses deux cousins ou cousines, vu que je ne savais pas encore si c’était deux garçons ou deux filles, ou l’un et l’autre. Tiens bonne question, ça me turlupinait. « On est divorcé depuis deux ans avec Dylan, il vient seulement d’emménager à Pasadena il y a quelques mois. Pour que je puisse être plus proche de ma fille et la voir plus souvent. C’est un peu compliqué disons » dis-je avec un sourire. Ce n’était pas un secret, ça l’avait été mais aujourd’hui ma famille était au courant pour ce qui m’était arrivé à Los Angeles pendant huit ans, que Joan le sache ne faisait ni chaud ni froid pour être honnête. Et puis qu’elle aille le crier sur les toits ne faisaient pas peur non plus. Au moins tout le monde saurait que le propriétaire de la galerie d’art était le père de ma fille et que je n’étais pas encore prête pour le laisser voir une autre femme.

« C’est plus compliqué que ça avec mon père. Quand ma mère a appris qu’elle était enceinte elle a voulu me garder, lui… Il voulait qu’elle avorte, du coup c’est elle qui est partie à l’autre bout du pays. Je sais que tu ne l’aimes pas, que tu l’aimeras jamais. Mais je dois reconnaitre au moins le courage qu’elle eut pour élever une gamine sans père et sans famille alors qu’elle aurait pu choisir la facilité. » dis-je pour lui expliquer rapidement la situation « C’est juste que j’ai l’impression de vouloir connaitre mes origines d’où je viens. Si Holden joue un père parfait à mes yeux et qu’il sera le seul. Juste savoir d’où je viens, j’ai essayé une fois, je suis allée à New York il y a 4 ou 5 ans, pour me faire jeter parce que je lui ai fait peur parce que j’ai débarqué comme ça. Je ne me suis pas renseignée. Au moins Lullaby a eu une mère et un père ensemble malgré qu’ils étaient jeunes. » Jalousée Lullaby non, ce n’était pas mon genre, disons que l’on devait reconnaitre que nous n’avions pas eu la même chance dès le début. « Et voilà que je me mets à te raconter ma vie, elle réserve vraiment des surprises celle-là » Nora dormait désormais paisiblement dans sa poussette berceau.

Il n'était pas forcément évident de se confier à un anonyme alors à quelqu'un qu'on ne connaissait pas forcément bien et qu'en plus, on avait en grippe. Ce n'était pas l'idéal. Pour autant, je me laissais aller en confession à Joan, pour la simple et bonne raison que c'était la seule qui pourrait me répondre. Holden et ma mère ne pouvaient pas répondre à mes interrogations pour la simple et bonne raison qu'il n'avait pas fait ça à leurs enfants. La destinée voulait que l'on soit comme ses parents. Parfois je me demandais si on avait pas été inversée à la naissance avec Lullaby et en fait j'étais la fille de Joan, et Lullaby celle de Jane. L'amour pour les nuls et incompris, aux éditions Kate Rieder-Jones. Si la radio ne marche plus, tu seras la première au courant de la publication. Cupidon devait être un sacré con quand même, pour nous rendre la vie aussi difficile. Par coutume, l'amour était quelque chose que tout le monde devait trouver. La St Valentin et compagnie. Ouais, une belle histoire marketing de merde. Si fallait se faire viser le cul par une flèche, pour tomber sous le charme de quelqu'un par un débile en couche culotte. C'était plus compliqué. Les papillons dans le ventre, passion, feu ardent et tout ce qui allait avec, ça n'arrivait pas aussi facilement, ou alors vous aviez un coeur d'artichaut, et vous étiez dans la merde.

Je ne souhaitais pas ça à ma fille bien sur, je souhaitais qu'elle trouve son prince charmant et qu'elle trouve le bonheur. Nos secrets, oui je suppose. Que tu as raison. Enfin bon, au moins j'essaye de répondre aux besoins de ma fille du mieux que je peux, et du lui donner la présence d'une mère malgré notre divorce avec Dylan dis-je comme pour me rassurer moi même. Leah jouait toujours là bas tandis que Nora s'endormait doucement dans son berceau. Et toi alors depuis Noël ?