Au moment où Summer me demanda si j’étais proche de mon paternel, je me contentai de hocher positivement la tête, me disant que c’était suffisant pour répondre à la question, sans parler du fait que je jugeais préférable de ne pas m’étaler sur la question. Non pas parce que c’était faux, bien au contraire; en huit ans, j’avais été plus proche de mon père que je ne l’avais été de ma mère en vingt-neuf ans, bientôt trente. Il fallait le faire quand même, hein ? Cependant, je l’assumais parfaitement, comme j’assumais le fait que jamais je n’aurais voulu le perdre, bien que la vie en avait décidé autrement. Malheureusement, contrairement à ce que j’avais pensé, mon silence jeta un léger malaise, ou du moins, ce fut ce que je compris lorsque ma cousine s’excusa de ses questionnements. Dans un doux sourire, espérant la rassurer pour le coup, je dis:  « Ce n’est pas grave, ne t’en fais surtout pas. » Après tout, ça faisait vingt ans que j’avais perdu mon paternel, sans parler du fait que j’avais vécu mon lot de trucs après cela, ces trucs que je gardais pour moi par contre, parce que même si pour sûr, tout allait mieux, je ne me sentais pas encore totalement prête à partager le tout. Je ne voulais quand même pas traumatiser Summer ainsi, surtout qu’elle avait bien d’autres choses à apprendre avant cela à mon avis, par exemple la relation entre Piper et son frère. Cette question, il fallait l’avouer, était un peu plus délicate, parce que même si je connaissais ma tante et mon père, ça faisait longtemps que je ne les avais pas vu interagir et par conséquent, je pouvais que me baser sur ce que je savais des relations de mon père avec sa famille. Par conséquent, ce fut ce qui inspira ma réponse qui s’articula ainsi :  « Sûrement… Je ne sais pas trop, pour tout dire. Je n’avais que huit ans quand il est décédé, et tout ce que ma mère m’a dit des relations de mon père avait sa famille, c’était qu’il était un peu le vilain petit canard du groupe… » Et tout ça pour quoi ? Parce qu’il était alcoolique, et que c’était cette tare qui avait eu raison de lui au final. Cependant, j’avais l’impression que ce n’était pas entièrement sombre, concernant ma tante, alors je me permis de me montrer un peu plus optimiste en affirmant dans un haussement d’épaules:  « Mais je suppose qu’elle devait bien l’aimer, quand même. C’est son frère, et elle ne m’a pas complètement rejeté, donc… » Un nouveau sourire apparut sur mon visage suite à cette réponse, qu’importe si elle était maladroite ou non, et progressivement, ce sourire transforma en un petit rire quand Summer vint à parler du fait que sa famille était… peu conventionnelle. Ne voulant et ne pouvant pas me prononcer, je me contentai de dire:  « J’en ai eu vent oui… » sans mentionner ce qui s’était passé quand j’avais revu Carter qui était bien représentatif de ce manque de normalité; se faire attaquer au ketchup, ce n’était pas rien quand même. En revanche, c’était maintenant chose du passé, et je ne pouvais qu’en rire, puis profiter pleinement de la conversation en demandant à mon tour:  « Mais je suppose que tant que vous vous aimez tous, que ce soit une famille normale ou pas, ce n’est pas grave, je me trompe ? » parce que c’était ce que je pensais au fond, mais aussi, je voulais voir comment Summer allait réagir, histoire de voir un peu quelle était sa pensée par rapport à tout cela.

J’aurais très bien pu me montrer jalouse du fait que Summer disait être bien avec sa famille, être heureuse malgré la complexité de formation de celle-ci, mais parce que ce n’était pas dans ma nature, étant d’avis que ce n’était que pure méchanceté et que c’était complètement inutile, je ne le fis pas. À la place, je préférai me montrer contente pour elle, trouvant tout simplement super qu’elle soit aussi heureuse. Tout ce que je pouvais espérer maintenant, c’était que moi aussi, à un moment ou un autre, je puisse ne serait-ce que profiter un peu de cet esprit de me famille qui me manquait terriblement à présent. Au cours des dernières années, je ne m’en étais jamais vraiment rendu compte, raison étant que soit je me disais que j’avais mon mari, qu’importe les difficultés, soit j’étais plongée dans une telle torpeur que je pensais que personne ne pourrait me procurer ne serait-ce qu’un peu de bonheur. À présent sur un nouveau départ, avec de nouveaux objectifs, je croisais les doigts pour que je puisse ne serait-ce que reconnecter un peu avec la famille de mon paternel, ou bien dans le cas de Summer, apprendre à la connaître, voire même éventuellement la considérer comme une cousine pour vrai. J’étais bien consciente que nous n’en étions pas là, nous avions encore pas mal de chemin à faire, mais j’avais le sentiment à présent que nous étions dans la bonne direction pour établir quelque chose de bien entre nous. Et puis, les propos qu’elle tint à la fin de son discours ne firent que le confirmer. Plus que ça, ils m’arrachèrent un sourire ravi qui resta sur mes lèvres tandis que je lui répondais :  « Merci… C’est la même pour moi. » Je ne m’étais pas étalée avec des explications interminables parce que non seulement, je jugeais qu’elles n’avaient pas lieu d’être mais de plus, je n’aurais pas su quoi dire de plus. Je me rendais compte qu’en plus d’être contente des propos tenus par la demoiselle, je m’en montrais limite touchée. Après, je me doutais bien que si elle, elle n’avait pas voulu de moi dans sa demeure, ma tante s’en serait chargé et je n’aurais pas eu d’ennuis, mais je préférais de loin être acceptée de tous plutôt que d’être rejetée comme mon père l’avait probablement été une fois de temps à autre. Après tout, ils étaient environ la seule famille qui me restait, sauf si un jour, j’avais la chance d’une famille à moi, mais encore là, rien ni personne ne saurait les remplacer à mes yeux. Bien contente de la tournure de cette rencontre au final, j’aurais très bien pu quitter l’esprit en paix à partir de ce moment, mais je fus soudainement prise de court au moment où Summer me proposa de rester à manger. Puisque je n’étais pas venue pour me quémander un repas, je ne m’y attendis pas vraiment, mais sachant que je n’avais rien de prévu, j’avais très peu de raisons de refuser. Pour cela, je dis, après un bref moment de réflexion:  « Eh bien, cela ne me gêne pas, ça me ferait même plaisir ! » Après, parce que je me doutais bien que cela impliquerait plus de boulot pour ma tante, pour quiconque ferait le repas et que je me doutais bien que ce n’était pas prévu, parce qu’à la base, ma visite n’était pas planifiée, je crus bon d’ajouter:  « Par contre, je ne veux pas m’imposer non plus… » histoire de faire savoir à Summer que je ne voulais pas forcer qui que ce soit à m’avoir pour le repas, mais que si jamais je me rendais compte que cela convenait à tous, alors je ne pourrais pas faire autrement que d’accepter, parce qu’au fond, c’était ce que j’avais envie de faire à présent.

Ce fut avec un petit sourire que j’accueillis le propos de la jeune demoiselle comme quoi je ne devrais normalement pas gêner si jamais je restais pour le repas du soir. Connaissant ma tante quand même suffisamment pour affirmer ce genre de chose, je me doutais bien que pour elle, ça ne changeait pas grand-chose et qu’à moins d’un évènement majeur dont je n’étais pas au courant, elle ne me rejetterait pas. Elle était la seule à ne pas le faire dans la famille limite, et je lui en étais fortement reconnaissante. Par contre, je n’écartais pas la possibilité que la petite famille ait quelque chose de prévu, un endroit où aller ou quoi que ce soit. Je me doutais bien que si c’était le cas, ma cousine ne me l’aurait pas proposer, mais en mon sens, il valait mieux que je prenne la précaution, même si ce n’était que par simple politesse. Laissant alors Summer demander la permission, je demeurai assise au salon, sans rien dire, ne pouvant que sourire doucement par rapport au fait que finalement, le tout s’était plutôt bien déroulé. Au début, je n’étais pas des plus confiantes, compte tenu de la réaction de Summer lorsque je m’étais présentée, mais finalement, j’avais su découvrir une petite demoiselle tout simplement charmante, visiblement souriante et sympathique. Où cela allait nous mener ? Je ne le savais pas encore et je ne saurais pas le dire. Allions-nous nous contenter de simplement nous voir lorsque je serais invitée à me joindre à la famille de ma tante ? Même si ce n’était là qu’un minimum, je m’en montrerais déjà plus que ravie. Mais pour le moment, je me contentais de savourer le moment présent, moment qui me mena à apprendre que ma tante avait choisi de nous inviter au restaurant. Me doutant bien que c’était en raison de ma présence, je me sentais quelque peu perturbée, ne voulant pas imposer cette dépense à ma tante alors qu’un repas fait maison m’aurait parfaitement convenu aussi, mais quand je vis dans ses yeux que cela semblait sincèrement lui faire plaisir, je décidai de ne pas m’y opposer de quelconque façon, la remerciant silencieusement en lui offrant ce qui était, je l’espérais, un de mes plus beaux sourires. Compte tenu que je m’étais déjà préparée pour sortir afin de venir ici et que bien sûr, cela n’avait pas changé au cours de ma rencontre avec ma cousine, je n’eus pas besoin de me préparer de quelconque façon, me contentant de simplement renfiler ma veste et remettre mon sac sur mon épaule. Patiemment, j’attendis que tout le monde soit prêt à y aller, et une fois que ce fut fait, nous nous mîmes en route vers le fameux restaurant, là où je passai, je devais l’avouer, une superbe soirée. Non seulement, j’avais pu discuter encore plus avec Summer, mais j’avais pu aussi retrouver pendant un instant ce que c’était, une famille, ma propre famille avec laquelle j’avais tant regretté perdre le contact. J’espérais simplement que cette soirée représenterait un autre pas dans la bonne direction, mais quelque chose me disait que je ne pouvais que me montrer optimiste par rapport à tout cela.