Décidemment, les Jones ne pouvaient reprendre leur souffle. Dès qu’Holden pensait que tout allait revenir à la normale, que les drames et scandales étaient enfin terminés, quelque chose d’inattendu se passait. Le dernier en date avait été révélée par un simple sms dans lequel Jane lui avouait une énième agression. Si celle causée par Joan l’avait surtout mis dans une grande colère, celle-ci l’avait plongé dans un effroi total. Les poings d’une ex-femme avaient fait place à un homme dérangé armé d’une machette. Une fois plus d’informations en main et rassuré quant à la santé de sa femme, il en revenait pas que sa femme lui avouait ça par un simple sms !!! Un jour il allait faire une crise cardiaque au volant ou autre situation périlleuse et ce sera de la faute de sa famille et de leur désinvolture !!! Les jours qui avaient suivis, Holden avait été aux petits soins auprès de sa femme, sans grande surprise. Leurs soucis conjugaux enfin résolus (même si Holden n’avait certainement pas oublié ce qui c’était passé), s’assurer de son bien-être était revenu son souci principal. Jane avait beau lui avoir promis de ne plus jamais recommencer un tel écart de conduite, Holden ne souhaitait pas non plus lui donner de raison de se détourner de lui car il avait également eu sa part de responsabilité dans toute cette histoire. Et ces derniers jours, ses insécurités avaient refait surface. Ce n’était pas tant que Jane se tenait à l’écart de lui ou qu’elle semblait malheureuse, mais il y avait quelque chose qui le faisait tiquer. C’était subtil, mais c’était là, et Holden ne pouvait pas s’empêcher de se monter la tête. Et avec ce qu’il avait subit, c’était tout à fait légitime ! Ce matin même par exemple, elle avait subitement quitté le lit sans une explication. Holden s’était inquiété, pensant qu’elle était malade, mais à son retour Jane avait nié tout problème. Holden avait laissé couler mais il n’était pas dupe tout de même. Ça le laissait mal à l’aise et encore une fois son esprit allait dans tous les sens pour trouver une explication logique. La dernière en date, appuyée par l’évènement de ce matin, était que Jane lui cachait une grave maladie. Autant dire que ça n’allait pas du tout. Holden était dans la cuisine, mâchouillant un toast qui ne semblait avoir aucun goût alors qu’il observait sa femme, muette devant sa tasse de café. Holden se coachait mentalement à ouvrir la conversation et trouver une bonne manière d’attraper le sujet. Il interpella son nom une fois. Puis deux. « Jane ! » répéta-t-il plus fort, attirant enfin son attention.  « Qu’est-ce qui va pas ? ». Autant ne pas tourner autour du pot finalement.

Quelque part dans un coin de son esprit qui n’était pas occupé par l’inquiétude et l’appréhension, Holden ressentait du soulagement. Soulagement de voir qu’ils avaient avancés elle et lui. Car Jane aurait pu nier que quelque chose n’allait pas, malgré le fait que le contraire était évident. Balayer sa remarque d’un geste de la main et prétendre aurait pu être sa réaction. Au contraire, elle ne niait pas. Jane avait l’air complètement figée, incertaine quant à la suite de la procédure, et Holden était pendu à ses lèvres, attendant avec une angoisse croissante qu’elle lui dise ce qu’elle avait sur le cœur. Après quelques lourdes secondes de silence, Jane avoua ne pas savoir comment annoncer la nouvelle et Holden dû agripper le bord de la table pour se préparer à la suite. Ca devait être la maladie. Quelque chose de tragique et d’incurable qui allait encore les détruire un petit peu. Holden la suivi du regard lorsqu’elle se leva pour vider son mug de café dans l’évier, prenant sur lui pour ne pas la presser et lui faire avouer plus rapidement. Sa prochaine phrase le laissa un peu pantois, comme s’il avait loupé une conversation entière et reprenait juste conscience au milieu d’une phrase. Le contexte venait subitement de changer et Holden ne savait pas comment prendre cette anecdote. Il se contenta de hausser les épaules d’un air confus. Il ne voyait vraiment pas le rapport. Peut être était-ce une remarque anodine, quelque chose dont Jane avait besoin pour détendre l’atmosphère avant de se lancer dans un sujet grave. Holden n’était cependant pas certains de pouvoir la laisser tourner autour du pot bien longtemps. Puis Jane continua, et dans une réalisation lente et douloureuse, Holden compris le lien de causalité. Le début de sa phrase confirmait son idée de base. « Trouver quelque chose » était souvent suivi d’une sorte de tumeur ou autre maladie tout aussi dévastatrice. Il l’avait tant anticipé que la surprise n’en fut que mince, tandis que l’effroi le glaçait de la tête au pied. Mais ce fut de courte durée, car la fin de la phrase…la fin de la phrase ! Il n’y avait pas d’autres interprétations possibles et pourtant, Holden les cherchait toutes. Mais trop vieux, où ils étaient trop vieux pour ce qu’elle insinuait. 20 ans….20 ans après Grace, celle qu’ils avaient jurés être la dernière ! Et évidemment ! Ils avaient assez d’enfants comme ça ! Alors bien sur que des femmes plus âgées avaient pris le risque d’enfanter, et que des hommes bien plus vieux que lui s’étaient retrouvés pères puisque la reproduction masculine brave le temps plus efficacement que celle des femmes, mais tout de même ! Holden était grand-père maintenant, tous ses enfants étaient grands et faisaient leurs vies, il n’était pas prêt à se retrouver avec un bébé sur les bras de nouveau ! Holden se laissa tomber sur une chaise, sa main droite passant lourdement sur son visage. « Tu es enceinte ? » demanda-t-il bêtement en levant le regard sur Jane. Il avait besoin de l’entendre le confirmer. Et comment cela avait-il pu arriver ? C’était presque hilarant en sachant qu’il n’y a pas si longtemps sa femme lui reprochait leur manque d’activité sexuelle. Avaient-ils pu être aussi imprudents ? Ce n’était pas comme s’ils étaient dans leur trentaine et que la chose aurait pu être une agréable surprise, non ! Il y avait de vrais conséquences au fait d’avoir une grossesse à cet âge ! De dangereuses conséquences ! Mon Dieu, cette famille n’allait donc jamais cesser d’être confronté à l’inattendu !

L
a phase de soulagement laissa bien vite place à une tout autre panique. Celle qui se confond avec anticipation et qui perplexe. Dans l’absolu, ce n’était pas un réel problème. Tous les deux étaient en bonne santé et soutenu par des apports financiers régulier et conséquent. D’un point de vue logistique, ce n’était pas une catastrophe. Mais il fallait quand même remettre les choses dans leur contexte !!! Un bébé. Jane avait raison, ce n’était pas naturel, et il se retrouvait à hocher bêtement de la tête suite à ses mots, incapable de trouver une réponse appropriée. Dans un flash de pensée, Holden imagina annoncer la nouvelle à ses enfants (ses enfants adultes !!!!) et la scène qui se dessina devant les yeux lui fit les fermer un instant. Mon Dieu, ils n’allaient pas être contents. Ils allaient sans doute les traiter d’irresponsables et clamer haut et fort la bizarrerie de la chose. Holden n’était pas du genre à se soucier de l’opinion d’autrui, si bien que l’étiquette de géniteur de huit enfants qui allait lui coller à la peau ne le dérangeait pas plus que ça. Il aimait ces gosses, et si on le prenait pour un fanatique religieux qui n’a jamais entendu parler de la contraception, alors tant pis. Non, ce qui le souciait était cette grossesse en elle-même et les dangers que cela pouvait représenter pour Jane et ce bébé. Approcher la cinquantaine et devoir s’occuper d’un enfant handicapé pourrait être le pire des cas, et était-ce vraiment une vie à forcer sur toute sa famille ? Mais en même temps, quelle solution avait-il ? L’avortement ? La chose laissait un goût amer dans la bouche d’Holden et cela n’avait rien à voir avec de quelconques convictions, c’était juste….son enfant, quoi. Cependant, il allait sans dire que si Jane décidait d’opter pour sortie de secours, Holden lui apporterait tout son soutient. « Je ne sais pas Jane » finit-il par dire dans un long soupir. « C’est…. » mais il n’arriva pas à finir. Un silence s’installa, brisé par une remarque de Jane qui révolta de suite son mari. « Non » dit-il en s’approchant d’elle, glissant une main contre sa joue. « Non, ce n’est pas une punition, voyons ». Ça ne pouvait pas l’être. Un bébé est un cadeau du ciel, peu importe comment et quand il arrive. Holden estimait cette sale histoire d’adultère derrière eux. Jane avait payé pour ce qu’elle avait fait. Il n’avait pas été tendre avec elle, même s’il aurait eu pleinement le droit de se comporter de manière bien pire. « Ne le vois pas comme ça Jane » supplia-t-il à moitié. Si ce bébé venait à être, Holden ne souhaitait pas que Jane conserve quelconque ressentiment envers lui. Plus il y pensait et plus Holden se demandait comment cet enfant allait pouvoir grandir de manière stable. Ce n’est pas tant qu’ils étaient tous les deux à la moitié de leur vie, mais entouré d’adultes ? Les seules personnes de son âge n’étant pas censées se trouver dans la même génération ? Ça allait être très très particulier. « Qu’est ce que tu veux faire, Jane ? » souffla-t-il après quelques moments de silence, presque inquiet de poser la question mais sachant qu’il fallait passer par là avant de pouvoir avancer dans la conversation.

Holden posa une main sur celle de sa femme, y exerçant une pression alors que cette dernière répondait expliquait sa vision de la chose. S’il l’écoutait, Holden n’était tout de même pas d’accord avec son discours. Il comprenait pourquoi cette grossesse pouvait paraître comme une malédiction à ses yeux, mais lui ne pouvait s’y résoudre. Sans doute elle aussi, une fois le choc passé, réaliserait son erreur. En attendant, Holden allait devoir la jouer fine, supporter sa femme le mieux possible dans ce nouvel évènement qui venait secouer la famille Jones. « Je ne sais pas Jane » répondit-il à défaut de pouvoir dire autre chose. Pourquoi ça leur tombait dessus ? Il n’en avait pas la moindre idée. Ils n’étaient pourtant pas de mauvaises personnes, mais encore une fois Holden ne pouvait se résoudre à considérer ce bébé comme une punition, comme un fardeau. Holden ne s’était pas attendu à ce que Jane réponde immédiatement à sa question délicate. C’était une décision particulièrement difficile qui s’offrait à eux et une qu’Holden ne pouvait espérer influencer. C’était Jane qui avait le futur de leur famille entre les mains. Comment pouvait-il en être autrement ? Holden ne pouvait se permettre de prendre cette décision, de forcer sa femme à aller au bout de cette grossesse si chaque seconde allait être insupportable. Personne n’y gagnerait. Holden ne savait pas ce qui était le mieux non plus, mais il savait définitivement quelle option lui nouait l’estomac. Après quelques minutes de silence, Jane parla enfin et rejoint sa pensée. Holden porta sa main à sa bouche pour y déposer un baiser, le soulagement lourd sur sa poitrine. Elle avait raison. Holden ne s’était pas démonté en sachant que Joan était enceinte alors qu’il n’était même pas majeur. Certes grâce à ses parents il avait toujours eu une situation stable, même à l’époque, mais en arriver à un acte aussi extrême alors que seul leur âge posait un problème ? Non, ça lui restait en travers de la gorge. Mais il fallait maintenant rester réaliste et accepter la chose pour ce qu’elle était : un gros défi. Pas la parenté en elle tant que telle. Il avait de l’expérience en la matière, mais malgré tout la perspective de replonger dans les couches, les biberons, la petite école et tout ce qui va avec à son âge était particulièrement bizarre. « Ça va aller » glissa-t-il à sa femme, plus pour se rassurer lui-même qu’autre chose. Pour se convaincre. « Tu veux qu’on le dise aux enfants ? » demanda-t-il prudemment. Bien sur qu’ils allaient le dire aux enfants, ça allait être dur à cacher au bout d’un moment ! Mais rien ne les forçait à annoncer la nouvelle tout de suite. Il fallait déjà qu’eux se fassent à l’idée. Qu’ils se préparent. Qu’ils planifient.

Jane avait raison, bien sur qu’elle avait raison ! Le dire aux enfants était une évidence, mais Holden en lâche qu’il était aurait bien aimé retarder l’annonce. Il se sentait pris au dépourvu en anticipant la révélation. Pour être honnête, Holden était terrifié d’avoir un retour négatif de la part de ses autres enfants. De toute manière Jane et lui venaient de décider de garder ce bébé et leurs protestations ne changeront pas ce fait, mais tout de même. C’est le genre d’événement qui nécessite le soutient de toute une famille. Holden ne pensait pas que ses enfants soient capables d’être ouvertement hostiles face à l’idée d’avoir un nouveau petit frère ou petite sœur, mais ce n’est pas pour autant qu’ils allaient être ravis. Ils avaient quand même des petits enfants plus vieux que ce futur bébé ! C’était un concept tellement étrange à intégrer. « a quelques mois devant nous avant que ça devienne impossible à cacher » tenta-t-il à demi-voix, à peine convaincu lui-même. Outre le ventre de Jane, la nervosité qu’Holden était sur de transporter pendant les neuf prochains mois allait être dure à dissimuler. D’autant plus qu’il était assez peu capable de garder un secret à ses enfants. Un regard de Lullaby et il allait plier comme du papier. Non, autant ne pas leur cacher, ça ne pourrait qu’empirer les choses. Jane proposa le repas de Noël et Holden esquissa une grimace. « C’est pas faux » répondit-il. En effet, ça leur évitait de les rassembler eux-mêmes, les faisant paniquer en imaginant quelle grande nouvelle leur parent allait leur annoncer. L’esprit de Noël pouvait aussi jouer en leur faveur, mais Holden restait septiques. « Ou alors on va ruiner leur soirée » ne put-il s’empêcher d’ajouter, imaginant déjà la dinde voler et les cris fuser. Surtout que chaque réunion de famille semblait se terminer par une annonce quelconque de la part d’un des membres de leur famille. D’ici là que quelqu’un d’autre ait une grande nouvelle à annoncer et que lui et Jane plombe l’ambiance…mon Dieu, ça allait être horrible. « Non, tu as raison, mieux vaut leur dire et se débarrasser de ça. Ils auront du temps pour se faire à l’idée au moins » repris-t-il après un long soupir. Holden devait se calmer et ne pas craindre autant l’avis de ses enfants ! Il était leur père nom de Dieu ! S’il décidait d’avoir un nouvel enfant c’était son problème et pas le leurs ! Après tout, ça n’allait pas changer leur vie puisque la majorité d’entre eux ne vivaient même plus à la maison ! Et ceux qui y restent, et bien ils feront avec ! De toute manière, Holden ne doutait pas qu’une fois le bébé arrivé, les mœurs se calmeraient automatiquement. On ne peut pas en vouloir à un être aussi innocent. C’est seulement les longs mois de grossesse qui allaient avoir le potentiel d’être très désagréables.