Oui, il y avait une raison pour ma peur, mais je ne pouvais pas le lui dire. Je n'y arrivais pas, c'était trop sensible pour moi, trop de souvenirs douloureux. Je n'avais pas encore eu le temps de laisser mes blessures cicatriser et je ne pouvais pas les laisser revenir à la surface. Peut-être un jour, j'espérais de tout cœur que j'y arriverai, que ce soit avec lui ou avec un autre. Mais là, ce n'était pas possible, je n'y arriverais pas. Je laissai donc son intervention de côté, me contentant de répondre à ses autres questions, comme je l'avais prévu dès le départ. Le remarquerait-il ? M'en voudrait-il ? Si c'était le cas, j'espérais qu'il m'en parlerait, quitte à simplement lui dire que ce sujet n'était pas abordable, pas pour le moment. J'étais certaine qu'il pouvait comprendre ça, comme il m'écoutait avec attention en ce moment. « C'est ça l'idée, pas des plus simples, mais c'est déjà un bon début. Regardez-nous aujourd'hui, on ne dirait pas comme ça, mais on a plus parlé que pendant tous ces derniers mois. Il suffit de pas brusquer les choses, vous ne pensez pas ? Je suis sûre qu'on y arrivera. » Je lui fis un sourire, confiante sur ce nouveau départ. J'allais peut-être être totalement déçue à son retour à l'immeuble, mais je sentais qu'une grande amélioration était en train de se produire dans leur relation. Si j'y mettais du mien, si je me décrispais à ses côtés, j'étais certaine qu'on pourrait reparler aussi calmement dans les semaines à venir. N'était-ce pas incroyable comme changement ? Ça me rendait beaucoup moins nerveuse en tout cas et c'était avec une attitude beaucoup plus zen que je nous découpai les morceaux de tarte. Quoi de mieux qu'un dessert pour nous féliciter d'être aussi calmes ? Je le remerciai avec un sourire pour son compliment. Ça me faisait vraiment plaisir de voir qu'il appréciait ma cuisine lui aussi. Qui sait, ce sera peut-être ce qui pourra nous rapprocher dans le futur. S'il ne fallait que ça pour le rendre de bonne humeur, je serais heureuse de lui apporter des plats et lui éviter ainsi de sortir faire face au monde. Parce que maintenant qu'il me l'avouait, une bonne partie de ses réactions prirent sens. Sa peur du café devint tellement logique, mais je ne savais pas quoi répondre. Que pouvais-je faire pour l'aider à surmonter ça ? Quelles conséquences cela avait sur sa vie ? Qu'avait-il pu se passer pour que ça lui arrive ? Et cet événement sinistre, cela n'avait-il pas empiré sa phobie ? « Si ça peut vous aider, je le ferais. J'appellerai un réparateur dès que je serais de retour à l'immeuble. » Je ne savais pas trop quoi dire, alors je me contentai de manger ma tarte en silence. Il allait falloir que je fasse des recherches sur le sujet, je ne voulais pas le mettre dans des situations stressantes sur une simple gaffe. Ou je pouvais lui poser des questions, peut-être, c'était une autre solution. Mais pas aujourd'hui, il y avait eu assez de révélations comme ça et j'avais besoin de réfléchir à tout ça seule pour mieux comprendre ce qu'il s'était passé. Surtout, vue ma première gaffe, il ne servait à rien d'en rajouter et il valait mieux que je m'explique plutôt que de m'enfoncer dans les embrouilles. Je lui décrivis la situation du mieux que je pouvais, espérant grandement qu'il ne le prendrait pas mal. J'attendis le verdict avec une nouvelle pointe de peur, mais Caëlan fut beaucoup plus calme que je ne le pensais. Je me sentis soudain stupide de ne pas avoir été vers lui plus tôt. Dire que toute cette histoire aurait pu se passer calmement à l'immeuble, sans oublier que je n'avais pas besoin de garder de secret finalement. « Bien sûr que je vous le dirais si j'apprends qu'il a des problèmes. Je l'aime bien et je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose. » C'était même un soulagement de savoir que je pouvais venir vers lui sans avoir peur de faire une bêtise. Maintenant qu'il était au courant, tout allait être beaucoup plus simple, là-dessus en tout cas. « Désolée pour ça, je ne sais pas ce qu'il m'a prit. Je ne suis pas aussi sur la défensive normalement, mais ce n'était pas un bon jour. » J'avais eu l'impression qu'il faisait référence à notre dernière rencontre explosive et je n'étais pas fière de moi. Je savais que j'étais en parti responsable de notre dispute et je m'en voulais. Mais je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre, une infirmière vint me prévenir qu'il était temps que je parte. Je le regardai Caëlan, contente d'avoir franchi le pas malgré mes peur stupides. « Ça me ferait très plaisir. Prévenez-moi, pardon, préviens-moi quand tu seras sortis. Prends soin de toi. » C'était tellement étrange de le tutoyer, mais ce n'était pas un mauvais sentiment. Je lui fis un dernier sourire avant d'attraper mon sac et de le laisser se reposer. Qu'est-ce que ça faisait du bien de parler !