Trois semaines s’étaient écoulées depuis ce fameux jour où je m’étais réveillé à Vegas en compagnie de Declan. Depuis, j’essayais le moins possible de le voir. Une chose peu facile puisque l’on avait le même horaire de travail. Mais je fuyais tout de même en le voyant. Pas que je le fuyais pour éviter le divorce, mais je n’avais pas encore trouvé le courage de raconter cette histoire à mes mères ou bien même mon père. Je savais que pour me sortir de toute cette histoire j’aurais besoin d’eux. Seulement, comment annoncer à ma famille « Maman, papa, Siobhan je suis marié, désolé de ne pas vous avoir invités. J’étais trop ivre pour moi-même m’en rendre compte ! Surprise ! » Avec ces paroles, j’allais passé sur le bûcher, mais la nouvelle serait sûrement mieux prit que dire que j’étais enceinte. Une chose qui commençait à effleurer mon esprit. C’était pourtant impossible. Totalement impossible. Regardant mon reflet dans le miroir de ma salle de bain, je remarquais mon teint blâme. Ces derniers jours, je manquais terriblement de couleur le matin. Poussant un soupire, je me mettais un peu de blush pour camoufler cet air malade. Par chance, je n’avais que mon travail de serveuse aujourd’hui. J’enfilais donc une jupe noir moulante, un chemisier blanc, avec une paire de bas de nylon noir et des talons noirs eux aussi. Je nouais mes cheveux avec un chignon grossier, laissant quelques mèches folles retomber autour de mon visage. Je prenais une bonne respiration et je me dirigeais vers la sortie tout en prenant mon thermos de café. L’envie d’aller travailler ne me plaisait guère, préférant de loin m’emmitouflé dans une grosse couette bien duveteuse. Au lieu de ça j’embarquais dans ma vieille DeLorean que mon père avait fait remettre en état. Stationnant mon véhicule dans la section réservé aux employés, je me dirigeais à l’intérieur. Bien qu’on me saluait, je ne répondais que par un petit signe de la main. Je me sentais faible et entrant dans la cuisine l’odeur du chèvre des feuilletés me prenait aux narines et à la gorge. L’odeur était insupportable et se mélangeait avec celle des palourdes. C’était intolérable. Mettant ma main devant ma bouche et mon nez, j’essayais de me faufiler entre les cuisiniers pour me rendre le plus loin de ces odeurs. Sortant de la cuisine, j’adossais mon dos contre le mur prenant une grande respiration. « Oh mon dieu... », soufflais-je en tentant de reprendre sur moi. Les nausées, ce n’est pas seulement le matin ? J’avais désormais mal au cœur et le pire c’est que je me demandais comment j’allais faire pour servir les hors d’œuvre ce soir si l’odeur m’était insupportable ! Une petit musique d’ambiance commençait, alors que l’orchestre prenait place pour se préparer et accorder leurs instruments. Je portais mon regard sur le musicien tenant une contrebasse, je lui souriais jusqu’à perdre mon sourire en voyant dans mon champs de vision Declan. Pitié pas ce soir ! Je tournais les talons, allant rentrer dans la cuisine, mais en poussant la porte l’odeur me frappait et je ressortais aussitôt. Je ne pouvais pas me cacher dans ce lieu, c’était pas possible. Regardant à droite, puis à gauche, je cherchais un échappatoire. Parler avec lui c’était tout aussi impossible que d’entrer dans la cuisine. « Carter ça te dérangerait de prendre la place de Parker en attendant qu’il arrive. Il a appelé pour dire qu’il serait en retard et sans lui, il n’y aura personne pour placer les clients. », me demandait Riley un grand blond qui se trouvait à être serveur en chef. « Il n’y a pas de problème. » Je lui souriais, jetant un bref coup d’oeil à la salle dont les tables étaient monter et Declan parmi elles. « J’y vais de ce pas. », disais-je en le quittant aussitôt prenant la direction de l’entrée. Maintenant, devant le petit lutrin qui soutenait le livre des réservations, je m’appuyais sur celui-ci en poussant un soupire. Avec mes doigts, je comptais les jours. En fait, j’avais du retard dans mes menstruations. Je ne pouvais pas être enceinte c’était impossible, totalement impossible ! Seul un alien avait pu me mettre en cloque, c’était la seule réponse possible à moins que... Non, pas lui ! Déjà le mariage et puis là, ça... Se serait bien le comble de ma malchance. Comment allais-je pouvoir l'éviter ce soir ? Car il était certain que si je lui parlais la vérité finirait bien par sortir et cela à mes dépends !

Trois semaines. Un couple normal serait en plein milieu de la lune de miel, mais il n’y avait rien de normal dans cette situation. Declan et Carter n’étaient pas un couple. Ils n’étaient même pas amis. Des collègues, et rien de plus. En rentrant de Vegas, Declan s’était plutôt soucié à récupérer ses heures de sommeil et gagner le pardon de son chat pour l’avoir abandonné avec sa folle de colocataire. Il avait posé l’alliance sur sa table de chevet et se surprenait à tourner l’objet entre ses doigts avant d’aller dormir, dans ces moments particuliers où notre cerveau brasse trop de pensées pseudo-existentielles pour nous laisser sombrer dans le sommeil. Declan n’avait parlé de cette histoire à personne. De toute manière à qui allait-il raconter ça ? Pas à ses parents en tout cas. Declan avait dû enfouir sa tête dans son oreiller et y étouffer un grognement en imaginant comment se serait passée cette discussion. Son père se serait sans doute étouffé de rire, estimant qu’il n’y avait que son fils cadet pour perpétuer le cliché du mariage à Vegas. Sa mère, elle, aurait tenté de le psycho-analyser pour lui faire comprendre que rien ne se fait par hasard et qu’il devait sans doute arborer des sentiments caché pour cette demoiselle. S’en serait suivie une demande de rencontrer Carter, et ugh, ils seraient sans doute tombés sur le charme de son visage innocent. Ses parents auraient sans doute tout fait pour le dissuader de divorcer et d’apprendre plutôt à connaître Carter jusqu’à tomber amoureux d’elle. On est pas au Moyen-âge! Declan n’avait pas envie d’être marié. La notion même de la chose lui passait complètement au dessus de la tête, persuadé que c’était une chose qui n’arrivait qu’aux autres. Partager sa vie avec quelqu’un était une lubie qu’il réservait pour la version vieillissante et grisonnante de sa personne. Alors même si la perspective d’une avalanche de paperasse et autres ennuis administratifs lui donnait mal à la tête rien que d’y penser, Declan était bien décidé à coincer Carter et décider d’une marche à suivre. La justice peut prendre son temps, et Declan n’avait pas envie d’y passer des mois. Il avait pensé que sa collègue serait la première à le harceler pour mettre fin à cette union ridicule, mais il fut surpris par son absence. Ils avaient beau travailler au même endroit, Declan ne semblait pas réussir à engager la conversation assez longtemps pour arriver à quelque chose. Alors quoi, elle l’évitait? Ça semblait ridicule. Pourquoi souhaiterait-elle continuer cette farce? Et pourtant, plus les jours passaient et plus il était évident que la jeune femme l’évitait. C’est encore ce mystère qui lui occupait l’esprit alors qu’il esquissait un sourire vide à un client dont la viande n’était pas cuite à sa satisfaction. Il n’était pas d’humeur. A vrai dire, il ne l’était jamais vraiment pour interagir avec les clients tatillons, mais ce soir encore plus. Il fulminait dès qu’une main s’agitait pour capter son attention. Il contemplait le meurtre lorsqu’un plateau basculait et qu’il devait en nettoyer les conséquences. Il n’arrivait pas à prendre une minute pour lui. Minute qu’il comptait mettre à profit pour parler à Carter. Il pouvait la voir dans son champs de vision, mais il y avait toujours quelque chose qui nécessitait son implication. Dans un club de ce standing, il ne pouvait pas se permettre de s’octroyer une pause en plein service. Mais il eu une occasion. Une maigre fenêtre d’opportunité qu’il s’empressa de saisir. Il déposa une ultime assiette sur une table et pris aussitôt la direction de l’entrée où Carter avait été relocalisée. Elle ne le vit pas arriver, perdue dans sa contemplation des réservations. Il plaqua une main sur le livre dans son approche. « On m’évite, princesse ? » siffla-t-il, lassé par ce jeux du chat et de la souris.

Tête de linotte comme je l’étais, l’idée d’avoir du retard dans mes menstruations ne m’avait pas paru critique. Pourquoi s’affoler ? Je n’avais rien à craindre et pourtant l’alliance qui se trouvait dans ma poche prouvait le contraire. Je n’avais pas eu de relation avec un homme depuis un moment déjà, alors cette supposition était impossible. Et puis j’avais oublié tout de cette fameuse nuit, on avait peut-être simplement dormi côte à côte nu et voilà. Je me mordais la lèvre à cette idée. Une femme, dans une robe cocktail à encolure bateau coiffé d'un élégant chignon, arrivait devant moi. Je relevais la tête lui souriant, elle me donnait son nom et prenant deux menu, j’allais la reconduire jusqu’à une table pour deux. Déposant un menu devant elle et son compagnon tout aussi élégant qu’elle, je leur souhaitais un bon repas, avant de retourner à mon point de travail. La salle était tranquille aujourd’hui même si les serveurs étaient tous occupés vu le manque d’effectif à cet heure de la journée. Les réservations n’étaient pas nombreuses elles aussi. Ainsi, je ne travaillais pas vraiment et ça me faisait ruminer sur toute cette histoire. Par moment, lorsque j’amenais des clients au table je jetais un ou deux regard à Declan. Je n’avais aucunement envie de lui parler de tout cela, tout comme le fait que je l’évitais depuis ces trois dernières semaines. Je n’avais pas le courage de me débarrasser de l’alliance et pourtant je mourais d’envie de divorcer. J’étais déchirée voulant plus que tout ne plus avoir de lien avec lui, mais il me suffisait d’un seul regard pour hésiter. C’était idiot, pourquoi hésiter ? J’allais devenir folle et le fait de ne pas voir sa bague à son doigt me perturbait. Nous deux c’était impossible, je le savais, mais ça restait mon premier mariage. Un mariage non désiré, mais un mariage tout de même. Tout les fillettes rêvaient de leur mariage et je ne faisais pas exception à la règle. Je ne le désirais pas tout de suite, mais tout ou tard j’allais y songer. Ce premier ticket d’or venait d’être utilisé sans vraiment que je puisse faire ou dire quelque chose pour l’en empêcher. Je m’en voulais et c’était en croisant mon ex dans un bar que j’avais réalisée cette déception. Perdue dans mes pensées, je sursautais en entendant un bruit et voyant une main venant se déposer sur mon livre de réservation. « Ça va pas ! », soufflais-je d’un demi ton en relevant le regard sur un Declan exaspéré. Tiens ça ne le changeait pas tellement de d’habitude. Il avait mit le doigt pile sur le bobo, oui je l’évitais et alors ! Ma première réaction était de plisser le nez, puis je poussais un soupire fermant les yeux. « Ce n’est pas ce que tu crois. », disais-je en regardant le sol. « Mademoiselle. » Je tournais la tête vers cette voix, celle d’un homme à l’allure un peu trop sérieux, mais qui avait tout de l’image du club. Je regardais Declan. « Je n’ai pas le temps. » C’était vrai, je n’avais pas le temps ou je ne voulais pas prendre le temps. Je n’en savais rien. Me retournant vers l’homme qui m’avait interpellé, je lui souriais. « Oui, vous avez une réservation à quel nom ? » Je tentais de ne pas porter un regard sur mon mari, lorsque j’entendais ses pas s’éloigner. Mon mari, je le pensais et pourtant ce n’était pas son rôle. Je reconduisais le petit groupe à leur table, avant de retourner au lutrin voyant Parker debout derrière servant le prochain client. Il me portait un regard, puis un sourire. « C’est bon, je m’occupe du reste. », me disait-il. Je poussais un soupire, j’allais prendre mon service en tant que serveuse. Mais avant je traversais la salle empoignant la main de Declan alors qu’il finissait de servir une table. Je me dirigeais vers la cuisine, changeant mon itinéraire en sentant cet odeur qui chamboulait mes sens. Au lieu de cela, je me dirigeais vers le couloir qui menait aux toilettes. Une fois arrivé, je relâchais sa main et passait mes mains dans mes mèches folles, que je calais derrière mes oreilles. Je ne savais pas quoi dire, enfin comment aborder le sujet. Les mots ne sortaient pas, je ne cessais d’ouvrir la bouche pour la refermer aussitôt. Le connaissant, il devait être ennuyé et dans peu de temps il le serait tellement qu’il retournerait travailler. « J’ai du retard. », lâchais-je finalement avant qu’il ne parte. Je relevais le regard pour croiser le sien. « Je n’ai pas eu mes... Enfin tu vois... », continuais-je dans un murmure. Je savais que j’étais vulnérable devant lui à cet instant, mais j’en avais que faire, car j’étais réellement perdue. Je ne savais plus quoi penser, quoi faire, j’étais même terrifiée. Je devrais penser à faire un test de grossesse, mais j’avais peur, peur de la réponse. Et puis, il n’y avait qu’une possibilité c’était lui le père, à moins que je me sois fait enlever par des petits hommes verts durant une nuit. Il n’y avait pas dix milles conclusions, même si je ne voulais pas y croire.

Elle ne portait pas son alliance. Lui non plus, serait la remarque la plus adaptée. Mais Declan se retrouvait désagréablement tourmenté après cette observation. Avait-elle jeté la bague ? Laissée disparaître dans le siphon de la douche ? Balancé avec rage dans l’océan ? Si elle comptait également garder cette union secrète, pourquoi faisait-elle de son mieux pour l’éviter ? Qu’on en finisse, pensait Declan, ignorant ce puissant sentiment de vexation qui semblait alourdir ses membres. C’était ridicule. Bien sur qu’elle ne souhaitait pas être marié avec lui. Cela était une évidence. Alors pourquoi cela laissait-il un goût amer dans sa bouche. Sans doute son orgueil qui voulait un moment de gloire, Dieu seul sait à quel point Declan se faisait un plaisir de l’ignorer. Carter sursauta sous le coup de son entrée brutale  et Declan n’avait pas le temps de jouer à ce petit jeu. « Oh, je pense que c’est exactement ça au contraire » rétorqua-t-il avec un sourire mauvais, agacé par son regard fuyant. Il était d’ailleurs sur le point de s’emparer de son menton pour lui faire relever la tête quand une voix résonna juste à côté d’eux. Declan aurait pu hurler de frustration. Il glissa un regard d’un froid polaire sur le client, sa mâchoire saillante sous la pression de ses arcades dentaires qui s’entrechoquent. Ne rien dire. Ne pas causer de scène. Ne pas envoyer son poing valser dans le visage d’un client pour gagner une conversation de cinq minutes. Si Declan n’aurait pas eu de remord à faire attendre l’homme, Carter et son éthique professionnelle se mirent immédiatement à son service. Declan étouffa un juron et tourna les talons, se dirigeant d’un pas lourd vers les cuisines, faisant claquer les portes battantes en y entrant. La réprimande qui s’ensuivi fut attendue et Declan pesta une excuse. Il allait se faire virer un de ces jours. Il attrapa aussi tôt trois assiettes, préférant occuper son esprit à travailler avant que sa fureur ne prenne le meilleur de lui. Il s’efforça à placer un sourire sur son visage. Il entama même un « bon appétit » qui sonnait honnête. Declan allait répéter son manège quand on empoigna sa main. Sa tête pivota et, évidemment que c’était Carter. Il était sur le point de protester quand il remarqua qu’il allait enfin avoir sa conversation et qu’il pouvait au moins être coopératif pour ça. Les toilettes n’auraient pas été son premier choix, mais c’est là où ils auraient le moins de chance d’être rappelés à l’ordre et remis au travail. Carter semblait prête à reprendre leur conversation et Declan croisa les bras sur sa poitrine, impatient d’entendre son explication. Mais rien ne venait. Carter, dans une triste interprétation d’un poisson rouge, ne semblait pas trouver les mots et Declan commençait à se montrer impatient. « Mais encore ? » pressa-t-il. Ils n’avaient pas que ça à faire, et Carter sembla sentir sa frustration puisqu’elle se décida enfin à parler et…non. Il fallu quelques secondes à Declan pour que les mots prennent sens et c’est de grands yeux qu’il ouvrit face à cette révélation. Non. Noooon. Sous-entendait-elle ce qu’il croyait ? Qu’elle était enceinte ? Et qu’il était de lui ? Car sinon, pourquoi lui dirait-elle cela ?! Declan entendit la porte des toilettes s’ouvrirent dans un grincement significatif et c’est d’un coup de talon qu’il la maintenue close, ignorant le cri d’indignation de la personne derrière. « Occupé » cria-t-il, ne lâchant pas Carter du regard. « Ca ne veut rien dire » lâcha-t-il après quelques secondes. Ces choses là arrivent non ? Un retard n’est pas toujours signification de grossesse, non ? Il n’en savait rien, il aurait dû mieux écouter en biologie à l’école. « Et qu’est ce que ça a à voir avec moi ? ». Le déni, il n’y a que ça de vrai. Après tout, qui sait s’ils ont vraiment couché ensemble cette nuit là ? S’il y avait bien un bébé là-dedans, ça n’était pas forcément de sa faute ! Carter avait bien d’autres prétendants nan ? « Tu as fait un test ? ». Peut-être aurait-il dû commencer par là. Declan n’était pas intéressé à poursuivre cette conversation si elle reposait uniquement sur un gros point d’interrogation. Dans le cas contraire…ça allait devenir compliqué.

Debout dans les toilettes, femme ou homme peu m’importait, j’avais lâchée la bombe. Enfin, une sorte de bombe n’ayant pas dit clairement ce que je croyais. C’était suffisant pour qu’il comprenne, même si l’analyse prit quelques secondes. Je le remarquais en voyant ses yeux d’étonnements, j’en ravalais même ma salive. Je ne savais pas quoi dire, je n’avais pas fait de test, car moi aussi je ne voulais pas le croire. Ça faisait une semaine que je doutais sans vouloir voir l’évidence. J’avais l’estomac retourné, mais ce n’était pas pour autant que je m’étais affolée. Sauf, que là je redoutais le pire. Diverses odeurs qui ne me dérangeait pas avant m’insupportait, surtout dans la nourriture, mais aussi lui. Oui, son odeur ne m’aidait pas. Parfum ou le savon de sa lessive, mais je me retenais pour ne pas vomir. Je sentais la nausée arriver, m’obligeant à serrer les lèvres. On poussait la porte et j’étirais le cou pour voir qui arrivait, mais Declan empêchait cette personne d’entrer retenant la porte de son talon. Je reculais d’un pas devant son simple mot qui étrangement me glaçait le sang. Je regrettais mes paroles, de lui avoir dit cela sans preuve aucune. Bien sure que ce n’était rien pour lui, il n’avait pas ce sentiment que quelque chose avait changé en lui, cette petite boule au ventre permanente. Lorsqu’il me demandait le rapport avec lui, je sentais les larmes monter au balcon. Il me prenait pour qui ? Une bimbo couchant à droite et à gauche ? Il me connaissait mal et c’était une raison de plus pour divorcer. Je le regardais envahie par la peine de cette image qu’il avait de moi, mais aussi la colère qu’il osait penser cela. J’ignorais sa dernière question, trop émotive par ses dernières paroles. « Ce que ça avoir avec toi ? Tu me prend pour qui Declan, le genre de fille qui couche avec n’importe qui ? Je ne suis pas sortit avec une personne depuis que ma copine m’a larguée. Comment aurais-je pu penser tomber enceinte ? Si ce n’avait pas été de ce matin là, jamais je n’aurais pensé à cette éventualité et pourtant ? », disais-je en haussant un peu plus le ton au fur et à mesure que je parlais. « Pourtant, je ne peux pas faire autrement. J’ai des nausées, j’ai mal aux seins, je ne supporte plus les odeurs qui m’entour. Tu devrais penser à changer de parfum, parce qu’il te vas pas du tout ! », continuais-je sans aucune onze de plaisanterie. « Mais tu crois que je me sens bien dans tout cela ? Je n’ai jamais souhaité tomber enceinte. Je ne suis pas prête pour avoir un enfant, comment pourrais-je même m’en occuper avec les deux petits boulots minables, que j’ai ? Je passe plus de temps au travail que chez moi. Je n’ai même pas le temps de penser amour et bien entendu je n’ai très certainement pas envie d’avoir un enfant seule. Alors, pourquoi est-ce que j’aurais dans l’idée que tomber enceinte puisse se réaliser ? » Les larmes coulaient sur mes joues, je n’arrivais pas à les retenir et je faisais tout pour ne pas les laisser couler. Je sentais même cette sensation étrange me monter à la gorge. Je bloquais l’afflue de mots et de gerbe qui allait sortir en mettant ma main sur ma bouche. Mon regard continuait à l’observer et lorsque tout semblait s’être calmé, je poussais un soupire tout en laissant retomber ma main près de mon corps. Détournant le regard, je me dirigeais vers le lavabo regardant mon reflet dans le miroir. « Je n’ai pas fait de test, parce que je ne veux pas savoir la réponse. J’ai peur. » Les larmes reprirent de plus belle, alors que j’ouvrais les robinets cueillant l’eau dans mes mains pour me la passer sur le visage. Je voulais cacher ses larmes, les faire disparaître pour les oublier. L’eau ruisselait tranquillement sur mon visage, alors que je regardais à nouveau mon visage dans la glace. « Je ne veux pas être seule, mais j’ai été assez idiote pour t’en parler. », disais-je tout en fermant les robinets et essuyant mon visage avec une serviette à main bien rouler. Jetant le tissus dans la corbeille à serviette “sale”, je me dirigeais vers lui. « Je n’aurais pas dut t’en parler... Tu n’es pas celui qui pourra m’aider. » Je le regardais là devant cette porte, j’avais l’impression que tout c’était passer lentement et tout au contraire c’était plus rapide que dans ma tête. « Laisse moi sortir, oublis ce que j’ai dit et faisons ce que tout les deux on souhaite plus que tout. Divorçons. Nous ne sommes pas fait pour être ensemble Declan. Tu nous vois vraiment avoir un enfant tout les deux ? Ou même nous aimer ? C’est absurde, ça n’arrivera jamais. Si je suis enceinte j’avorterai. », concluais-je en sortant de ma poche mon alliance. Je regardais un instant le bijou, avant de prendre sa main et de le déposer dans sa main.

C’était mal passé. Très mal passé. Sans grande surprise. Declan en avait fait un pas en arrière, surpris  par l’explosion de Carter. Ca l’avait fait revenir sur ses mots et dans un moment de lucidité il réalisa que son implication avait été un peu forte. Declan n’avait pas voulu dire que sa collège passait d’un lit à un autre sans aucun amour propre, mais ce n’est pas non plus comme s’il connaissait sa vie personnelle ! Elle pouvait très bien avoir une sorte de copain ou autre aventure régulière qui l’aurait mise dans cet état. Declan n’était pas du genre à joindre ses collègues dans les ragots et autres potins. Il ne demandait pas non plus aux gens. Il s’en moquait. Mais Carter l’avait très mal pris et il n’y avait rien qu’il pouvait faire pour y remédier. Elle explosait et c’était presque fascinant. Dans le sens où Declan ne l’avait jamais vu secouée d’une telle passion, même si celle-ci s’exprimait pas la rage. Discrète, maladroite, innocente, autant d’adjectifs ennuyants qu’il aurait pu lui attribuer. Aujourd’hui il se surprenait à ajoutait féroce à la liste. Vivante. Declan en restait sans mots. Il ne montra même pas sa surprise en en apprenant plus sur la sexualité de Carter qu’il n’aurait pu le souhaiter, gardant cette information dans le coin de son esprit. Declan déglutit en l’entendant réciter une liste de symptôme qui semblait en effet n’indiquer qu’une seule chose. Une grossesse. Alors qu’il s’attendait à être traité de tous les noms, à voir des poignets frêles s’abattre contre sa poitrine dans une violence qu’elle n’avait pas, c’est une introspection dérangeante que Carter partageait avec lui. Les sourcils froncés, il ouvrait à son tour la bouche pour la refermer, incapable de trouver les mots. Il ne connaissait que trop bien les soucis d’argent et sentit sa panique contagieuse à l’idée de devoir élevé un enfant dans cet environnement. Les larmes coulaient sur les joues de la jeune femme et Declan dû serrer un poing pour s’empêcher de tendre la main et les effacer. Il s’était attendu à la conclusion logique, celle où elle lui disait que de toute manière il n’était pas fait pour ça. Que même s’il en était le père, il n’était pas capable d’être un soutient conséquent dans la vie de ce bébé comme celle de Carter. Il extrapolait sans doute légèrement, mais se retrouva vexé en entendant sa collègue dire qu’elle regretter de lui en avoir parlé. Alors quoi, lui aurait-elle caché cette information jusqu’à l’accouchement ? Et encore après ? N’aurait-il jamais eu son mot à dire, pensa-t-il furieusement. Une voix traîtresse dans le coin de son esprit lui susurra que Carter lui avait donné une chance il n’y a même pas quelques minutes, et qu’il l’avait honteusement gâchée. Elle continua sur un discours, ô combien inspiré, sur leur incompatibilité, remettant le sujet du divorce sur la table avant de déposer l’alliance dans le creux de sa main. Il regarda un instant l’objet scintiller avant de refermer ses doigts dessus. Et puis vint le dernier mot. « NON ! » interjeta-t-il avec une force qui le surprit lui-même. Il ne savait pas trop où il allait avec ça. Pendant un instant il leva un regard perdu sur Carter avant de s’adosser pleinement contre la porte des toilettes. Autant pour le supporter que pour empêcher à Carter de sortir. « Pour qui tu me prends ? » lui renvoya-t-il, s’agrippant de nouveau à la colère, tellement plus préférable que le regret et l’incertitude. « J’ai beaucoup de défaut mais si tu es enceinte et que… », à l’en croire Carter il n’y avait pas de doute, « …que c’est le mien,  ce n’est pas quelque chose que je peux ignorer et encore moins oublier ! » continua-t-il. « Je n’ai pas plus d’argent que toi, ou de temps, ou de situation stable, mais je compte bien faire ma part des choses. Ça n’a rien à voir avec toi et moi, avec ce putain de mariage. C’est une question de décence ». Voilà le truc, Declan n’a pas d’affinité particulière pour la race humaine en général. Il a du mal à s’attacher aux personnes, si ce n’est une exception, sa famille. Ce qui ne fait aucun doute c’est que peut importe la mère, Declan était prédestiné à tomber raide dingue de tout être naissant avec la moitié de son ADN. Ce n’était pas prévu, encore moins souhaité, mais c’est au tribunal pour une toute autre affaire que Carter allait devoir le traîner si elle comptait le rayer de la vie de cet enfant. S’il avait une vie, pensa-t-il en se remémorant les paroles de Carter. Il pointa un doigt sévère dans sa direction « Si tu es enceinte » répéta-t-il « on verra alors quoi faire, mais s’en débarrasser n’est pas une option » dit-il en la fixant droit dans les yeux. Declan s’en moquait si rien ne penchait en leur faveur, si la situation était toute sauf idéale. Ils allaient trouver un moyen.

Étais-je capable de devenir une bonne mère ? J’en doutais, je n’étais pas comme ma mère qui m’avait eu jeune. Je ne pouvais pas assumer un enfant, je ne m’en sentais pas capable. Et demander à mon père de l’aide, j’en étais tout aussi incapable. Après une idée folle, car oui elle était, je lui avais redonné mon alliance. L’avortement n’avait jamais été une idée que je concevais, c’était cruel et pourtant là j’y pensais sérieusement. On ne pouvait pas savoir ce qu’on était prêt à faire avant d’y être confronté. Si je voyais une autre solution peut-être que je changerais d’avis, mais garder cet enfant en moi pour le donner allait me rendre folle. Je ne pouvais pas, c’était impossible, car la seule éventualité serait au bout de la ligne un abandon, que je ne pourrais faire. J’allais m’attacher à lui, le désirer, imaginer un futur à ses côtés pour finalement acheter des petits vêtements tout mignon pour mon simple plaisir. Je relevais mon regard vers lui, après avoir déposer l’alliance dans sa main. Je ne voulais pas continuer ainsi, non je ne voulais tout simplement pas. Son non me faisait fermer les yeux, je ne l’avais jamais vu ainsi. Pendant un instant, il me faisait vraiment peur. Je me mordais la lèvre sentant les larmes revenir. Comment en un instant pouvions-nous avoir l’air d’un couple ? Je n’avais jamais cherché à connaître cet homme et cela malgré toute les années passées à travailler ensemble. On s’était toujours entendu comme chien et chat. C’est pourtant dans ces toilettes que je laissais court à mes émotions, sûrement un flux d’hormones qui bouillaient en moi. Pendant une infime seconde, je désirais plus que tout une amitié, un amour. Que lui comme moi mettions de côté les armes de guerre, mais c’était impossible ça ne pouvait pas exister entre nous. On avait été créer pour nous détester, alors comment nous aimer ? Si ça avait pu être quelqu’un d’autre, tout aurait été différent. Je croisais son regard qui semblait tout aussi perdu que le mien, mais qu’espérait-il ? Une forme d’aide, je n’étais pas la mieux placée pour l’aider étant aussi perdue que lui. Pourquoi ma vie n’avait-elle rien d’un film de romance ? Un doux prince ou une douce princesse, qui m’aimerait à un point tel que l’avenir ne me ferait pas aussi peur. Il s’adossait sur la porte, m’empêchant ainsi de pouvoir sortir. Je l’écoutais parler sans pour autant le regarder, ce n’avait rien de facile même avec la haine que j’éprouvais pour lui. De la décence, à ses mots l’envie de lui rire au visage m’envahissait. Je contrôlais pourtant cette envie soudaine. Le moment d’être méchante voir même exécrable n’avait pas sa place dans cette discussion vive en émotion. Declan pointait finalement un doigt vers moi et je le repoussais du revers de la main. Tournant sur moi, je me prenais la tête en hurlant ma rage. « Tu ne comprends dont pas, je ne te laisse pas le choix ! », disais-je en me retournant vers lui. « J’avais peur de te le dire ou même de le croire, mais maintenant que c’est fait je me rends compte que ce n’était pas la meilleure de mes idées. » Je mettais ma main entre nous, cherchant à comprendre mes pensées tout comme les mots à lui dire. J’allais même jusqu’à détourner le regard. « Le simple fait que tu n’en as rien à faire de toi et moi, de notre mariage, me montre que c’est impossible. Je ne veux pas d’un homme, qui ne reste que pour un enfant qui serait entièrement une erreur. Je veux être aussi importante, c’est peut-être égoïste, mais tôt ou tard tu partiras. Tu seras comme tout les autres, un enfant ne crée pas des liens. Je ne veux pas m’attacher à lui, il est encore temps pour moi de garder ma vie. » Je laissais un hoquet de pleure sortir. Puis, on toquait vigoureusement à la porte. « Gardner, Barrow c’est vous qui êtes dans les toilettes ? Sortez immédiatement ! » J’essuyais mes larmes qui avaient recommencé à couler. Replaçant ma jupe, je me dirigeais vers la porte, le poussant pour l’ouvrir. « S’il-te-plait oublis ça faudra mieux pour nous deux. Tu rencontreras quelqu’un qui te donnera ce que tu veux réellement, mais je ne suis pas cette personne. » Je le regardais droit dans les yeux, hésitant à caresser sa joue. Je ne pouvais pas être affectueuse avec lui, c’était seulement mes hormones de femme enceinte. Je prenais la poignée, poussant un soupire avant d’ouvrir la porte et de sortir. Je demandais un congé prétextant ne pas être dans mon assiette. Je quittais donc le club sans attendre plus de la part de Declan et je m’arrêtais dans une pharmacie pour m’acheter ce fameux test de grossesse. J’allais pouvoir savoir la suite de notre histoire...

C’était délicat. Declan n’avait pas la prétention de vouloir dicter à Carter quoi faire avec son propre corps. Il comprenait qu’au final, cela restait ça décision. Ça le terrifiait pour être honnête. De savoir qu’il n’avait aucune influence et que Carter pouvait décider de ne pas donner une chance à cet enfant qui était le sien. C’était idiot. Il n’avait rien d’un père, ne l’avait jamais envisagé. Il était très mal placé pour accueillir un enfant dans sa vie, alors pourquoi ? Pourquoi ne prenait-il pas la sortie de secours qu’on lui indiquait ? C’était une opportunité en or pour fuir toute responsabilité et se défaire de Carter par la même occasion. Et pourtant. Il avait suffi de quelques paroles pour que ses pensées fassent un retour sur elles-mêmes. Sans doute parce qu’il savait que c’était trop tard. Il allait toujours se poser la question de ce que serait devenue sa vie s’il faisait marche arrière maintenant. Il allait sans doute regretter de ne pas avoir donné une chance à cet enchaînement improbable d’événements. Autant admettre la vérité, rien n’était moins certains que le fait de savoir si Declan allait un jour ou un autre connaître le bonheur marital, encore moins la paternité. Peut être qu’avec l’âge et la solitude il aurait fait plus d’effort, mais la perspective de se forcer pour plaire aux autres lui laissait un mauvais goût dans la bouche. Mais si ce bébé vivait. Il aurait au moins accompli ça. « Réveille-toi Carter ! » renchérit-il. « Ce n’est pas un compte de fée ! ». Evidemment que mademoiselle rêvait du prince charmant et de la vie parfaite ! Comme si c’était à la portée de tout le monde. « On s’est marié à Vegas par erreur il y a peine 3 semaines. Qu’est-ce que tu croyais qu’il allait se passer, huh ? » demanda-t-il dans un rire froid. « Que c’était le destin ? Qu’on allait tomber follement amoureux l’un de l’autre ? ». Si seulement c’était aussi facile. Evidemment qu’ils avaient plus de chance d’aller droit dans le mur qu’autre chose ! Ils ne se connaissaient pas, n’étaient même pas amis ! Declan n’avait jamais envisagé une relation avec sa collègue sous cet angle là et ce n’est pas en lui forçant une bague au doigt que ça allait lui venir naturellement. Ils n’avaient même pas passé un moment ensemble depuis leur retour de Vegas. « Oui tu es égoïste ! Je ne te parle pas de prétendre qu’on est une belle famille, Carter ! Je te demande juste de ne pas avorter! » Continua-t-il. « Je garderais le gosse pendant que tu iras faire du speed-dating si tout ce qui te préoccupes c’est ton putain de prince charmant ! ». Ok, il s’y prenait mal, mais ça le mettait hors de lui. Ça n’avait rien à voir avec elle ou lui, ou ce mariage ! Il s’agissait d’un être une humain, d’une vie en devenir qui n’avait pas le droit de souffrir pour les erreurs de ses parents. Un coup, puis une voix, résonna derrière la porte et Declan soupira, se passant une main sur le visage. Après ça il n’avait rien qu’il puisse faire pour retenir Carter. Elle entama une dernière phrase qui lui arracha un son à mi-chemin entre un rire dépréciatif et l’ahurissement. Ce qu’il voulait. Il n’en avait aucune idée lui-même. Alors il l’a regarda partir, la main toujours serrée douloureusement autour de l’alliance. Elle n’était déjà plus là quand il retourna dans la salle.