« C’est pas comme s’il ne peuvent pas se passer de ma présence » articula Holden d’un haussement d’épaule, ses doigts domptant avec dextérité le tissu de sa cravate. « Quoique » murmura-t-il dans un sourire amusé, son regard balayant sa réflexion pour une dernière estimation. Impeccable. Non pas que ce soit une surprise, Holden savait se mettre sur son 31. Il croisa le regard de sa femme dans le miroir et laissa échapper un rire devant son expression dubitative. « N’essais même pas de prétendre que tu n’es pas excité comme un gosse à la perspective de cette soirée » répondit-elle dans un haussement de sourcil, ses lèvres pincées pour retenir le sourire qui risquait de s’en emparer. Son mari lui répondit d’un sourire éclatant avant de la rejoindre au pied du lit. « Mais j’avais l’intention de te parader devant tout le monde et maintenant ils vont croire que mon charme légendaire m’a abandonné. J’ai une réputation à préserver! » dit-il d’une voix plaintive qu’il avait perfectionnée après des années à subir les mines boudeuses de sa progéniture. Il avait beau plaisanter, Holden aurait largement préféré se rendre accompagné aux 25 ans de sa promotion de lycée, mais sa douce compagne avait un autre engagement. Jane avait cependant visé juste. Il était excité. « Ce n’est pas bien de vouloir provoquer l’Envie, Monsieur le pasteur » répondit sa femme en passant sa paume sur un pli de sa veste. Holden saisi le membre baladeur dans sa propre main et noua ses doigts aux siens. « Tout le monde sait que la seule raison pour laquelle les gens viennent à ces réunions est pour savoir s’ils ont mieux réussis que les autres ». Jane secoua la tête, amusée. « Toi y compris ? ». Il porta le dos de sa main à ses lèvres avant d’y déposer un baiser « Je sais que j’ai réussi. J’ai tout ce que je désire » glissa-t-il dans un clin d’œil. Son entrée fut remarquée. Holden s’amusait même à penser qu’il avait été attendu, et la vérité ne devait pas être bien loin. Il faut savoir qu’Holden avait eu sa dose de popularité au lycée. Sympathique séduisant, charismatique, sa présence était désirée et ses amis nombreux. Le fait qu’il était héritier d’un label de musique ne faisait qu’ajouter au charme. Alors Holden avait attrapé un verre à la volée et s’était laissé submerger par les poignés de mains, les banalités et autres compliments envoyés dans sa direction. Sa mémoire lui fit défaut à plusieurs reprises, l’obligeant à détourner des conversations avant d’être pris sur le fait. Inévitablement les questions sur chaque aspect de sa vie n’avaient pas tardées. Tout le monde pensait qu’il plaisantait. Une réponse à une question et on lui assénait une tape sur l’épaule dans un grand rire avant de lui demander "non mais sérieusement, tu fais quoi?". Il est vrai qu’il avait été loin de l’image que l’on pouvait se faire d’un pasteur en devenir. Cool et admiré par ses pairs, il y a peu de critiques que l’on pouvait attribuer à Holden Jones dans ses jeunes années. A l’exception peut être de son penchant pour charmer chaque belle paire de jambes. Loin d’être joueur et cruel, Holden avait le flirt facile et savait plaire. Ses escapades romantiques étaient l’une des raisons pour laquelle son ambition professionnelle n’avait jamais sonnée honnête aux yeux des autres. Holden était croyant mais n’avait jamais poussé la religion comme une part majeure de sa vie. Il n’en parlait pas à outrance, ne cherchait pas  à convaincre qui que ce soit sans pour autant cacher où il passait ses dimanches. Une fois accepté le fait qu’il était un pasteur, la conversation tournait déjà plus personnelle. « J’en ai 7 » avoua-t-il dans un grand sourire. Et non cela n’avait rien à voir avec quelconque idée conservative au sujet de la contraception, mais il n’allait certainement pas s’aventurer sur le terrain de sa famille recomposée de son propre gré.  Holden cacha un soupir dans une gorgée de son punch quand un ancien ami eu moins de scrupules. « Et bah dis donc, Joan a eu du courage! ».  Holden ferma les yeux un instant, la mâchoire serrée sous l’irritation que ce nom n’avait jamais vraiment cessé de provoquer chez lui. « Joan est la mère de trois de mes enfants. Je me suis remarié » articula-t-il d’un ton saccadé. « Oh. Désolé ». Holden haussa les épaules. Désolé. C’est une manière de le dire. Il avait était désolé de trouver sa femme au lit avec un autre ça c’était sûr. Mais tout ça n’était qu’un événement douloureux qui lui avait au final apporté une femme dont il était toujours fou amoureux et quatre autres enfants.   Alors il esquissa un sourire et posa à son tour des questions banales, fourgua son téléphone sous le nez des invités pour exposer sa belle famille et se remémora anecdotes et autres moments moins glorieux de sa folle jeunesse. Quand les syllabes se firent plus vagues, les verres plus vides et que le temps vint de rentrer chez soi, Holden fut conforté dans le fait que, effectivement, il avait réussi.