Quelques temps s’étaient écoulé depuis mon départ de la Syrie, j’évitais toujours de répondre au courriel d’Oliver, mais depuis qu’il avait arrêté de m’en envoyer, j’avais commencé à les lire. Seulement, je ne trouvais pas les mots pour lui répondre. Ouvrant le dernier que j’avais dans ma boîte mail, je poussais un soupir. Je devais reprendre contact avec lui, au moins pour lui dire que j’étais vivante et non pas prise en otage. Que j’allais bien, tout du moins dans les grandes lignes, parce que pour être franche, je n’étais pas certaine d’aller mieux. Ma famille m’offrait un support incroyable, mais outre cela… Et puis sans compter que j’avais revu Aaron, ce qui avait chamboulé toutes mes pensées. Je n’avais pas été faible devant lui, et ça j’en étais heureuse. Toutefois, je ne me sentais pas plus légère. Fermant mon portable, je déposais celui-ci sur ma table de chevet avant de repousser mes draps pour me lever. Enfilant un shorty court et mettant ma paire de lunette, je sortais de ma chambre tout en poussant un bâillement. La maison semblait déjà bien animée, laissant un sourire apparaître alors que je me dirigeais vers la cuisine. Je pouvais dire ce que je voulais, revenir chez moi me faisait apprécier cette vie familiale. J’avais toujours grandi entouré de plusieurs personnes et avec ma carrière, je n’avais trouvé que le moyen de m’en éloigné. Bien que je ne savais pas encore ce que je souhaitais faire de ma vie ou plutôt de carrière, je commençais néanmoins à me dire qu’une famille pourrait être un objectif intéressant. Je ne pensais pas encore à me voir enceinte et entouré d’une marmaille, mais chercher quelqu’un, m’établir. C’était quelque chose que je n’avais jamais su faire dans ma vie. Tout en pensant à cela, je me retrouvais à me mordre la peau entourant l’ongle de mon pouce. Je détestais cette manie, mais cette fois je ne le faisais pas exprès. J’arrivais dans la cuisine, trouvant mes grands-parents attablé au comptoir repas, alors que mes frères s’amusaient à faire la cuisine. Ça ressemblait plus à un chantier naval, mais le sourire de ma grand-mère qui les regardait se dépêtrer avec la cuisson du bacon, me fit sourire en retour. M’approchant silencieusement, j’allais accouder mes bras près de ma grand-mère qui se retournait pour me sourire et passer sa main chaleureuse dans mon dos. D’une voix rouillée par le sommeil, je saluais tout le monde et accotait ma tête sur l’épaule de ma voisine. Elle passait cette fois sa main dans mes cheveux, me faisant sourire. « Si tu veux, il y a du café de prêt. » me disait-elle, alors que je me redressais pour aller me chercher une tasse et en profitait pour prendre un bol. Car au vu du temps qu’ils prenaient pour faire cuir du bacon, je ne voulais pas savoir combien de temps ça leur prendrait pour faire cuire un œuf. Je versais donc les céréales, ainsi qu’une quantité minime de lait. Je n’aimais pas les céréales molles et les miettes qui pouvaient si accumuler. Je prenais une première bouchée, gonflant mes joues comme un écureuil qui se fait des provisions. On entendit trois coups à la porte d’entrée, redressant la tête, je levais ma cuillère et la bouche pleine je dis : « J’y vais. » Bon dans ma tête ça sonnait ainsi, de ma bouche ça sonnait bien différemment, mais tant pis. Gardant mon bol dans ma main, je prenais une seconde bouchée juste avant d’ouvrir la porte. Comme toujours, je n’avais rien d’élégant dans mon geste. Cuillère toujours en bouche, je tournais mon regard vers cette personne qui toquait à la porte de si bon matin. Témoin de Jéhovah ? Vendeur d’aspirateur ? Je me figeais net en voyant non pas un colporteur, mais bel et bien mon ex. Celui que je voyais depuis notre rupture comme mon meilleur ami, mais à qui je n’avais rien dit pour mon départ. Cette personne que j’avais laissé derrière moi pour fuir une vie que je me sentais plus capable d’affronter. Cet homme qui m’envoyait des messages depuis mon départ et à qui je ne trouvais pas les mots pour lui expliquer mes raisons. Retirant la cuillère de ma bouche, je m’empressais d’avaler ma bouchée. J’avais beau ne pas être la personne la plus polie du monde, il en restait pas moins que dans cette circonstance il y avait mieux comme image qu’une fille en pyjama, une cuillère à la bouche remplie de céréale. Sans compter que le pyjama n’avait rien glamour, un vieux t-shirt gris toué au niveau de l’encolure, un shorty beaucoup trop court sur mes cuisses et qui avait la fâcheuse manie de se glisser entre mes fesses. D’ailleurs, à cet instant même ça commençait à me gêner. Déposant ma cuillère dans le bol, j’utilisais ma main libre pour tirer sur le tissu le libérant de mon fessier. Tout cela c’était produit avant même qu’Oliver n’ouvre la bouche, laissant tout de même mon étonnement de le voir à ma porte. Je tentais de répondre à son sourire, mais lorsqu’il parla je sus immédiatement qu’il ne venait pas me voir par simple courtoisie. « Salut Ollie. » J’avais usé de son surnom, contrairement à lui, mais je n’avais pas de raison d’être froide ou autre. Cette réplique qu’il me lança me fit soupirer. Vraiment ? Il voulait qu’on joue à cela ? « Eh bien, tant mieux si tu peux compter sur lui. » J’avais une petite pointe d’agacement, j’allais devoir chercher de quel frère il me parlait, Hugh ou Vince, étant les deux seuls qu’il avait croisé… Mais dans les deux cas, aussitôt que je saurais lequel des deux avaient cafté, j’allais lui remonter les bretelles. Mais je ne pouvais pas m’empêcher d’être heureuse de voir Oliver, après tout j’avais autant besoin de lui que des autres. Je poussais un soupir, fermant un instant mes yeux. « J’en déduis que te ne viens pas seulement me voir pour me parler d’Hugh ou Vince… Alors entre, je t’en prie. » Je me poussais sur le côté pour le laisser passer. J’allais le conduire dans le salon où j’allais pouvoir fermer les portes et ainsi pouvoir discuter en toute discrétion. Mais mon intention fut déjouée par ma grand-mère qui arrivait dans le couloir. « Mais qui est ce beau jeune homme ? » Je laissais un sourire prendre place sur mes lèvres. « Oliver… » Je n’avais pas le temps de dire plus, que je remarquais déjà les yeux de ma grand-mère qui brillait de mille feux. « Mais oui, tu m’en as déjà parler. Ma petite-fille a de très bon goût. Elle tient ça de moi. Vous prendriez bien un petit quelque chose ? Mes petits-fils font le petit-déjeuner. Une personne de plus ou de moins ce n’est pas un souci. Allez, vous me feriez tellement plaisir. » Je posais mon regard sur Ollie, laissant mes lèvres souffler un simple « désolé ». Je ne m’attendais nullement à ce qu’elle l’invite ou l’accapare. « Grand-mère, je ne pense pas qu’Oliver est venu pour manger. Et on doit parler. » Elle semblait aussitôt étonnée. « Je vois, mais si vous changer d’idée. » Puis, elle s’éloigna retournant sur le chantier naval. Je replaçais mes lunettes qui avaient glissés sur mon nez. « Allons au salon, on sera plus tranquille. »

Qui aurait pu croire que ce matin, j’allais trouver sur mon perron mon ex. Eh bien très certainement pas moi ! Et pour tout dire, je ne savais pas trop comment réagir, j’avais beau répéter dans ma tête les milles et une façon les raisons de mon départ précipité, je ne trouvais pas la formule magique qui expliquerait le tout sans montrer mon côté vulnérable. Une chose que je détestais montrer, je préférais de loin être la femme forte qui en inspire, mais derrière chaque gant de fer se trouve une main de soie. Seulement, en le trouvant devant ma porte, je compris que la fuite n’était désormais plus une option et je devais mettre les choses au clair. Pour le connaître, je savais qu’il chercherait toujours à savoir, s’accrochant dur comme fer. Je ne voulais pas lui faire imaginer les pires scénarios, mon choix de partir ne tenait qu’à moi. Il n’en était pas la cause, bien au contraire. S’il n’avait pas été avec moi ce fameux jour jusqu’à ma décision de tout arrêter, j’aurais touché le fond. Je serais sans doute bien plus démolit que maintenant, il avait été ma bouée même s’il l’ignorait. Je lui devais beaucoup, mais pour lui dire tout cela je devais piler sur mon orgueil et ça c’était moins facile à dire qu’à faire. Le regardant entrer, je ne m’attendais pas à ce que ma grand-mère arrive sur l’entrefaite. « Gwendoline Hardy, et ce sentiment est partagé. » Même si je portais comme prénom le diminutif de celui de ma grand-mère, il en restait que l’on était loin de se ressembler. Beaucoup plus douce, beaucoup plus polie, beaucoup plus adorable, et bien d’autre beaucoup plus… Non, j’étais loin de ressembler à ce brin de femme, mais j’étais heureuse de la compter dans ma vie. « J’en suis ravi, je vais dire à mes petits-fils d’ajouter une assiette. » Elle nous laissait, affichant un large sourire, sans doute satisfaite de son petit complot intérieur. Allez savoir ce qu’elle pouvait planifier, elle était douce, gentille, adorable, mais un vrai démon quand il s’agissait de concocter un plan. Surtout lorsqu’il s’agissait de ses petits-enfants. Mais au bout de la ligne, elle ne pensait qu’à notre bien. Observant ma grand-mère disparaître en retournant à la cuisine, je prenais la direction du salon. J’attendais qu’il soit entré à son tour pour aller fermer les doubles portes vantaux. Je n’avais pas particulièrement envie que ma famille entende cette conversation, je ne voulais pas les préoccuper davantage. Et il avait des choses que seul Oliver et moi pouvions comprendre, ressentir et cela parce qu’on l’avait vécu ensemble. Quelqu’un qui n’était pas là, pouvait ressentir de la peine, de la pitié, de la compassion et franchement ce n’était pas ce que je voulais. Je ne désirais pas qu’on jette sur moi un regard qui serait impossible pour moi de porter sur mes épaules. Je ne voulais pas ressentir leur jugement même si ceux-ci pouvaient partir d’une bonne intention. La gentillesse peut parfois être si cruelle ! Me retournant, je le trouvais devant le meuble couvert de photo, ancienne comme plus récente. En fait, cette maison était un vrai musée familial, des photos de mes grands-parents, mes parents, mes oncles et tantes et tous les petits-enfants et arrière-petits-enfants. Autant dire qu’on était nombreux et que la famille c’était sacré ! C’est vrai que les repas de famille étaient disons bien animé. « C’est vrai qu’elle est charmante, mais on est bien différente. » Autant physiquement que mentalement, en fait, j’avais plus le caractère des hommes Hardy, tout comme le physique. Bree, ma sœur aînée, ressemblait plus à ma grand-mère tout du moins le physique. Le regardant, je tentais de garder ma contenance déposant mes deux mains sur le bol de céréale. À chaque pas qu’il faisait, je sentais le remord de ne lui avoir rien dit m’envahir. Je restais silencieuse, bien que rare chez moi, je savais quand il me fallait écouter et c’était durant ce genre de moment. Je répondais tout de même à son sourire, même si je ne décelais pas la joie sur le sien. Le mien ne l’était pas non plus, il tentait plutôt d’exprimer à quel point j’étais désolée. J’écoutais ses mots, sentant mes mains se mettre à trembler légèrement et son simple « comment tu vas » déclencha un tremblement si violent, que je me dépêchais de déposer le bol sur le meuble près de moi. Au plus profond de moi, rien n’allait, mais ça je me réservais bien de le dire. Regardant un instant mes mains, je les serrais ensemble, essayant d’atténuer le tremblement. « Je crois que ça m’aide… Mais te voir ici… » Je me pinçais les lèvres, que voulais-je dire ? Que j’étais heureuse ? Que j’avais besoin de lui tout autant que ma famille ? Pourtant, je savais que je ne pouvais pas lui dire cela, c’était moi qui l’avait repoussé. Qui avait mis fin à tout ce que nous étions, même si je le considérais comme mon meilleur ami, je ne pouvais pas revenir vers lui. J’étais trop ébranlée pour prendre une décision lucide et il était hors de question pour moi de lui causer plus de peine. Prenant une grande respiration, j’expirais doucement en fermant les yeux. Et doucement, je commençais à parler, ouvrant petit à petit mes paupières tout en posant mes iris sur Oliver. « Avant tout, tu n’as rien à voir avec ma raison de mon départ. J’aurais dû t’en parler, mais j’avais besoin de prendre de la distance… » Je m’arrêtais un instant, pinçant mes lèvres avec force. « …Ce qui s’est passé ce jour-là, je ne cesse de le rêver. Cela me hante comme bien d’autres souvenirs, je ne suis pas certaine de bien aller. » Une larme coulait sur ma joue et je m’empressais de l’effacer avec ma main. « Je ne pense pas que le travail de reporter de guerre soit finalement fait pour moi. Tous ces gens avaient raison au final. Une femme n’est pas assez forte pour assumer ce rythme de vie, c’est pour cela que je suis partie. Je ne veux plus avoir des cauchemars qui s’ajoute à ceux qui me terrifie déjà. Je ne veux plus voir de catastrophe, je ne veux plus vivre de malheur. » Je prenais une grande respiration. « Ollie, des enfants… Ils se sont fait sautés devant nous, il était encore vivant… Il est mort dans mes bras, comment je peux oublier ça. » Je ne tentais plus de cacher mes larmes, elles coulaient à flot. Comment on pouvait utiliser des enfants pour accomplir un acte terroriste ? C’était une image indélébile, elle me collerait jusqu’à la fin de mes jours. Mais sans réfléchir, sans penser à ses sentiments, sans me préoccuper de ce qui pouvait nous entourer, j’allais me blottir contre lui. J’étais consciente d’être égoïste, me doutant très bien qu’il éprouvait toujours quelque chose pour moi, mais j’avais besoin de sentir son étreinte contre moi. Sa chaleur. Son parfum. Lui. Oliver Williams, cet homme qui avait toujours été si tolérant et gentil avec moi.

« Je serais peut-être bien conservé, mais contrairement à elle, je vais sans doute être une vieille femme aigrie. » J’esquivais un sourire, à cette simple image. M’imaginée vieille avait quelque chose d’amusant, même si j’étais en train de me demander quel genre de vieille personne je serais ! Seule ? Mariée ? Des enfants ? Des milliers de chats ? En fait, je n’avais pas la moindre idée de ce qui pouvait m’attendre aussi loin dans le futur, mais je ne penchais pas pour une histoire contenant de l’amour, hormis celle de ma famille. Je n’avais tellement pas de chance de ce côté-là, qu’il me semblait pratiquement impossible que je connaisse vraiment l’amour. Peut-être que je l’avais connu, mais comme une idiote je n’avais pas su en prendre soin et j’avais tout gâcher en le quittant. Oui, je faisais bien référence à cet homme qui se trouvait devant moi. J’avais pris peur alors que notre relation devenait de plus en plus sérieuse, croyant que j’étais toujours amoureuse d’Aaron, ce qui était peut-être toujours le cas. Je ne voulais pas le blesser ou qu’il regrette d’être avec moi en sachant que j’en aimais un autre encore plus. Maintenant, j’ignorais si je n’avais pas fait cela simplement pour me protéger, pour ne plus éprouver ce sentiment que j’avais éprouvé avec Aaron lorsque j’avais compris que tout était fini. Mais malgré tous mes efforts pour le garder à distance, le repoussant quant à notre relation et faisant tout pour me perdre dans mon travail, c’était lui qui se trouvait devant moi. Lui qui avait franchi un océan pour me retrouver. Jamais personne n’avait fait cela pour moi, et pourtant au fond de moi, je savais que je trouverais toujours la force de le repousser. Peut-être encore cette peur qui au fond était ancré solidement à moi. Seulement, je trouvais les mots pour lui parler, lui expliquer les raisons qui faisait que j’étais ici à Pasadena et non là-bas en Syrie avec lui. Braver certain combat n’était plus ce que je souhaitais. Étrangement, les mots me venaient plus aisément que si j’avais pris la peine de lui écrire. Peut-être qu’en fait, j’étais tétanisé à l’idée qu’il interprète mal mes réponses à ses courriels. J’étais pourtant une écrivaine, je savais écrire – du moins je crois, mais pour parler de mes sentiments mon ressenti, peut-être que j’étais moins douée. Je n’avais jamais tenu un journal intime. Toutefois, en l’ayant devant moi, je n’avais plus à craindre ces mots, car je savais qu’en me regardant il comprendrait. Ce n’était pas lui le problème, c’était moi. Et mon corps le démontrait bien en tremblant, on pourrait prendre cela pour de la crainte à son égard, mais je savais que ça n’avait rien à voir lui. C’était simplement ce flot de souvenir qui me submergeait et me faisait perdre le contrôle. J’avais beau lui dire ma raison, mes mots sortaient de ma bouche avec aisance tout comme mes larmes qui franchissaient mes paupières. En sentant le contact de son pouce sur ma joue, je fermais les yeux. Ce fut le geste qui me rendit égoïste, oubliant toute retenu que je me gardais, j’allais me blottir dans ses bras. Cherchant en lui une source de réconfort. Car bien que j’étais une femme forte, comme tout le monde j’avais mes moments de faiblesses, je ne les montrais généralement pas. Les gens n’avaient pas besoin de voir ou connaître cette facette de moi, mais avec Ollie c’était différent. J’avais besoin qu’il connaisse cette partie de moi, qu’il puisse être un de mes piliers m’aidant à rester forte, un peu comme mes frères, ma sœur, ma famille. Oui, à mes yeux il était bien plus qu’un ex, qu’un collègue, qu’un ami… Entre ses bras, je trouvais la force de fermer mes yeux, ne voyant que le noir de mes paupières closent. Mes mains quant à elles allaient agripper son t-shirt, serrant le tissu avec force. En sentant sa main dans mon dos, je resserrais mon emprise sur mon t-shirt, tenant mes paupières fortement fermées. Comme une poupée, je le laissais prendre mon visage ouvrant mes yeux pour le regarder. Un sourire timide prenait place sur mes lèvres pour répondre à sa phrase, soit que tout allait bien se passer désormais. Est-ce que j’en étais plus convaincu, je ne savais pas trop, mais de toute manière ce n’était pas maintenant que j’allais avoir la réponse à cette question. Desserrant mon emprise sur lui, je le laissais tout de même me prendre dans ses bras un peu plus longtemps. Je pouvais bien en profiter, ce n’était pas si cruel que cela. Je l’espère du moins. Même si j’avais refermé mes paupières, je n’avais pas perdu un seul mot de ce qu’il venait de me dire. J’étais peut-être forte, mais cette force je la sentais me quitter depuis ce jour, elle s’envolait et je craignais de ne pas arriver à la garder. Ce n’était pas chose aisé, mais en même temps, je pouvais lui accorder qu’il n’avait pas tout à fait tort. Alors qu’il prenait mon visage une seconde fois entre mes mains, j’allais cette fois déposer les miennes sur les siennes. Je tentais de répondre à son sourire, mais ce n’était pas aussi simple que j’aurais voulu. Je réussissais tout de même à dire un petit mot : « Merci. » Ce n’était pas grand-chose, c’était même une simple forme de politesse, mais pour moi ce « merci » valait d’avantage que tout le reste. Laissant ses mains quitter mon visage, je ramenais les miennes vers moi, croisant mes bras sous ma poitrine. Cette fois, je tentais réellement de sourire, même si j’avais l’impression qu’il me restait prit en travers de la gorge. « Pour les beaux yeux de ma grand-mère ? » Je laissais un rire m’échapper, puis j’allais prendre sa main qui ne se trouvait pas sur sa nuque. La serrant doucement de mes deux mains, je posais mon regard sur celle-ci. « Sans plaisanter, je sais que tu es ici pour… » Je n’avais pas le temps de finir ma phrase que la porte près de nous s’ouvrait laissant apparaître Duke, mon plus jeune frère. « Gigi, le… » Il se figeait en nous regardant, papillonnant des cils à la vitesse de l’éclair. « Mamie, Daddy, Dwight ! Ce mec a réussi à faire pleurer Gwen ! C’est un miracle ! » Je relâchais la main d’Ollie, essuyant les quelques larmes restantes sur mes joues, avant de me tourner vers mon stupide frère. Son expression changea du tout au tout. « DUKE ! » Ma voix avait haussé d’un ton et m’élançant derrière lui, il ne perdait pas de temps pour prendre de l’avance. J’avais beau avoir trente-et-un ans dans ce genre de moment je pouvais avoir l’air d’en avoir dix. Lorsqu’il s’agissait de mes frères, c’était au plus fort que revenait le match et j’allais exiger des excuses ! Alors qu’il allait franchir la porte, je lui sautais dans le dos, passant mes bras autour de son cou. « Allez excuse-toi ! » lui soufflais-je à l’oreille. Pour le coup, j’avais totalement oublier Oliver, mais aussi le reste de ma famille. « Gwen… » Je relevais mon regard vers ma grand-mère qui me regardait décourager, mais elle avait désormais l’habitude avec la bande de petit révolter qu’on était. « Mais j’ai rien dit de mal ! » Ça restait à voir, je resserrais l’étau autour de son cou. Faisant comme si on existait plus, ma grand-mère se tournait vers Oliver. « Laissons-les, ils ne grandiront malheureusement jamais… » Elle l’invitait à les rejoindre dans la salle à manger, alors que Dwight appuyer contre le cadre de la porte riait aux éclats. Il portait son regard sur Oliver, lui adressant un sourire. « Je sais pas ce que vous lui avez dit, mais merci. Ça fait du bien de la voir comme d’habitude. Duke excuse-toi sinon elle va te faire la peau ! » J’entendais le souffle de Duke diminuer, mais je savais que de toute manière je ne lui faisais pas aussi mal qu’il le laissait croire. « C’est bon ! Je m’excuse ! » Souriant, j’embrassais la joue de mon petit frère de dix-sept ans et descendais en relâchant toute emprise. Fière de moi, je me dirigeais vers la salle à manger, posant mon regard sur Ollie, avant d’aller prendre place à ces côtés. « Je n’aurais peut-être pas du te montrer ça… »

« Une vache ? Tu n’as pas trouvé mieux ? » Franchement, moi avoir une vache. Je voulais bien croire que j’étais manuelle, que je n’avais pas peur de me briser un ongle ou de me salir, mais de là à mettre les pieds sur une ferme et m’occuper d’une vache… Je n’étais pas prête à aller jusque-là. J’esquivais tout de même un sourire, sachant très bien qu’il était en train de me charrier. Ce petit moment sut me détendre, mais pas entièrement. Après tout, jusqu’à présent je n’avais parlé à personne de la raison de mon vrai retour. Je disais une pause, mais pourquoi cette pause ? C’était cela la vraie question. Cependant, personne ne s’avançait sur ce chemin épineux et ça je ne pouvais que leur être reconnaissante. Je n’avais pas forcément envie de parler de tout cela. D’entrer dans les détails de ce passage de ma vie. Avec Oliver, je savais que je n’avais pas à y entrer, puisqu’il avait été avec moi. Il suffisait de quelques mots pour qu’il comprenne où je voulais en venir, de quoi je parlais. Il n’avait pas besoin de détail croustillant, il les connaissait, il les avait vécus aussi. C’était peut-être pour cela que j’avais moins de difficulté pour lui parler, même si ça m’avait sembler si pénible de répondre à ses courriels. En tout cas, devant lui j’arrivais à me montrer vulnérable, ce que je faisais que très rarement. Je profitais même de ses bras pour y retrouver du réconfort. Chose qui me soulagea d’un poids, même si je savais que je ne devrais pas faire cela. C’est ce que je ne cessais de me répéter encore et encore. Ce mec était trop bien pour moi et je ne voulais pas lui faire avoir de faux espoir, car j’ignorais encore où je me situais. Je tentais de faire un trait sur Aaron, mais pourrais revenir avec lui ? C’était là que je n’étais pas certaine car bien que j’avais toujours et encore des sentiments pour lui, la crainte d’une relation plus sérieuse continuait de me faire peur. En fait, je me sentais complètement perdu avec cette idée de délaisser mon métier pour me consacrer à une potentielle famille. Mais pour l’heure, je lui étais reconnaissante de le voir ici avec moi cherchant à me soulager d’un poids. Même s’il arriva à me déstabiliser suite à ma plaisanterie. Parlait-il de moi ? Je me fermais un instant mes yeux, réfléchissant, avant de prendre sa main. J’allais répondre à sa question, mais mon plus jeune frère choisi ce moment pour faire irruption avec sans doute l’idée d’annoncer le petit-déjeuner. Il avait mal choisi son moment, mais encore moins bien ses mots. Fusillant Duke du regard, je me retrouvais bien vite à reprendre ces habitudes qui avait le don de décourager ma grand-mère. Elle qui me souhaitait si féminine et polie, elle réalisait bien vite que sa petite-fille n’avait rien de cela. J’étais pratiquement aussi pire que mes frères de ce côté-là, mais c’était aussi ce qui faisait qui j’étais. Je ne pouvais pas changer cela, sinon j’allais perdre une partie de moi. Ce fut donc avec naturel que je sautais dans le dos de mon frère, chez nous la chamaille c’était courant. Même si généralement je le faisais avec Vince et non mes deux plus jeunes frères que je connaissais moins. Ce fut aussi sans étonnement que ma grand-mère vint voir ce qui se passait, affichant ouvertement son découragement en nous voyons dans une position inconvenable, sachant qu’on avait de la visite. Seulement, je n’avais pas l’intention de lâcher prise. Il aurait mieux fait de quitter la pièce au lieu de passer un commentaire inutile ! Je ne portais pas attention à l’échange qu’eut Dwight avec Oliver, j’étais bien trop occuper à mettre la pâtée à mon cadet. Gagnant ce combat, j’embrassais la joue de Duke et me dirigeais vers la cuisine. Avant d’arriver à table, je prenais soin tout de même de ressortir mon short qui avait été une nouvelle fois se loger entre mes fesses. J’aurais peut-être mieux fait d’aller me vêtir plus adéquatement, mais le mal était déjà fait. J’entrais suivit de Duke qui allait se mettre près de mon second frère, alors que je prenais la place près de mon ex. Son tapotement sur ma jambe me fit rougir, après tout il était le premier mec que ma famille rencontrait. Ne pouvant pas prendre en considération Jared, puisqu’on avait fait connaissance alors qu’il accompagnait sa grand-mère qui rendait visite à la mienne. Non, Oliver était le tout premier et ça me gênait un peu de montrer des signes d’affections devant ma famille, même si on était plus ensemble. Je lui adressais tout de même un sourire, posant mon regard sur la table. « Oh ce n’est pas moi qui ait cuisiné, mais les garçons. » Je me penchais vers Ollie, lui glissant à l’oreille. « Si tu tombes malade ne cherche pas. » Je laissais un sourire prendre place sur mes lèvres, alors que je recevais un bout de pain qui me fit rigoler. « Pas de ça à table ! » Par moment, Gwendoline perdait le contrôle de nous tous. Mais on avait tout de même le plus grand respect pour elle. Et j’eus droit à mon moment, mettant une part d’œuf dans ma bouche, je restais bouche bée en l’entendant parler de ma cuisine. Avalant rapidement, je lui donnais une forte tape sur le bras, laissant soupirer ma grand-mère et faisant éclater de rire mes frères. « On l’aime bien ton copain, lui il sait que tu cuisine comme un pied ! » Je tournais mon regard sur Dwight, le pointant avec ma fourchette et la faisant tourner en parlant. « Tu seras que moi je ne me pose pas mille et une question lorsque je fais cuir du bacon ! Et mes bols de céréales sont exquis ! » Bon par chance mon talent culinaire se limitait pas à cela sinon je serais devenu folle, moi qui était une vraie gloutonne. Gwendoline poussa un nouveau soupire, sans doute découragé par notre attitude devant un invité. Je tirais la langue à mon frère en face de moi, laissant ma grand-mère amener un sujet que je ne prenais pas la peine d’écouter, vu que mon attention fut détournée par la voix d’Oliver. Piquant ma fourchette dans la saucisse juteuse et bien graisseuse qui se trouvait dans mon assiette, je la portais à mes lèvres alors qu’il me reposait la question à savoir pourquoi il était là. Telle une gamine, j’enfournais la saucisse dans ma bouche, mordant à pleine dent et me retrouvant la bouche pleine. Étrangement, ça avait une connotation assez explicite tout en restant une façon pour moi d’hésiter de répondre. Je lui souriais, haussant les épaules, avant de revenir à mon assiette, ajoutant de l’œuf en plus dans ma bouche. « Gwen combien de fois je devrai te dire de manger plus proprement. » J’haussais à nouveau les épaules et reprenant cette tête de gamine adorable qu’on pouvait lui pardonner la moindre bêtise. Je continuais de manger, laissant parler les autres, mais m’arrêtant en entendant Ollie s’adresser à Duke. Il eut droit à une seconde claque sur son bras. « Tu sais ce qu’il te dit le Tyranosaure-Gwen-Joe ! » Je fronçais le nez et venait le mordre à l’épaule. Cette facette c’était rare que je la montrais, mais le look sauvageonne et mal élevé c’était tout moi, même si je faisais tout pour avoir une apparence bien mise en dehors de chez moi. « ÇA SUFFIT ! » Reprenant convenablement ma place dans ma chaise, je posais mon regard sur ma grand-mère qui s’était lever. Elle quittait la table et je faisais de mon mieux pour réprimer un sourire ou bien même l’ébauche d’un rire. Elle passait derrière nous se dirigeant vers la cuisine et tout naturellement, je me levais pour me diriger vers elle. Et changeant du tout au tout dans mon attitude, je la prenais dans mes bras, appuyant mon menton sur son épaule. « Je suis désolée pour tout ça. » Elle caressait ma joue. « Je sais et je ne pourrai jamais te changer. » J’embrassais sa joue. « Je vais aller faire du café, tu peux t’occuper de lui ? » J’acquiesçais d’un mouvement de tête, revenant à la table. Je rougissais en croisant le regard d’Ollie, puis au lieu de prendre place à nouveau près de lui, je me dirigeais vers mon grand-père qui avait été silencieux jusqu’à présent. Je posais mes lèvres sur son crâne dégarni et lui adressait un sourire. « Pour te répondre, elle ne me fait pas plus de misère à moi qu’à toi ! Et je ne veux pas savoir comment tu la métrises, mais merci quand même. » J’esquivais un sourire tout en faisant manger mon grand-père, depuis sa crise cardiaque il avait un peu plus de mal à se mouvoir. « Ollie, tu peux me passer mon assiette, s’il te plait ? »  Je posais mon regard vers lui, tout en essuyant la bouche de l’homme que j’admirais sans doute le plus. « Si tu veux après on pourra aller dans ma chambre finir notre discussion. » Je prenais bien soin de ne pas porter mon regard sur mes frères qui devaient nous lancer des regards emplis de sous-entendus.

Et dire que j’ai fêté mes trente-et-un ans le premier jour de l’année, à me voir agir avec mes frères, on ne dirait pas que j’ai franchi la trentaine. J’ai surtout l’air d’une adolescente qui ne pense pas à la vie d’adulte, qui se fou de ses responsabilités, mais c’est loin d’être le cas. J’y pense, peut-être trop en ce moment entre le fait de choisir une réorientation de carrière ou non, mes sentiments pour l’homme qui était venu me voir ou passer simplement à autre chose. Toutefois, entre les murs de cette maison, je peux aussi être cette fille qui ne prend pas soin d’elle, qui est naturelle, qui ne cherche pas à plaire et on pourrait me dire n’importe quoi. Cette fille, ça me fait un bien fou de l’être. Elle est simple sans prise de tête, alors que lorsque je dois franchir la porte pour aller dehors, je deviens celle qui se préoccupe de son apparence extérieure, qui pense aux autres avant elle, qui aide son prochain. La femme de caractère qui ne s’en laisse pas imposer et est prête à frapper de ses paroles si on la cherche un peu trop. Non, dans cette maison, avec ma famille, je suis simplement moi. Et même si mon agissement ne plaisait pas toujours à ma grand-mère, je savais aussi qu’elle m’aimait ainsi. Bien entendu, elle avait essayé de faire une bonne fille de moi, toujours élégante, poli, bienséante, mais c’était une chose qu’elle avait fini par abandonner. J’aurais bien aimé lui faire plaisir en devenant ce qu’elle attendait de moi, mais je n’avais pas réussi à le faire. C’était un peu comme la cuisine, même si mon talent se résumait à peu de chose, j’avais essayé de nombreuse fois de le développer, mais parfois il faut s’avouer vaincu. Je toisais Oliver, qui se moquait ouvertement de moi et une chance pour lui que j’avais la bouche pleine ! Même si je savais qu’il s’amusait à me charrier, j’étais aussi douée pour en ajouter une tonne. Mais bon, manger c’était quelque chose qui pouvait me rendre silencieuse, même s’il m’arrivait de parler avec la nourriture dans la bouche – t’en que y’a de la place, ma bouche n’est donc pas pleine ! Au moins, je pouvais me réjouir en me disant que mon ex s’entendait bien avec le peu de membre de membre de ma famille qu’il voyait aujourd’hui. Continuant de manger, j’écoutais que d’une oreille la conversation qui animait la table. Un sérieux qui ne resta pas, comme beaucoup de fois si je pouvais dire. Ça partait même dans une direction grotesque, je ne savais pas trop pourquoi je me retrouvais à lui mordre l’épaule. Peut-être pour lui montrer qu’un tyrannosaure-Gwen-Joe sait mordre lui aussi, aussi carnivore et vorace que le dinosaure, mais Gwendoline ne le prit pas de cet œil, nous ramenant bien vite à l’ordre. Je m’en mordais la lèvre, allant à sa rencontre pour m’excuser avant d’aller m’occuper de mon grand-père suite à sa demande. Je prenais place près de lui, alors que Duke se décidait à répondre à la question d’Oliver. Si ma mâchoire avait pu se décrocher, elle serait sans doute à terre. Je lançais un regard étonné à mon ex, lui j’allais lui faire sa fête, mais pas dans un moment de plaisir. Dire cela ainsi devant ma famille… En tout cas, ça semblait amuser mes frères, me décourageant en un sens. Je prenais mon assiette, hors de question que je gaspille de la nourriture. Je continuais de nourrir papi, alors que dans mon champ de vision, je voyais bien Dwight et Duke me jeter des regards amusés. « Vous allez faire quoi ? » demandait Dwight après qu’Oliver ait quitté la pièce. Je relevais mon regard vers celui-ci, poussant un soupir. « Discuter et non pas ce que vous imaginez. » Je prenais une bouchée tout en donnant une à mon grand-père. « Pourquoi pas retourner au salon ? » J’avalais. « Pour pas que vous veniez fouiner. » Ils rirent et secouant la tête, je continuais de manger. Je finissais les dernières bouchées lorsqu’Ollie revient dans la salle à manger. Je ne m’attendais pas à cette caresse dans mon dos et encore moins à cette pincer, qui me saisit, me redressant ainsi sur ma chaise. Avais-je fait quelque chose qui le laissait croire qu’on ferait cela ? Quoi que, je ne dirais sans doute pas non… Après tout, il était un sacré coup ! Mais là n’était pas le sujet. Je finissais de manger, ne passant aucun commentaire et une fois fini, je me levais prenant les assiettes que j’allais porter dans la cuisine pour les rincer et les mettre dans le lave-vaisselle. Je revenais dans la salle à manger, m’arrêtant dans le cadre de la porte. « Tu viens ? » lui demandais-je alors que mes frères débarrassaient la table. Je prenais les devants montant à l’étage où se trouvait ma chambre et poussant la porte, j’entrais dans cette pièce bordélique. Il y avait des livres partout empiler en équilibre les uns par-dessus les autres et quelques vêtements qui traînaient. Moi et le ménage… Je me penchais quand même pour prendre une robe chemise que je déposais sur le dossier de la chaise qui se trouvait dans la pièce. « Tu peux fermer la porte. » disais-je sans le regarder, me dirigeant vers mon lit ou je me laissais tomber comme une gamine sur le dos regardant le plafond. Je jouais avec mes doigts, me mordant la lèvre. « Désolé pour mes frères… non en fait, désolé pour ce moment. J’espère que tu as bien mangé au moins ? » Je me relevais sur mes coudes pour le regarder. Je pouvais bien dire ce que je voulais, je ne pouvais pas non plus éviter de lui répondre indéfiniment. Je prenais une grande respiration. Rester sur mon lit à le regarder, alors que je tentais de lui répondre ne me semblait pas les meilleures des idées. Je me relevais donc, me dirigeant vers lui. Plongeant mon regard dans le sien, je lui adressais un sourire en coin. « Si tu es ici, c’est pour moi. Je me trompe ? »