Je devais apprendre à vivre avec cette perte. Les premiers jours à la suite de la mort de mon fils, tout me semblait véritablement impossible. Comment pouvais-je me sentir capable d’avancer après une telle perte. Néanmoins je voulais me montrer forte. Je continuais à faire des choses et je me plongeais un peu plus dans le travail. Pour le coup, mon projet de court métrage avait fait un grand bon en avant. J’avais pris la décision de ne plus attendre Patrick Forwood. Sa prétention n’avait d’égal que lui-même et je ressentais le besoin de passer outre lui pour avancer. Je n’acceptais plus que le projet se retrouve bloqué uniquement par son refus idiot. Installée dans mon studio, je n’avais cependant toujours pas le courage de jeter les affaires de mon fils. Cette image du landau dans un coin de mon espace nuit m’était difficile mais je n’avais pas encore le courage de le démonter et le mettre à la cave. Rester dans mon appartement m’était de manière générale difficile ce qui expliquait que je passais la majorité de mon temps dehors. Je m’en voulais d’une certaine manière car je négligeais énormément Chucky, mon perroquet. Il allait falloir que je trouve une solution car il était entrain de déprimer et commençait à s’arracher les plumes, chose que je ne souhaitais pas. Je ne voulais pas le rendre malheureux, il ne méritait pas cela.

M’occupant d’ailleurs de lui, je reçue un message dans la matinée de la part d’Avery. C’était une amie actrice à moi qui vivait une grossesse en même temps que moi. Enfin, c’était avant mon IMG. Je lui avais envoyé un sms pour lui annoncer la nouvelle mais je n’avais pas eu le courage de lui parler depuis. A vrai dire, j’avais parlé à peu de personne depuis la fin tragique de ma grossesse. Cependant j’avais conscience que je ne pouvais pas vivre une éternité isolée de tout le monde. Bien que cela me semblait difficile, à la limite de l’impossible, je devais apprendre à vivre à nouveau, continuer à vivre. « Oui, cela sera cool. » Je me forçais dans mon message. Une partie de moi ne voulait voir personne mais je refusais cela. Je refusais de me laisser abattre et peut-être qu’avec un peu de chance j’arriverais à ne pas trop me forcer, à ne pas penser à mon fils. Je ne savais d’ailleurs pas si voir mon amie enceinte allait être difficile. Je sentais que cela ne serait pas aisée à supporter mais je devais tenter et tenir bon. Je refusais d’être faible.

Me préparant environ une heure avant de devoir partir, je restais dans la simplicité avec un jean et un large pull bleu difforme. Mes cheveux étaient attachés en un chignon trop négligé et j’avais trouvé le courage de mettre du baume à lèvre coloré pour la forme. Quittant mon appartement en claquant la porte, j’avais promis à Chucky de revenir tôt. Il était d’un grand soutien pour moi et je m’en voulais de le négliger autant. Je décidais de marcher jusqu’au lieu de rendez-vous qui n’était pas très loin en finalité. Arrivant finalement, je me sentais nerveuse à l’idée de revoir Avery. Ouvrant la porte du petit café, je vis la jeune femme me faire un large signe avec des sourires. Une envie de prendre la fuite m’empara. L’idée de voir la jeune femme encore enceinte me semblait trop difficile à supporter. Mais je pris une grande inspiration, essayant de sourire du mieux que je pouvais avant de m’approcher enfin de la table où était assise mon amie. Je gardais à l’esprit qu’elle était avant tout une amie avant d’être une femme enceinte.

M’installant en face de la belle brune, je gardais le sourire comme je le pouvais. Elle me demanda alors comment j’allais et je détournais immédiatement le regard. Il était clair que je n’avais pas envie de répondre à cette question mais je ne pouvais pas laisser mon amie sans réponse. « J’ai connu des meilleures périodes. » finis-je simplement par lui répondre. Je trouvais ma réponse comme un excellent mixte entre l’évasion et la réponse. Le serveur arriva à notre hauteur pour nous demander ce que nous voulions. « Je souhaiterais prendre un chocolat chaud et un fondant au chocolat, s’il vous plait. » Je replaçais une mèche de mes cheveux derrière l’oreille avant de me réinstaller mieux sur ma chaise pendant que mon amie passait commande. « Et toi ? comment te sens-tu ? Ton dos ne te fait pas trop mal ? » J’avais en effet le souvenir qu’elle avait très mal au niveau du dos et je savais que ce n’était pas facile au quotidien ce genre de douleur.

Une nouvelle page de ma vie se tournait. Je m’étais préparer à cela, je m’étais préparer à ce qu’une nouvelle vie se présente à moi mais jamais je n’aurais cru que cela serait cette vie que se présenterait à moi. Je m’étais préparer à recevoir mon enfant, je m’étais préparer à devenir mère et tout cela s’était envolé. J’étais une mère bien entendu, mais une mère sans enfant qui devait apprendre à vivre avec ce sentiment de vide. Je ne m’étais pas préparée à cela, on ne nous préparait pas à cela. C’était difficile de franchir le cap mais je m’étais promise d’être assez forte pour cela. Je me devais de vivre pour mon fils.

J’avais naturellement pris des nouvelles de mon amie car je préférais parler d’elle plutôt que de moi. J’avais moi aussi connu ses douleurs mais je ne voulais pas y penser. Surfant sur des sites comme des forums de discussion, j’avais pu discuter de ce qui m’étais arrivée avec des femmes qui avaient la même chose que moi et elles m’avaient mises en garde. Je ne devais pas envier mes amies, je ne devais pas nier ma douleur mais pour autant je ne devais pas être en colère envers mes amies pour avoir encore leur enfant. Je prenais ces conseils au sérieux.

Remerciant du regard le serveur, je soufflais sur mon chocolat bien trop chaud alors qu’elle me demandait des nouvelles sur mon projet. « On peut dire que pour le coup, oui cela avance. » Je passais la majorité de mon temps sur ce projet pour me vider la tête. « Le tournage devrait commencer dans quelques semaines. Tu veux vraiment jouer dedans ? » dis-je dans un léger rire. Je ne me moquais pas du tout mais je savais que mon amie était habituée à des plus gros budgets qu’un simple court métrage. D’une certaine manière ma réflexion était assez idiote vu que j’harcelais un acteur oscarisé pour qu’il joue dans mon court métrage.

Buvant une gorgée de mon chocolat après avoir avalé un morceau de fondant au chocolat. Elle m’avoua que je pouvais lui parler qu’elle était là pour moi. Baissant le regard, je n’osais pas vraiment la regarder. Je pris cependant une grande inspiration en posant mon regard sur la belle brune. « Tu sais, je t’adore, mais… tu ne peux pas vraiment comprendre ce que je vis et je souhaite sincèrement que tu ne comprennes pas ma douleur. » Je pris la main de la jeune femme pour la lui serrer. « J’ai rejoins une sorte de groupe de parole qui m’aide car je suis entourée de femmes qui ont vécus la même chose. » Je fis une pause en retirant ma main. « Maintenant, tu es une de mes plus proches amies et tu as besoin de tes amis. Je serais aussi là pour toi. Je me suis promise que je serais forte car je ne dois pas me couper de tout et plus que cela, je dois continuer à vivre… pour lui. » J’espérais qu’elle puisse comprendre ce que je voulais lui dire.

Parler de mon travail me faisait du bien. Lorsque l’on vivait une chose, il était bien connu que se concentrer sur le boulot était une chose qui marchait et c’était vrai, je me sentais mieux en me concentrant sur mon travail. C’était dans ce genre de moment, que j’arrivais vraiment à vider la tête car je me mettais toujours à la place des personnages que je créais. D’une certaine manière, je n’étais plus moi mais bien le personnage que je faisais grandir, avancer, et c’était une chose vraiment qui faisait du bien moralement.

« Et bien tu sais, c’est sur ma vie et mon enfance. » J’eu un léger sourire nostalgique. J’arrivais enfin à être nostalgique malgré le fait que le sujet principal de mon cours métrage était sans nul doute sur l’abandon de mon père que je n’avais jamais accepté ni supporté. Il n’y avait pas besoin de femme enceinte mais cela pouvait être une bonne reprise pour la jeune femme. Après tout, il y avait de forte chance que le projet ne débute pas avant son accouchement. « Tu seras toujours la bien venue sur mon plateau. » dis-je avec un large sourire. Et c’était sincère tout comme sourire que je n’avais pas eu plus franc depuis un long moment.

Lorsque le sujet dériva vers quelque chose encore bien trop douloureux pour moi, je reconnu que je me sentis nettement moins à l’aise. Mais je savais également que je devais apprendre à vivre avec ce genre de question, surtout dans les prochains mois. Si cela pouvait apparaître pour du voyeurisme malsain, je savais que certain avait la réelle envie de me venir en aide. C’est pourquoi je me forçais à expliquer calmement les choses et plus particulièrement le fait qu’une personne n’ayant pas connu ce que je vivais ne pouvait pas comprendre, et cela même avec les meilleures intentions du monde. « Je te remercier pour ta prévenance, Avery. » Je lui fis un sourire difficile mais qui était là.

J’avais conscience de la chance que j’avais de la compter parmi mes amis. Lorsqu’elle m’avoue me trouver incroyablement forte, et qu’il serait fière de moi, je sentis l’émotion m’envahir et je fis en sorte de ravaler le tout et j’eu un hochement d’épaule. « Je n’ai pas vraiment le choix. » Et c’était bien la vérité, je n’avais pas le choix. J’aurais tellement aimé me montrer plus forte d’une autre manière. Par la suite, elle m’invita à sa fête prénatale. Un instant, je baissais le regard avant de prendre une grande inspiration. « Je serais heureuse de venir à ta fête. » Je lui fis un fin sourire. « Je ne dois pas m’arrêter de vivre. C’est une chose que l’on m’apprend. Cela ne sera pas facile, mais je dois continuer. » Je bu une longue gorgée de ma boisson afin de reprendre de la contenance. « Tu as fais une liste de naissance ? » Il était toujours de tradition d'offrir un cadeau dans ce genre de fête et je ne contentais pas déroger à cette règle.

Face à ce que je vivais, j’avais rapidement compris que je ne pouvais pas avoir d’orgueil de vouloir me sortir de cette situation seule car je savais tout simplement que c’était impossible. Je n’étais même pas certaine qu’il était possible de sortir de cette situation, cependant, je devais accepter de l’aide, je ne pouvais pas faire autrement si je voulais tout simplement survivre. Cependant, pourquoi survivre ? Je m’étais posée la question sur l’intérêt de survivre puis cela m’était apparu comme une évidence, je devais vivre, vivre pour faire survivre le souvenir de mon enfant, pour le faire vivre à travers les souvenirs et l’amour que je continuerais à lui porter jusqu’à ma mort. Avec ma mort, l’amour que connaît mon fils viendrait à disparaître et cette idée m’était tout simplement insupportable. Alors je m’accrochais à cette bouée, parfois je la perdais et commençais à me noyer, mais je finissais par la récupérer et réussir à retrouver ma respiration. Je savais que je ne venais que de débuter ce voyage difficile mais je comptais tenir pour mon fils. Dans ce voyage, je savais que je pouvais compter sur ma famille et mes amis. Il était important pour moi de garder ce contact avec eux, ils me permettaient de conserver un contact avec la réalité et c’était réellement bénéfique pour moi. Je le savais même si c’était parfois dur comme avec Avery en raison des circonstances tellement particulières. Nous avions vécu une grossesse ensemble et il m’était difficile de la voir enceinte avec un enfant vivant alors que je n’avais plus cela.

Je sentais qu’Avery faisait tout pour se montrer prévenante avec moi. J’étais reconnaissante envers la jeune femme pour ce qu’elle faisait. Elle essayait, même si il était difficile de trouver la manière la plus adéquate, elle essayait et c’était quelque chose de précieux pour moi. Elle essayait ainsi de me distraire en parlant de mon court métrage. Elle me demanda alors naturellement à voir le script et j’eu un sourire quelque peu fière. Je devais avouer que j’étais relativement fière de ce long travail qui avait été récompensé par les professionnels. « Je te l’enverrais par courrier. » Répondis-je finalement. Il était vrai que je me devais de lui montrer. Après tout, elle était du métier, même si ce n’était pas le même que le mien. Au fond de moi, je ne savais pas si il allait s’agir là de notre première collaboration mais j’espérais au fond de moi qu’un jour cette collaboration finirait par arriver car travailler avec une équipe que l’on apprécie et que l’on estime était une chose exceptionnelle à mon avis.

Avery avoua ensuite son désir de faire une babyshower, je ne pouvais pas lui en vouloir. Elle avait même raison de fêter cela. Car si pour moi, cela n’avait pas été un événement heureux, c’était toujours le cas pour Avery et cela devait le rester. Je ne savais pas si j’allais être capable ou non de tenir bon, de rester durant toute la durée de la fête, mais je voulais me faire violence, je voulais faire cet effort pour mon ami. Et de plus, je savais que je ne pouvais pas fuir ce genre d’événement toute ma vie. Demandant si elle avait ouvert une liste de naissance, Avery m’avoua avoir tout. Un cadeau, c’était certain qu’elle et son bout de chou allaient en avoir un, mais je le trouverais seul si besoin. J’eu un rire à la suite de ce que pu dire Avery. Il était tellement tentant de gâter un petit bébé que je pouvais parfaitement comprendre. Moi-même, j’avais gâté mon fils avant que tout ne bascule. Encore aujourd’hui, j’avais encore beaucoup trop d’affaire encore à lui mais c’était difficile pour moi de m’en séparer. « Je ne sais pas trop. » dis-je avec un léger sourire. « Je ne sais pas ce que tu as. Tu as un tire-lait ? » demandais-je finalement.

HS : désolé je ne fais rien avancer

Avery rigolait et semblait gênée à l’idée du tire-lait. Cela me fit sourire doucement. « Tu sais c’est le genre de chose classique que l’on trouve sur une liste de naissance comme un panier de lange enfin tous les trucs que tu peux avoir besoin pour l’arrivée de ton bébé sans que tu les achètes toi. » Je savais qu’Avery n’avait pas des problèmes d’argent et je ne m’inquiétais pas pour cela. D’ailleurs, j’avais une autre idée en tête si elle ne souhaitait pas faire de liste de naissance. « Tu peux aussi faire une cagnotte et en faire don après. » dis-je avec un léger sourire. Pour ma part, je n’avais pas eu le temps de préparer ma fête prénatale. C’était peut être pour cela qu’il me semblait envisageable d’assister à cette fête. Je dois bien avouer que je n’en ai absolument aucune idée. Il m’était difficile de me jauger, j’étais relativement versatile depuis le décès de mon fils.

Mais Avery semblait enchantée par l’idée de la liste et ajoutait un stérilisateur pour biberon. J’eu un mouvement affirmatif de la tête, c’était en effet très nécessaire. Je ne savais pas encore ce que j’allais lui offrir. Au fond de moi je me sentais gênée de posséder certains objets pouvant lui être utile comme le stérilisateur qui ne me servirait pas, mais d’un autre, c’était à mon fils et je ne me sentais pas capable de donner à qui que ce soit. Buvant une gorgée de ma boisson pour rechercher du réconfort et peut être une réponse à mes inquiétudes, à mes questions, je faillis m’étouffant en écoutant la question de mon ami. Je repris difficilement ma respiration en toussotant.

D’un mouvement négatif de la tête, j’eu un mouvement négatif de la tête. « Tu sais, ce n’est pas mon genre d’avoir une relation stable. » J’eu un haussement d’épaule. Je n’avais jamais eu de relation amoureuse dans la durée et même le père de mon fils n’avait été un coup d’un soir dont j’ignorais même le prénom. Bon je reconnais, cela n’avait pas été classe mais cela m’avait offert un magnifique cadeau arraché trop vite. « Je ne sors plus vraiment ces derniers temps. Je crois ne pas être capable pour l’instant être capable de quoi que ce soit. J’essaye de me concentrer sur moi, de travailler sur moi pour aller mieux. » Je baissais le regard avec un soupire. Je devais apprendre à être heureuse dans un premier temps avant d’envisager quoi que ce soit. Cela pouvait apparaître comme une erreur mais cela me semblait important de réussir à avancer seule dans cette épreuve, enfin j’entend sentimentalement.