Quatre mois que je porte cette chose en moi. Quatre mois, que j’ignore ce que l’avenir me réserve. Je vois quelques fois Declan, mais rien ne semble bouger. Il vient avec moi chez le gynécologue, il prend de mes nouvelles et celle du bébé, mais rien de plus. En même temps, je n’en demande pas tant non plus, l’avoir toujours auprès de moi me semblerait bien plus à un débalancement de la planète qu’à quelque chose de réalisable. Il est un peu plus gentil, mais son vraiment plus. Je n’ai rien contre ça non plus. Je me suis même faite à l’idée d’élever mon garçon seule. Oui, depuis une semaine environs, je connais son sexe, mais je ne l’ai dit à personne. En fait, je tente encore de le garder secret, surtout en ce qui concerne ma famille. Bien que je ne pourrai plus tenir ce silence bien longtemps avec ce ventre qui commence à ressembler à un ballon bien rond. Fini les robes corolles, j’achetais bien plus de robe ample pour cacher le tout. Pour ne plus attendre, je commençais déjà à ressembler des choses pour sa venue au monde.  Un petit surplus dans la paye était aussitôt investi dans les choses pour sa naissance. Biberon, couche culotte, layette, doudou… Tout y passait, sachant que prochainement, je devrais arrêter de travailler. Stationnant ma voiture dans l’immense parking du Costco, je poussais un soupire à voir où j’étais rendue pour avoir une place. Le magasin me semblait presque microscopique vue d’ici. Je poussais un soupire prenant un caddie en me dirigeant vers ce paradis de la consommation. Le printemps commençait à se faire sentir, Mars était bien l’annonciateur de l’équinoxe de ce changement de saison pour arriver à l’heure d’été. Bien qu’on soit en Californie, on arrivait à percevoir le changement de climat. J’arrivais finalement à l’entrée, sortant ma carte que je partageais à mon père et dont je recevais une remise de 2% la montrant ainsi à la portière. C’était toujours une sensation agréable de montrer cette carte, privilégier jusqu’au bout des doigts. Une certaine forme d’adrénaline parcourrait tout mon sang. Le plaisir de découvrir les nouveaux objets dans les rayons, les promotions… Rien ne semblait monotone et tout était économe. Surtout en vue de la quantité, ainsi que de la qualité. Je ne portais pas d’attention à l’électronique, bien que je m’arrête pour regarder une télévision où il diffusait Grease. Comme à mon habitude, je fais chaque allée, je regarde chaque chose en me demandant si j’en avais réellement de besoin. J’achetais tout de même des bougies à la citronnelle. Utilité ? Aucune, bien que leur parfum me rappelait le chalet, mais aussi Alec. Je regardais le paquet de bougie sentant les larmes monter jusqu’au rebord de mes yeux. Je ne voulais pas chialer comme une môme, mais j’avais toujours autant de difficulté à accepter son décès. Ce n’était pas de sa faute, c’était un accident, mais ça continuait de me bouleverser. Il avait été mon premier amour de jeunesse et à peine nos retrouvailles faites qu’il quittait ce monde. Peut-être avait-il rejoint Elvis, Harry Truman, George Orwell ou des soldats de la guerre de Corée. Préférant ne plus y penser, je continuais ma quête dans cette jungle de produit. Les décorations et les chocolats de Pâques avaient déjà été mis dans certains rayons. C’était une invitation à la gourmandise et puis mes hormones devaient être comblées. J’achetais donc pour plusieurs livres de sucrerie. Un petit cadeau pour mon petit-homme dans mon ventre. Bananes, tartes à la crème foutée et petits gâteaux misent dans mon caddie, je tournais la troisième rangée des surgelés.  Je tombais nez à nez avec un stand de petit four. Les gens salivaient tout autour, mais il était moins envahi que d’autre que j’avais croisé. Ça allait être rock’n’roll si j’en voulais un, mais je commençais à avoir faim, très faim. Ce n’était jamais bon signe. Laissant mon caddie sur le côté, je me dirigeais vers la foule et alors que ma main se tentait vers le petit four au canard, celui-ci me glissait entre les doigts. Ouvrant grand la bouche de surprise, je regardais la jolie blonde le porter à ses lèvres. Ah non ! J’allais peut-être en faire tout un roman ou gagner un prix Nobel pour la femme enceinte qui a disjoncter pour un amuse-gueule, mais tant pis. Je prenais la bouteille de ketchup et j’aspergeais la jeune femme de ce condiment. « Je l’avais vu avant vous ! », disais-je avec rage, mais tout de même fière de mon art.

J’étais membre privilège Costco, j’avais ma carte Costco avec ma photo très moche à l’arrière, j’adorais aller chez Costco et je l’assumais totalement. Peut-être au désespoir de nombreux gens, je faisais partie de cette catégorie de personne qui, si elle le pouvait, ferait absolument toutes ses courses dans cet énorme entrepôt qui offrait presque tout et ce, en grande quantité. Évidemment, cela n’était tout simplement pas possible dans certains cas – par exemple, il m’était tout simplement impossible de garder un paquet de soixante-douze rouleaux de papier toilette dans mon petit loft – que j’achète exclusivement chez Costco pour me montrer la plus économe possible, mais en même temps, pourquoi ne pas en profiter ? Franchement, il ne fallait pas un Prix Nobel pour poser une telle réflexion et surtout, la mettre en application. Enfin, ça, c’était mon avis, et après ça, je me moquais bien de ce que les autres pouvaient en penser. Si je prenais plaisir à me rendre chez Costco et y acheter plusieurs articles chaque fois que je m’y rendais, cela ne concernait que moi, et pas l’homme qui vivait dans la maison à côté qui, de toute façon, ne serait pas capable de lever ses fesses, ne serait-ce que pour aller s’acheter qu’un churros et le journal du jour. Vue de mon petit appartement – dans lequel je n’allais plus rester très longtemps, vu le déménagement prochain – sa vie me semblait bien monotone dans sa maison antique, mais que pouvais-je y faire ? Sauf peut-être lui apporter éventuellement un cadeau pour me montrer gentille, pas grand-chose, malheureusement.

Quoiqu’il en soit, ce n’était pas aujourd’hui que je lui ferais un tel présent, puisque cette journée, ou du moins, une partie de cette journée serait consacrée à déambuler à travers les rayons et stands de cette grande surface tant chérie. Sachant depuis maintenant un bon moment que ce serait là mon activité du jour, j’avais souhaité me lever relativement tôt pour ne pas devoir me battre afin de trouver une place de parking, mais le passage à l’heure d’été m’ayant prise de court,  je m’étais levée une heure plus tard que je ne l’aurais voulu. Au début, cela me mit en rogne, mais quand je vis que le temps était plus qu’agréable, ce qui signifiait que le printemps approchait à grands pas, je tentai de me convaincre que ce n’était pas la fin du monde et sitôt levée, je me préparai pour m’y rendre. Habillée, coiffée, une banane engloutie en guise de petit-déjeuner, je n’attendis pas plus longtemps pour monter en voiture et me rendre au magasin. Heureusement pour moi, la quantité de monde n’était pas encore si impressionnante que cela, pour le moment, ce qui fit en sorte que non seulement, ce fut simple de trouver une place de parking, mais de plus, j’avais pu me permettre d’aller faire le plein – puisque oui, même l’essence est moins chère pour les clients Costco ! – avant de me garer et entrer dans le magasin, en me manquant pas de présenter ma carte au brave homme qui ne faisait que cela de la journée, vérifier les cartes des gens. Le pauvre, il devait voir tant de photos moches dans une journée qu’il devait en rêver le soir. Ensuite, j’attrapai la brochure avec les promotions proposées, histoire de la regarder une seconde avant de la reposer dans mon caddie et finalement commencer mes achats. Je passai bien rapidement dans le rayon électronique, n’ayant pas besoin de m’acheter une télévision et ce, même si celles-ci présentaient les dernières nouvelles, discutant plus exactement de la sortie de la prochaine montre Apple qui, apparemment, devait révolutionner le monde. De toute façon, ce n’était pas comme si j’allais m’en acheter une; j’utilisais mon téléphone que pour appeler, prendre mes messages et jouer au Sudoku, sans plus. Après, si jamais la montre proposait de jouer au Sudoku dessus, je ne dirais pas non, mais pour le moment, ce n’était pas trop dans mes plans.

Bien rapidement, je fis le tour de tout ce qui était produits ménagers et pour la maison. Enfin, tout ce qui n’était pas nourriture, n’en ressortant pas avec grand-chose, sauf un paquet de biberons – parce que ça ne se vendait pas à l’unité, bien sûr – pour Nora, ainsi qu’un doudou que j’avais trouvé tout simplement adorable. Ensuite, je passai au centre, là où trônaient différents romans. Lectrice de nature, je ne pus m’empêcher de jeter un œil, sans trouver toutefois un titre m’intéressant. Enfin, il y en a un qui me fit de l’œil, même si ce n’était pas nouveau; le second tome de la fameuse trilogie d’E.L. James que tout le monde connaissait. À la vue du livre, un petit sourire apparut au coin de mes lèvres, et vu le prix extrêmement bas, je décidai de le prendre, simplement pour faire une blague à l’adresse d’Aiden dès que j’en aurais l’occasion et qui sait, peut-être le lire à mon tour ? Enfin, ce serait encore à voir. Finalement, je me retrouvai dans les rayons destinés à la nourriture, ceux qui m’intéressaient probablement le plus, ou du moins, pour aujourd’hui. Pourquoi ? Puisque non seulement, les produits proposés m’intéressaient, mais aussi, c’était toujours très amusant de découvrir ce que les différents stands avaient à proposer. Déjà, dans une première rangée, une dame proposait de manger un bout de gâteau, apparemment fraichement fait en magasin. Curieuse, je choisis de le manger, passant à un cheveu de me convaincre d’en acheter un, mais choisissant de ne pas le faire dès que je vis que le gâteau serait assez gros pour nourrir un troupeau de girafes entier. Continuant ensuite mon chemin, je m’arrêtai à un nouveau stand où il y avait des petits fours qui étaient proposés. Attirée par l’odeur, je voulus en prendre un, mais sitôt que je l’eus entre les mains, une femme s’énerva et sans que je puisse faire quoi que ce soit, je me retrouvai soudainement aspergée de ketchup. Par réflexe, je voulus me couvrir un peu de mes mains pour ne pas être complètement recouverte de ce liquide rouge, mais dans mon mouvement, je ne remarquai pas le poteau qui trônait derrière moi, ce qui fit en sorte que ce poteau vint rencontrer l’arrière de ma tête bien rapidement, ayant pour effet non seulement de me faire mal, mais aussi, faire en sorte de me faire comprendre que tout cela n’avait pas lieu d’être. N’ayant pas l’habitude de m’énerver, je ne pus m’empêcher de le faire cette fois-ci envers la jeune femme, m’exclamant alors : « Hey mais ça ne va pas la tête !? C’est pas comme si ce serait le dernier de la journée ! Faut se calmer, bon sang ! » avant d’inspirer profondément pour ne pas faire tout un cirque et me faire expulser du Costco, me massant l’arrière de la tête par la même occasion pour chasser la douleur occasionnée par toute cette histoire.

Il y avait pas à dire Costco était un endroit surprenant, jamais je ne m’aurais cru capable de faire un tel acte. Et pourtant, je venais bel et bien d’empoigner une bouteille de ketchup pour asperger une pauvre innocente. J’aurais dût me sentir mal pour ce geste et là encore je ne me sentais pas plus mal. Tout au contraire. Ce simple petit geste avait libérer tout une rage accumulé. Cette grossesse imprévue, ce mariage non désiré, mes sentiments pour le père de mon enfant qui commençait à changer… Tout cela je le retenais depuis trop longtemps en moi. Comme je n’en avais parlé à personne, il était dure pour moi extérioriser le tout. Cette pauvre femme s’était simplement trouvée au mauvais endroit et au mauvais moment. N’importe quel personne s’étant interposer entre ce canapé de canard aurait subi sans doute me même sort. La petite dame derrière le stand semblait sous le choc, la bouche ouverte prête à gober des mouches. Quant à moi, j’avais les mains sur les hanches et je regardais le spectacle en soufflant comme un bœuf. Ce petit accrochage venait de m’épuiser ou du moins m’avait volé le peu d’énergie qui me restait. J’avais passé une dure nuit, alors que j’avais senti mon fils bouger dans mon ventre. J’avais donc passé ma nuit réveillé à boire un thé pour me détendre, mais surtout lui, tout en lisant Mansfield Park de Jane Austen. J’avais fini par tomber de sommeil sans même m’en rendre compte sur le rebord large de la fenêtre de mon loft. Christian n’étant pas là, je n’avais éprouvé aucun remord à faire du bruit. Bien que le sachant présent et étendu dans mon canapé ne m’aurait pas non plus empêché de faire du bruit. S’il voulait une vie plus paisible, il n’avait qu’à se trouver un appartement. Tout cela pour dire, que je n’étais pas dans le meilleur de ma forme. Ce qui égalait tout autant que mes hormones étaient dans un état pas possible. J’avais fait un fracas assourdissant avec ma crise à propos du hors-d’œuvre. J’avais été pire que Ça le clown tueur en maquillant mon massacre d’un condiment de tomate. Il ne fallut qu’un temps pour que je réalise que cette pauvre femme s’était cognée la tête par ma faute. Elle me parlait durement, ce qui était tout à fait compréhensible, mais je me sentais agresser verbalement, sans compter que l’adrénaline de ma rage m’avait quitté. Je sentais un flux d’émotion me monter à la gorge ou étais-ce un vulgaire rôt ? Et là, l’inévitable arriva. Je laissais les larmes de crocodiles sortir dans une giboulée  de son plus étranges les uns des autres. Je tentais de retenir mes larmes, ne désirant pas faire un scandale. Je m’assoyais à même le sol sale littéralement comme un enfant en pleine crise. C’était semble-t-il une surprise pour tous ceux qui se trouvaient autour de nous. Et moi ? Non, mais j’étais assise sur un plancher de magasin, pas sur une balançoire ou dans un siège auto. Non clairement assisse sur la plancher. « Je suis vraiment désolée. », disais dans un hoquet de pleure. « Mais je désirais tellement ce canard. » Pathétique. Oui, je me trouvais pathétique assisse là à pleurer toute les larmes de mon corps pour un vulgaire canapé. J’allais être mère et voilà comment je réagissais. J’étais peut-être une cause perdue. Mes sentiments semblaient jouer à la chaise musicale, lorsque la musique s’arrêtait, ils choisissaient qui allait être ressentit et au diable ce que je pouvais avoir l’air. Présentement, j’avais envie d’aller me cacher, courir me planquer dans un de ces réfrigérateur immense. Peut-être que quelqu’un d’assez aimable m’achèterait en croyant que je suis simplement un gigantesque churros au derrière sale ? J’ouvrais les yeux après qu’un homme vêtu d’un blouson de cuir qui me faisait penser à Zuko dans Grease m’aidait gentiment à me relever. Je le remerciais poliment accompagné de quelques hoquet de pleure. Puis, je me regardais la jeune blonde essayant de lui montrer que j’étais réellement désolée. Parmi ces nuages de larmes qui persistaient, je reconnaissais ce visage plutôt rond, ces cheveux clairs et ces yeux bleus. « Lenaëlle ? » Je ne l’avais pas vu depuis un bon nombre d’année. Peut-être que je faisais faux bon sur son identité. Ce n’était peut-être qu’une simple inconnue de plus qui croisait mon chemin. Pourtant, j’avais ce sentiment qui commençait à germer en moi.

Je n’avais jamais été de nature colérique, et encore moins de lever le ton et m’énerver pour un malencontreux incident. Pourquoi l’avais-je fait ici et maintenant ? Franchement, je ne saurais pas l’expliquer. Peut-être était-ce le tournis ou les vertiges momentanément provoqués par ce coup que j’avais reçu sur la tête, gracieuseté de ce poteau qui, soudainement, était un peu trop dans le chemin, mais quoiqu’il en soit, il était certain que cela ne me ressemblait pas une seule seconde, mon genre étant davantage de culpabiliser moi-même et faire en sorte que ce soit moi qui sois désolée, alors que logiquement, je n’avais rien fait, en mon sens, pour recevoir ce ketchup sur moi. Mon genre, cela aurait été d’éponger le tout avec une serviette à langer prise dans le rayon pour les mômes, prétendre que je m’étais bagarrée avec mon rouge à lèvres, ou au pire, attraper un t-shirt dans les vêtements vendus, l’enfiler cachée dans le rayon des produits laitiers et le payer à la fin de la journée, moche ou non. Quoiqu’il en soit, si j’avais fait comme je faisais d’habitude, je ne me serais pas énervée comme cela, et bien rapidement, mon propre comportement me perturba à un point que je m’en sentis coupable, surtout que là, j’étais persuadée d’avoir fait un scandale.

Prête à aller m’excuser, je cessai de me masser l’arrière du crâne, mais avant que je puisse faire quoi que ce soit, je vis la jeune femme qui m’avait persécutée assise par terre, en train de pleurer. Et là, inutile de mentionner que je me sentis encore plus mal que je ne devrais l’être, à un tel point que je bloquai, ne sachant pas quoi dire. Je ne me voyais pas lancer un monologue monotone sur mon comportement, sur le sien, et j’étais persuadée qu’un simple « désolée » ne suffirait pas, vu toutes les larmes que la demoiselle versait à présent. Finalement, ce fut elle qui s’excusa en premier, laissant alors la balle dans mon camp pour que je fasse de même. Et malheureusement, je ne sus pas le faire, pas dans l’immédiat, et j’en avais profondément honte. C’était à un tel point que pendant un instant, je songeai à détaler tel le Lièvre de Mars, mais ça ne ferait qu’empirer mon cas, sans parler du fait que ce genre de magasin était probablement doté de caméras de surveillances et de ce fait, quelqu’un pourrait très bien me rattraper et exiger mes excuses, ce qu’il aurait raison de faire. Cependant, je débloquai avant cela, et je commençai à m’approcher de la jeune femme, balbutiant timidement : « C’est… C’est moi qui suis… », mais je fus interrompue au moment où un homme vint en aide à la jeune femme pour qu’elle se relève. J’aurais très bien pu poursuivre par après, mais je fus interrompue une nouvelle fois, par mon assaillante cette fois-ci. En revanche, elle ne vint pas me hurler dessus, rien de tout cela; elle prononça mon prénom. Cela eut pour effet de me choquer encore plus que je n’aurais pu l’être précédemment, parce que pour être franche, jamais je n’aurais cru que cette demoiselle me connaissait, surtout que mon nom n’était pas écrit sur un petit badge – ce qui était normal, je ne travaillais pas ici. Hésitante, je répondis faiblement : « Hum oui ? », m’arrêtant là pour tenter de détailler davantage mon interlocutrice, oubliant pendant un instant la jeune femme tenant le stand à petits fours ou les autres clients qui nous regardaient visiblement toujours surpris de la scène à laquelle ils venaient d’assister. Après tout, pour les gens qui n’avaient rien à faire de leur vie, voir quelqu’un se faire asperger de ketchup, c’était presqu’aussi excitant qu’une Bar Mitzvah. Cependant, ils allaient se rendre compte bien rapidement qu’il n’y avait plus grand-chose à voir, parce que non seulement, mon haut rempli de rouge n’était pas signe que j’avais été victime de Ça, le clown tueur, mais de plus, comme une imbécile, je ne sus pas identifier la personne qui se trouvait devant moi. Enfin, pas dans l’immédiat, tellement que je finis par lever le drapeau blanc et abandonner en disant, toujours aussi hésitante : « On… On se connaît ? », pinçant les lèvres, honteuse de ne pas mettre un nom sur cette personne qui pourtant, en la regardant plus attentivement, me semblait avoir un visage familier au travers de ses restes de larmes de crocodile et son mascara Chanel. Enfin, je ne savais pas s’il était de cette marque, mais quoiqu’il en soit, il me semblait vachement solide, vu comment elle avait pleuré.

L’ambiance était glaciale et non pas par la faute des congélateurs près de nous. J’étais la cause première, même si j’avais peine à croire que je puisse en arriver jusque-là. La gourmandise avait un drôle d’effet sur moi. Ou c’était simplement le manque de repos qui me poussait à faire ce genre de caprice ? De fou colérique, j’étais devenue les chutes du Niagara. Je me trouvais d’autant plus bête d’être assise par terre à pleurer comme une gamine. Pourtant, si j’étais ainsi c’était que d’une certaine façon j’en ressentais le besoin. Pourquoi, là ça restait une question dont j’ignorais la réponse. Mon animosité s’était entièrement envolée, je m’étais même excusé avant de m’asseoir par terre, repliant mes mollets sous mes cuisses. Je m’en voulais, terriblement. Je n’entendais même pas la jeune femme qui s’adressait à moi. Dans ce torrent de larmes, je ne percevais que mes propres hoquets. Un homme au physique assez avantageux, j’ai toujours trouvé que John Travolta avait un petit quelque chose dans les années 80’. Aujourd’hui, c’est différent, il en a perdu, mais ce n’est pas une mocheté malgré cela. Je me demande si cet homme allait devenir comme John avec les années ? Enfin, peu importe, ce n’est pas comme si j’allais le revoir. J’étais quand une femme marié, bien que bon voilà. Marié à un homme qu’on n’aime pas c’est tout de même particulier. J’époussetais vite fait mes vêtements, essuyait mes cernes créé par mon mascara, sachant très bien que dans quelques minutes, ils subiraient l’atroce gonflement. Finalement, je regardais la jeune femme plus attentivement. Car, ce n’est pas en l’aspergeant de ketchup et en pleurant que j’avais réellement pu prendre conscience de qui elle était. Un augure à laquelle je ne m’attendais très certainement pas en venant faire mes achats. Je prononçais ce prénom, que m’inspirait son minois. Elle semblait étonnée, chose que je comprenais aussi, si elle avait dit mon prénom ainsi, j’aurais été sur le cul une seconde fois. Je la regardais, essayant de faire abstraction de son haut badigeonné d’un rouge orangé. En même temps, la forme d’un moulin. Un moulin rouge. Ce devait être moi qui devais avoir reçu un coup sur la tête. Je sentais les gens autour de nous en haleine devant cette scène, sûrement que l’un d’eux s’attendait que je sorte une phrase du genre : « C’est vous la femme qui avez couché avec mon mari ! » Tout en brandissant violement ma chaussure devant elle. Non, il n’y avait pas de triangle amoureux entre nous. Rien de trompeur non plus. Tout ce qui les faisait frémir de plaisir et de curiosité allait s’envoler en un instant. « Lenaëlle, c’est moi Carter. » J’avais laissé toutes mes émotions se dissiper pour laisser place à une joie incommensurable. Je ne l’avais pas vu depuis son départ, bien qu’on avait quelque peu changé, surtout vieillit, je pouvais reconnaître le regard de ma cousine. Ces grands yeux bleus remplient d’une certaine innocence étaient toujours les mêmes. Certes, ils devaient en avoir vu des choses, mais une étincelle brillait encore. Je reconnaissais cette étincelle, comme ces fossettes à ses joues. « Carter Barrow. », répétais-je incertaine qu’elle m’ait reconnue. En même temps, une fille nommée Carter ça ne courrait pas les rues, surtout s’il en existe une dans sa famille. Mais bon, j’ignorais si elle se souvenait de moi. Nous étions quand même jeunes. « Comment vas-tu ? », demandais-je enthousiaste, si j’avais su qu’attaquer une personne avec du ketchup pouvait me remettre en lien avec de vielle connaissance j’aurais sans doute essayé beaucoup plus tôt ! Je regardais finalement ses vêtements, me mordillant la lèvre inférieure. « Laisse-moi te payer de nouveaux vêtements. » J’étais quelque peu mal à l’aise, je l’étais déjà avant, mais là je l’étais d’autant plus.

Réalisant de plus en plus à quel point je pouvais être ridicule dans cette situation, je commençai à légèrement m’agiter, tapant furtivement du pied et croisant les bras – à distance de ma poitrine, quand même, histoire de ne pas étaler le ketchup encore plus sur moi, sentant que je pourrais en avoir jusque derrière les cuisses – en commençant à angoisser progressivement de ne pas reconnaître la jeune femme qui, elle, me connaissait clairement. Cela ne m’arrivait pas souvent, et je comprenais maintenant pourquoi je m’assurais que ce genre de situation ne survienne pas trop souvent, même si en ce moment, je ne pouvais pas m’en échapper. Non seulement, ce serait tout simplement déplacé, mais de plus, les gens nous entouraient toujours et ça, je ne pouvais pas m’en remettre. Comment pouvaient-ils s’émerveiller d’une telle scène ? Disposés en triangle, ceux-ci nous regardaient comme si nous étions plus intéressants que le dernier épisode de Pretty Little Liars, comme si nous étions sur le point de rendre ça encore plus physique et commencer à se battre à coups de ketchup, de petits fours et de gourmandises. Pendant un instant, l’envie me prit de leur lancer que ce n’était pas aujourd’hui que nous allions commencer à nous bombarder de raisins, se donner des coups de fouet ou quelque chose comme cela, mais j’étais beaucoup trop gênée pour le faire, surtout que cette situation concernant la jeune femme avait pour effet de beaucoup plus m’embêter que ces gens qui avaient complètement oublié les courses qu’ils devaient faire pendant un instant. Désolée, cher public, ce ne serait pas aujourd’hui que votre innocence serait brimée.


Et finalement, ce fut moi qui eut le choc quand elle me dit que c’était Carter. Enfin, je ne l’eus pas dans l’immédiat, puisque mon tout premier réflexe fut de froncer les sourcils, signe que je m’efforçais à réfléchir pourquoi ce nom me disait quelque chose, et surtout, pourquoi cette personne me connaissait. Finalement, Carter m’éclaira avant que je ne trouve quoi que ce soit en me faisant part de son nom de famille, et là, en faisant l’association du prénom et du nom, de son visage, je fis le lien entre tout. Cependant, ce ne fut pas suffisant pour que je dise quoi que ce soit dans un premier temps. À la place, très bêtement d’ailleurs, j’ouvris la bouche, si grand que je risquais fort probablement d’avaler un moustique éventuellement. Enfin, je ne laissai pas quelconque insecte cette chance, finissant par dire : « Oh mon Dieu, Carter ! », trahissant ainsi ma surprise, même si celle-ci était évidente depuis le début. Puis, progressivement, cette surprise laissa place à une certaine culpabilité. Pourquoi ? Parce que sincèrement, je me sentais mal de ne pas avoir reconnu celle qui était ma cousine du côté de mon paternel, donc part de cette famille que je m’étais montrée désireuse de retrouver en revenant dans ma ville natale, en l’occurrence Pasadena. Habituellement, j’avais une bonne mémoire, mais là, je me sentais ridicule, si bien que n’importe qui dans mon cas ne se serait pas demandé si ce n’était pas une mauvaise vanne, ou bien un canular de télé-réalité. Moi je savais que ce n’était pas une blague, ça ne pouvait pas être plus sérieux, autrement je ne serais pas en train de me mordiller la lèvre inférieure, m’efforçant de ne rien dire que je pourrais regretter, ou qui pourrait paraître trop étrange. Effectivement, comment pouvais-je lui dire que j’étais contente de la revoir ? Ce n’était pas que ce n’était pas la vérité, mais je me doutais bien que cela aurait pour effet de me faire passer pour hypocrite et ainsi, plomber l’ambiance. Au final, avant que je dise quoi que ce soit, Carter brisa le silence, à mon grand soulagement, me proposant de m’acheter de nouveaux vêtements. Ne voulant certainement pas qu’elle s’embête pour une histoire cocasse de laquelle nous allions probablement rire plus tard. Histoire de lui faire comprendre qu’elle n’avait pas à s’en faire, je lui dis : « Oh ne t’en fais pas pour ça. Une veste et ce sera rapidement camouflé. », esquissant un petit sourire pour lui faire comprendre que ce n’était pas nécessaire de commencer à faire le tour des tables proposant des vêtements pour la plupart particulièrement ringards. Finalement, sachant parfaitement que je ne pouvais pas laisser nos retrouvailles en plan pour une histoire de vêtement, je finis par tenter de dire, dans un rire nerveux et maladroit : « Je… Wahouh ! Je n’en reviens pas qu’on se retrouve ici ! » Je savais parfaitement que cela ne menait pas à grand-chose niveau conversation, mais à ce point, je ne savais pas si je pouvais me permettre de poser une question sérieuse ou non. En effet, dans ma tête, le « que deviens-tu, ça fait longtemps ! » sonnait encore faux, même si c’était, en mon sens, une question relativement légitime. Cependant, je ne pouvais pas aller dans l’extrême humour en demandant « Ça t’arrive souvent d’asperger des gens de ketchup ? », finissant par faire un entre-deux en affirmant : « Non sérieusement, j’en reviens pas ! Tu viens souvent faire tes courses ici ? Ça fait longtemps que tu es là ? »

Ce qui devait être un simple magasinage avait pris une tournure des plus inattendus. Je m’étais laissé envahir par des émotions que je ne contrôlais pas du tout. Au fond de moi, l’envie de fuir m’avait traversé l’esprit comme sûrement à la blondinette aussi. Après tout on était le centre d’intérêt de tous ces acheteurs. C’était complètement déplacer de leur part de rester ainsi là à nous regarder. Mais, je ne trouvais pas la force de riposté devant tant d’enfantillage. Grandissez ! En plus, je ne pouvais m’empêcher de me dire que tout ou tard, j’allais trouver une vidéo de ce moment sur internet. Avec les téléphones androïde ou intelligent, ça allait être inévitable. À ce moment-là, j’allais terriblement regretter d’avoir agi ainsi. Déjà que je me sentais de plus en plus mal vis-à-vis de cette femme que j’avais saigné de ketchup. Puer la tomate en purée ne devait pas non plus être des plus agréables. Puis à force de la regarder, je réalisais que je connaissais ce petit minois rond. Disant mon nom, je comprenais qu’elle ne semblait pas saisir qui j’étais. Je n’allais pas lui en vouloir pour cela, il y avait tellement d’année qu’on s’était vue. Sans compter, que je ne l’avais pas plus reconnue sur le coup. J’aurais été mal placé pour lui reprocher, alors que j’avais mis un temps fou pour mettre un nom à ce visage. Je laissais un sourire prendre place sur mon visage maquillé d’eau salée et de mascara. Elle semblait tout aussi étonnée que moi, seulement elle lançait une invitation aux mouches pour visité ses intestins. Les secondes filaient et elle retrouvait finalement l’usage de la parole, étirant un peu plus mon sourire. Qui aurait cru que j’allais revoir ma cousine dans de telles circonstances ? Enfin nos retrouvailles semblaient tout à coup moins intéresser ces gens trop curieux et avide de rebondissement. La plus part s’éloignait en chuchotant, ne comprenant sûrement pas la moitié de l’histoire. Pourquoi faire tout un plat pour un petit four ? Pourquoi attaquer quelqu’un avec du ketchup si en plus je la connaissais ? Beaucoup devait même croire que c’était une émission piège servant à faire rire les téléspectateurs. Ça n’avait rien de cela. Entre ma cousine et moi, j’étais celle qui passait pour la folle étrange, mais ayant l’habitude, je ne disais sachant que j’aurais tôt fait d’oublier certain détail de ces retrouvailles. Tout ce dont j’étais certaine, c’était que finalement je rirais de cette histoire et que j’allais sans doute la radoter pendant des années à un point tel que mon fils ne serait plus capable d’entendre cet épisode entre Lenaëlle et sa mère. Je lui demandais comment elle allait avant de porter mon regard sur le gâchis que j’avais fait. Je lui proposais aussitôt de lui offrir de nouveau vêtement. Bon les vêtements de chez Costco n’étaient pas le top fashion, mais c’était mieux que rien. Déjà ça changerait l’odeur qui devait être intolérable. C’est en partie pourquoi je ne m’approchais pas trop, si en plus je lui vomissais dessus, j’allais être morte de honte. Mais comme je ne savais pas les réactions que je pouvais avoir depuis que j’étais en cloque, j’essayais d’éviter de faire scandale comme l’incident du condiment alimentaire. Elle refusait mon offre et j’affichais une moue. « Tu es certaines ? », insistais-je me sentant de plus en plus mal. « Laisse-moi au moins payer le nettoyeur pour tes vêtements ! », poursuivais-je. Je n’allais pas abandonné aussi rapidement ! Mon sourire revint bien assez vite en entendant son étonnement. Je la comprenais, moi-même je ne m’attendais pas à la revoir et encore moins entre les petits fours et les pizzas au jambon surgelés. « Tu n’es pas la seule étonnée. », disais-je amusé. « Je viens quand je peux, mais comme je prépare la venue du petit. Je me dis qu’acheter en gros me fera économiser. » Je caressais mon ventre comme j’avais désormais l’habitude de le faire. C’était mécanique, je n’y pensais même plus ça se faisait tout simplement. « Ça doit faire un quart d’heure. Et toi tu viens souvent ? » En fait, je n’avais pas la moindre idée depuis quand j’étais arrivé, ne regardant jamais le temps passer quand je faisais les allées de cette caverne d’Ali baba. « Tu as goutté les cookies à la boulangerie ? Ils sont vraiment succulents ! » Aussitôt l’envie de me taper me prit, quel commentaire étrange. Parler de cookie, mais après tout qui ne venait pas pour les dégustations ? Et je ne dirais pas non pour en remanger !

« Oui, je suis certaine, oublie cette histoire ! Dans quelques années, on en rira et voilà tout ! » Voilà comment j’avais l’intention de conclure ce chapitre de ma mésaventure au Costco qui m’avait permis de retrouver ma cousine. Il y a peut-être dix minutes de cela, les gens qui nous entouraient n’auraient certainement pas cru à ce retournement de situation – et moi aussi, je devais l’avouer – vu comment j’avais parlé à la jeune femme au moment où je m’étais frappée la tête, aux prises avec cette attaque au liquide semi-liquide, semi-solide – parce que je ne savais pas comment décrire du ketchup autrement – mais franchement, je ne voyais plus de raisons pour en faire tout un cas. Maintenant, il me restait plus qu’à mettre la technique de la veste pour camoufler à exécution, mais d’après ce que je vis dans un premier temps, je ne trouvai rien susceptible de faire mon bonheur, ou du moins, qui vaille le coup d’être acheté ne serait-ce que pour être utilisé comme tenue d’intérieur, ou de ménage. Il fallut que je me rende à une table, quelques mètres plus loin, pour finalement trouver une veste noire, on ne peut plus banale. Rapidement, je cherchai ma taille – qui ne fut pas très difficile à trouver, vu l’étiquette énorme qui la mentionnait et les piles qui regroupaient les tailles les unes avec les autres – puis je l’enfilai, la refermant aussitôt. Satisfaite pour le coup, je regardai Carter, puis je lui dis : « Et voilà ! » en prenant une petite pause, l’espace de quelques secondes. La question étant maintenant réglée, je pus poursuivre mes emplettes en sa compagnie, puis la discussion, par la même occasion qui, mine de rien, avait rapidement pris le dessus sur mes achats. C’est là que j’appris que Carter venait de temps à autre, pour les mêmes raisons que moi, ou presque. Il y avait le fait d’économiser en achetant en gros, certes, mais elle, elle avait un enfant à s’occuper, comme elle venait de me le mentionner. Par réflexe, je baissai le regard vers son ventre rond, puis je souris doucement, trouvant que ce petit ventre rond lui faisait plutôt bien. Ensuite, je relevai le regard lorsqu’elle me demanda si, moi aussi, j’avais l’habitude de venir, après m’avoir dit que cela faisait peu de temps qu’elle était là, contrairement à ma personne, puisque j’avais décidé de me présenter plutôt rapidement et j’avais fait pas mal le tour, terminant dans les rayons alimentaires, justement. À son interrogation, je répondis alors : « Autant que possible. Mais puisque j’habite seule, lorsque j’achète ici, souvent, ça dure longtemps. » Je fis un petit sourire, puis je ne pus retenir un commentaire, que je lançai à la blague : « Enfin, je ne peux pas résister quand je sais que les Swiffer Duster sont en solde ! », terminant celle-ci par un petit rire qui s’estompa au moment où Carter me demanda si j’avais goûté aux cookies. Mon premier réflexe fut alors de la regarder avec un petit sourire amusé, puis finalement d’affirmer : « Non, mais tu viens de me donner envie là ! » Dans ce propos, je sous-entendais que si elle voulait bien me montrer le chemin pour s’y rendre, je ne dirais certainement pas non. Après tout, pourquoi pas ? Et puis, si jamais il y avait des cookies en dégustation, alors peut-être bien qu’elle pourrait se remplir la panse – et moi aussi – un peu plus qu’avec un simple petit four, maintenant en rupture de stock. Sinon, au pire, nous pourrions toujours tranquillement continuer notre chemin, et discuter, compte tenu que c’était ce que nous étions bien parties pour faire. D’ailleurs, une question vint à me brûler les lèvres tandis que nous continuions à progresser ainsi, une question qui n’avait absolument rien à voir avec des cookies – enfin, pas directement –à savoir : « Alors, ce petit bout, il est pour quand ? » Je préférais lui demander cela ainsi plutôt que de la féliciter directement, commencer à m’extasier devant sa grossesse et tout. Après tout, je ne l’avais pas vue depuis très longtemps, je ne savais pas comment elle la vivait, et j’étais bien placée pour savoir que tout n’était pas rose. De ce fait, je tâterais le terrain – et je me renseignerais par la même occasion – et après, je pourrais ajuster mon discours, voyant si Carter était encline à aborder ce sujet ou pas actuellement, espérant sincèrement que ce soit le cas, parce que moi, lorsqu’il était question de bébés, il était difficile de m’arrêter, très difficile même, pour tout avouer.

Abandonnant finalement l’idée de lui payer ou rembourser le nettoyeur, je suivais ma cousine parmi ces multiples tables pour qu’elle puisse prendre une veste. Elle l’enfilait, alors que je me mordais le coin de la lèvre avec mes dents. « Pas mal. Tu n’aurais pas voulu celle avec Spock, le look oreille pointue sur la poitrine aurait, j’en suis sure, un bel effet. » Pour tout dire c’était une plaisanterie, la veste semblait tellement enfantine et avec des couleurs inquiétantes et surtout horribles, n’aurait pas un effet accrocheur et sexy, si on puit dire. Appuyer sur mon caddie, je marchais près de Lenaëlle, alimentant la conversation de nos retrouvailles. Je ne faisais pas attention à son regard se posant sur mon ventre rond que j’essayais de dissimuler, enfin plutôt de le rendre moins imposant. Je ne voulais pas avoir l’air d’une baleine gigantesque, je faisais donc l’effort minimum pour avoir une belle silhouette. J’apprenais finalement, qu’elle vivait seule tout comme moi. Car bien que j’aie un ventre rond, le père de cet enfant ne faisait pas vraiment parti de ma vie. C’était à se demander comment deux belles femmes comme nous étions encore célibataire. J’avais en quelque sorte trouvé mon prince charmant, il ne faisait d’autre chose que de grandir en moi. Je n’allais pas tombée amoureuse de mon fils, mais étant mère monoparentale, j’avais tout mon amour à lui accorder. C’était en quelque sort plus simple. Je riais avec ma cousine lorsqu’elle fit sa petite blague, étrangement cette simple discussion entre les allées encombrantes de gens, me faisait le plus grand bien. J’avais besoin de cela, quelque chose de banale pour oublier tout le reste. Enchaînant sur les cookies que j’avais goûtés peu de temps avant notre rencontre, je souriais en l’entendant dire qu’elle en avait envie dès à présent. « Alors, allons-y. Je te préviens, ils sont tendres et moelleux. Un régal ! » affirmais-je en prenant la direction de la boulangerie qui était tout au fond du Costco près des pains, mais aussi de la boucherie. Je n’y avais pas pensé avant, mais je pouvais m’acheter un tournedos de poulet ou de bœuf. Avançant dans le magasin, je me tournais pour la regarder, alors qu’elle me posait LA question. Je souriais. « Fin juillet environs. » disais-je laissant mon regard s’illuminer, même si je n’avais pas eu envie de le garder au tout début, j’étais bien heureuse de ne pas avoir avorté. « Mais je dois bien avouer que j’ai hâte qu’il arrive. Même si j’ai que cinq mois de grossesse, je m’attends au pire dans les mois avenirs. » Pour l’instant, j’avais une chance incroyable, pas de complication, pas de soucis de santé. Tout semblait aller pour le mieux et ça me sécurisait en quelque sorte, seulement il y avait tellement de gens pour dire qu’une grossesse pouvait être douloureuse ou simplement terrible à vivre que je finissais par me créer mes propres peurs. Je restais tout de même combler de ma grossesse et de cette possibilité qui s’offrait à moi. Puis, je me risquais à mon tour. « Et toi tu en as ? » demandais-je pour en apprendre un peu plus sur elle. Après tout, ça faisait tellement longtemps que ça me semblait normal de demander. Mais je me rappelais vite qu’elle m’avait dit vivre seule et je sentais mon embarras teinté mes joues d’un rose vif. « Enfin, peut-être que je me trompe, tu disais vivre seule. Excuse-moi, enfin peut-être que… maintenant il y a tellement de famille composé différemment… » m’empressais-je de dire, me perdant finalement dans mes mots, bafouillant et ne trouvant aucun moyen pour m’accrocher à quelque chose pour me sortir de ce pétrin. « Je dis vraiment n’importe quoi… » disais-je finalement en affichant un air désolé.