Un accueil à la hauteur ?

Elizabeth allait parfaitement bien depuis que son mari l’avait rassuré. Il n’était pas atteint d’une maladie. Elle ne se sentait pas prête –et ne le serait jamais- à affronter ce genre de situation. Autant personnellement que pour Sky. Voir sa fille mourir de chagrin serait tout simplement insupportable à supporter. La danseuse était loin d’imaginer qu’un autre scénario catastrophique s’était déroulé dans son dos et qu’elle ne tarderait plus à le découvrir. Alors qu’elle venait de sortir de la cuisine pour apporter les assiettes, elle fut très vite accueillie par de nouveaux compliments. Cette fois, ces derniers concernaient ses talents culinaires. Elizabeth prit alors une pose de star sous les projecteurs avant de se mettre à rigoler pour la énième fois de la soirée. Une poignée de secondes plus tard, Wayne répondit à son petit commentaire après avoir rougi. Décidément, il était de feu ce soir ! Juste avant de prendre une nouvelle bouchée, la femme dit avec un large sourire et d’un ton qui se voulait sensuel :

- Oh je ne suis pas contre te couvrir de chocolat…

Elizabeth adorait ce genre de taquineries entre eux. Enfin, elle aimait toutes les taquineries qu’ils se faisaient. Malheureusement pour son interlocuteur, la danseuse remarqua que quelque chose n’allait pas. Depuis qu’ils s’étaient quitté quelques minutes auparavant, Wayne paraissait plus distant, plus pensif. Pour avouer la vérité, certains n’auraient même pas remarqué. Mais sa femme le connaissait par cœur. Du moins le pensait-elle… Elle ne tarda donc pas à lui demander s’il y avait un problème. Si sa nourriture était mauvaise, il fallait mieux lui avouer plutôt que de risquer une indigestion ou autre !

Dans un premier temps, Wayne la rassura quant à la qualité de son petit « chef d’œuvre » culinaire. Quelque chose clochait définitivement. Cela s’entendait jusqu’au son de sa voix. Elle donnait plus… creuse qu’à l’ordinaire. Elizabeth ne le quitta donc pas des yeux, attendant que leurs regards se croisent. C’était le meilleur moyen pour le faire craquer, et elle le savait. C’était ce qu’elle faisait toujours dans ce genre de situation ! Son mari finit enfin par craquer et par lui avouer qu’il avait « quelque chose » à lui dire. La danseuse fronça les sourcils. Cela ne pouvait pas être une maladie puisqu’il lui avait promis que tout allait bien de ce côté-là. Tout un tas de scénarios se forma dans son esprit. Sauf le bon. Avait-il goûté à la drogue et était devenu addict ? Ou un problème d’addiction à l’alcool ? La cigarette ? Pitié non… Quel exemple ça donnerait à Sky… Bizarrement, cela lui rappela la première saison de Desperate Housewives. Et s’il était du genre très… soumis lors des relations sexuelles ? Oh non ! Il lui avait toujours semblé épanoui à ce niveau-là jusqu’ici. Y avait-il finalement bien une raison qui le poussait à prendre du recul au boulot ? Il avait fait une gaffe et s’était pris la tête avec son coéquipier ? Bref, il est impossible de citer tout ce qui lui passa en tête durant ce court moment. Wayne prit alors une nouvelle bouchée de son assiette comme pour gagner du temps quant à la révélation. Elizabeth posa sa fourchette et mit sa main sur celle de son mari d’un air rassurant. Elle lui fit alors un sourire des plus tendres au monde :

- Tu sais que tu peux tout me dire… Je t’aime.

Ses yeux cherchèrent ceux de l’homme qui les avait détournés. Elizabeth n’avait pas encore perdu espoir que la soirée repartirait de bon train. Si ça se trouve elle se faisait du souci pour rien. Wayne avait parfois des réactions un peu disproportionnées ou à côté de la plaque. Prenant sur elle pour rester optimiste et continuer à sourire, elle caressa la main de son mari avec son pouce, l’encourageant à la confidence.

Un accueil à la hauteur ?

Très rapidement, la sensualité et les sous-entendus intimes avaient laissé place à l'inquiétude et à une certaine tension. Wayne regretta d'avoir parlé, d'en avoir trop dit car à présent, une chose était certaine, il ne pouvait plus faire marche arrière. Il pourrait dire que c'était une blague et que tout allait bien, mais ce serait faux et son épouse n'était pas dupe. Qui plus est, il l'aimait trop pour lui faire cela. A présent que la bombe avait été lancée, il devait s'expliquer, sinon Elizabeth lui soutirerait toutes les informations. En effet, il s'imaginait bien l'inquiétude qui devait peupler son être en cet instant précis. Certainement avait-elle oublié le saumon et le fondant au chocolat pour laisser place à des images de désolations. Certainement était-elle en train de se faire un tas de scénarios plus obscures les uns que les autres sur son mari. Heureusement qu'il lui avait dit plus tôt qu'il était en bonne santé, sinon elle aurait déjà sorti son téléphone pour appeler le SAMU au cas où.
Wayne avait décidé de parler, de l'informer de l'affaire Joan, mais en même temps il n'en avait plus le courage. Il avait croisé son regard l'espace de quelques secondes et cela l'avait effrayé. Il avait si peur de la perdre... Oh mon Dieu, personne ne pourrait dire combien il espérait qu'elle en rit, qu'elle pense comme lui, c'est-à-dire que ce n'était qu'un jeu un peu gamin. Le quadragénaire déglutit avant d'offrir un sourire très timide à Eli puis de fuir son regard. Les yeux sont le miroir de l'âme et il ne savait pas ce qu'ils pouvaient montrer. En effet, ce qui effrayait le plus notre père de famille n'était pas temps l'histoire du baiser, mais le fait qu'il avait aimé ce baiser. C'était justement ce qui le rendait fautif et qui provoquait en lui ce malaise palpable... C'était cette pensée qui l'avait suivi ces derniers jours. Lorsque son interlocutrice posa sa main contre la sienne et lui indiqua qu'elle l'aimait, il finit par la regarder un instant et prendre son courage à deux mains.

"Alors euh..." murmura-t-il doucement. "Comment dire... Je... Tu te souviens de ce fameux week-end où tu étais partie chez ta famille avec Sky et j'ai dû rester à la maison pour travailler?" demanda-t-il attendant que son épouse acquiesce pour continuer son récit. Wayne cherchait encore les mots justes, la crainte l'enssevelissait. Ce fut pouruoi il rit nerveusement en continuant. "Et bien en fait, je suis sorti... Enfin, samedi soir, j'ai décidé de m'octroyer un peu de temps libre et je suis allé à la fête foraine... Tu sais, celle où je pense emmener Sky..." Il se gratta nerveusement la tête. Un instant, il crut que s'arrêter là suffirait, mais ce ne serait qu'éveiller encore plus d'idées dans l'esprit de son interlocutrice. "Et je n'y suis pas allé seul...." Ouh là, il apercevait sur le visage d'Elizabeth une sorte d'incompréhension mêlée à de la crainte. Il fallait qu'il trouve les mots juste et soit prudent. "A vrai dire, j'y suis allé avec une femme, une amie... Et enfin, on s'est amusés comme de vrais gamins... Et on avait fait un pari, un pari un peu bête... Tu vas rire.." dit-il en riant lui-même pour détendre l'atmosphère, parlant de façon assez décousue et alternée par des pauses. Mais son interlocutrice n'avait pas l'air de suivre le mouvement. Néanmoins, il continua sur sa lancée. De toute façon, il devait tout lui dire avant qu'elle n'imagine pire encore. "Le lot était un baiser. Et elle a gagné le pari alors.... On s'est embrassé. Deux fois. Mais c'était juste des baisers comme ça... C'était un jeu...." Il voyait qu'Eli ne semblait pas d'accord avec cette idée et c'était peu dire. Pourtant, il n'avait même pas dit que le pari était en fait que Joan reste sage, c'est-à-dire qu'elle évite de le toucher de trop près... Il tenta donc de calmer un peu son discours. "Si je te le dis, c'est parce que je me sentais coupable quelque part d'avoir...Enfin voilà. Mais on a rien fait de mal..." Oui oui, rien de mal mis-à-part côtoyer une femme en cachette pendant l'absence de son épouse et aller jusqu'à l'embrasser sous les étoiles...

Un accueil à la hauteur ?

Après un ultime regard fuyant, Wayne se lança enfin, prêt à faire pardonner ses pêchés. Ou du moins à tenter plus exactement. Elizabeth le regardait, le regard plein de curiosité alors qu’il commença son récit. Elle hocha la tête pour confirmer qu’elle se souvenait bien de ce week-end-là. Son mari n’avait pas pu l’accompagner ainsi que leur fille pour rendre visite à la grand-mère car il devait travailler. La danseuse se souvenait d’ailleurs qu’elle avait dû rouspéter plus d’une fois car sa mère ne cessait de proposer des sucreries à Sky, qui bien sûr acceptait. La dernière fois que cela s’était produit, la gamine avait passé toute la nuit à être malade.  Le rire nerveux de Wayne lui laissait présager le pire. Peu à peu l’histoire prenait forme. Ainsi donc il était sorti. Pourquoi avoir mis autant de temps à le lui avouer ? Y avait-il mort d’homme ? Elizabeth comprenait totalement que son mari ait eu besoin de s’aérer l’esprit après des heures à plancher sur ses documents ! Entendre la suite lui créa une boule au ventre et dans la gorge. Pas seul ? Une… amie ? Il était allé passer une soirée avec une femme dans son dos alors qu’elle était partie rendre visite à sa mère avec leur enfant ? Sa main commença à se crisper alors qu’elle était toujours posée sur celle de son interlocuteur. Pour la première fois de la soirée, la danseuse ne se sentait pas d’humeur à rejoindre l’euphorie du moment lorsque Wayne se mit à rire.

La révélation finale lui fit l’effet d’un poids qui lui tombait soudainement sur les épaules, contre lequel elle ne pouvait lutter. Tout son monde semblait s’écrouler. Les souvenirs de leur magnifique soirée s’éparpillèrent pour mieux partir en fumée. Alors qu’elle bouillonnait intérieurement, en particulier lorsqu’il qualifia leurs baisers de « jeu », Elizabeth serra les dents. Elle sentait sa circulation s’accélérer. La goutte d’eau qui fit déborder le vase fut la conclusion du récit. Ils n’avaient rien faire de mal osait-il déclarer.

- Vous n’avez… rien fait de mal… dit-elle avec les lèvres serrées.

Comme dans un moment de délivrance, Elizabeth se mit à éclater de rire. Les larmes lui montaient aux yeux, à tel point qu’on n’aurait su dire s’il s’agissait de larmes de tristesse ou d’amusement. La femme s’arrêta soudainement après s’être essuyé les yeux et regarda fixement son mari. La gentillesse et l’amour avaient quittés son visage, remplacés par une froideur et des traits figés. Pendant un moment, elle ne sut quoi dire. Un long et douloureux silence s’installa dans la pièce. On aurait pu entendre une mouche voler. Enfin, la mère de Caleb reprit la parole, fixant Wayne dans les yeux. Sa voix était monocorde et lasse. La colère qu’elle tentait de garder en elle ne se faisait toujours pas entendre. Pour le moment.

- Comment as-tu… Après ce que j’ai vécu avec Sean… murmura-t-elle. Je n’ai rien vu venir… Je t’ai toujours perçu comme quelqu’un de… Quelle imbécile.

Elizabeth se leva de sa chaise d’un bond qui pourrait faire sursauter n’importe qui. Elle resta plantée ainsi durant un instant avant de tourner le dos à l’homme qui l’avait trahi. Jamais elle n’aurait pensé qu’il aurait pu lui être infidèle. Qu’il aurait pu la faire souffrir à ce point. Depuis qu’ils s’étaient rencontrés, la danseuse avait toujours été sincère avec lui. Elle lui avait confié toute son histoire avec Sean. Comment il l’avait manipulé, joué avec ses sentiments… La manière dont il l’avait trompé sans qu’elle s’en aperçoive, et comment il l’avait abandonné elle et leurs enfants du jour au lendemain. Désorientée, Elizabeth fit quelques pas dans la pièce, ne sachant que faire ni où aller. Son regard se posa sur une photo de famille qui fit couler les larmes sur ses joues. Bien qu’elle lui tournait toujours le dos, la femme lui adressa une nouvelle fois la parole :

- Tu peux être fier de toi. Tu m’as bien eu. Dis-moi… Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Je t’ai pourtant tout donné. Ma vie, mon amour, un enfant, une vie agréable… Et pourtant ce n’est toujours pas suffisant. Une fois de plus.

Elizabeth préférait ne pas regarder Wayne en face de peur de sa propre réaction. Sa bouille qui autrefois lui plaisait tant, risquait désormais de la dégoûter au plus haut point. Ce n'était qu'un enfant immature.

- Je suis bête. J'imagine que tout ça n'est qu'un autre "jeu" pour toi. dit-elle d'une voix toujours aussi froide et qui ne tremblait pas.

Un accueil à la hauteur ?

Wayne vit le visage de sa belle se disloquer alors qu'il venait de terminer son récit. Elle ne riait pas. Au contraire, pour la première fois de la soirée, elle affichait une mine froide et distante. C'était comme si elle désirait le renier, ou pis, le tuer sur place. Il lui lança un petit regard intimidé sur fond de tristesse, attendant qu'elle réagisse d'une manière quelconque. Il n'y avait pas pire que l'indifférence et ce regard si froid et obscure qu'elle avait posé sur lui. Il aurait préféré qu'elle lui crie dessus directement. Mais non, les secondes défilèrent comme des minutes jusqu'à ce qu'enfin la voix habituellement si rassurante de son épouse ne s'emprennent de l'espace de la pièce. Un rire. Un rire étrange, si bien que Wayne ne sut pas ausitôt s'il s'agissait d'un rire d'amusement ou d'un rire nerveux. Il la regarda un instant, anxieux, devenant d'un coup certain qu'elle était en colère. Mais elle se contenait. Les mots qu'elle formula lui firent du mal, mais il n'osa pas parler, il la laissait dire son avis, ce qu'elle pensait au sujet de cette tromperie – qui, soit-dit en passant, n'en était pas! Enfin Wayne ne comprenait pas trop la réaction de sa femme, il redoutait qu'elle se fâche, mais pas à ce point... Ce n'était pas comme s'il était en train de lui annoncer qu'il menait une double vie avec une quelconque maîtresse depuis des mois... Non, il parlait d'un baiser échangé lors d'un pari. Ce n'était tout de même pas si grave, si?

Le regard qu'ellle lui lançait était si noir qu'il voulut se cacher sous terre, disparaître. Ou mieux: revenir en arrière et s'empêcher d'avouer ce petit secret de rien du tout. Pourquoi fallait-il qu'il soit si honnête et qu'il se pose ce genre de questions? Cela n'avait aucun sens.
Lorsqu'Elizabeth se leva brusquemment de sa chaise, il sursauta et se leva aussi presque instantanément. Elle lui tournait le dos, cela lui brisait encore davantage le coeur que lorsqu'elle le fusillait du regard. C'était comme si elle était en train de lui qu'il ne méritait aucun respect de sa part après ce qu'il avait fait. Wayne réfléchissait, comment faire pour ce sortir de cette impasse, quel mot affirmer pour la rassurer et surtout pour lui prouver qu'il n'y avait qu'elle dans son coeur. Il était en train de la perdre... Oh oui, la crainte le submergeait. Les larmes lui montèrent aux yeux également, il sombrait car les mots d'Eli étaient de plus en plus puissants, de plus en plus déchirants.
"Comment... Comment tu peux dire ça? Comment tu peux ne serait-ce que penser un truc pareil?" demanda-t-il tristement. Comment pouvait-elle penser des choses pareilles: qu'il se jouait d'elle, qu'il n'avait pas de sentiments à son égard... qu'il n'attendait que le bon moment pour la tromper. Il s'en voulait tellement. "Je suis désolée, c'est pas ce que je voulais dire, mon ange..." déclara-t-il doucement en s'approchant d'elle. Wayne n'osa cependant pas l'approcher de peur de se faire rembarer, ce qui le mettrait au fond du gouffre. La situation était déjà bien assez complexe ainsi... manquerait plus qu'elle ne le repousse.
"Je t'en prie... Excuse-moi. C'était un baiser comme ça! C'était... Enfin je te l'ai dit car je ne voulais rien te cacher, mais c'était...rien! C'était... Tu sais un jeu d'adolescent. J'ai été stupide, mais je te jure que ça s'est arrêté là! Je ne t'ai pas trompée Eli', c'était....." s'exclama-t-il en bégayant, se perdant dans ses mots. Au boulot, il était un commercial et un négociateur hors paire, mais niveau sentimental, il en avait des choses à apprendre avant d'avoir un bon niveau! Il n'avait jamais été un beau parleur... Oh mon Dieu, comment pouvait-il la rassurer?"Je t'aime, Elizabeth! Je t'aime tellement!" continua-t-il ensuite plein de sincérité, se laissant aller. "Comment tu peux dire que je me joue de toi?" Il retenait ses larmes, mais il savait que ces quelques paroles ne suffirait pas à convaincre son épouse.

Un accueil à la hauteur ?

Elizabeth ne pouvait supporter de regarder son mari en face. Le voir avec des larmes dans les yeux ne ferait que l’exaspérer davantage. Comment quelqu’un qui avait commis une telle faute pouvait-il chercher à se faire plaindre ? Le fait que Wayne ait mit autant de temps à lui avouer, et avec autant de difficultés, prouvait qu’il n’était pas clair dans sa conscience. Pourquoi donc avoir embrassé une autre femme ? A son âge il était grand temps de savoir contrôler des pulsions d’adolescent ! Lorsqu’elle le sentit se rapprocher d’elle, trop à son goût, elle fit un pas en avant. Il ne cessait de s’excuser, ce qui ne faisait que renforcer son énervement. De toute manière, quoiqu’il fasse, il aurait tort. La danseuse ferma ses paupières et prit une grande respiration pour contrôler ses émotions. Elle se retourna vers lui. En temps normal, si le pêché avait été moins important, voir son mari dans cet état l’aurait bouleversé. Mais en ce moment précis, aussi horrible que celui puisse paraître, Elizabeth se dit qu’il n’avait que ce qu’il méritait. Wayne était clairement sur le point de s’écrouler. Sa dernière phrase ne fit qu’envenimer les choses.

- N’essaye pas de faire de moi la méchante dans cette histoire. Et arrête de me répéter que tu m’aimes ! s’exclama-t-elle indignée.

Pour être certaine de contrôler ses gestes du mieux possible, la femme croisa les bras. Elle fixait le PDG, chose qu’elle craignait pourtant quelques instants auparavant. Son regard était plein d’incrédulité, choquée que son interlocuteur n’arrive même pas à comprendre la gravité de la situation.

- Le pire dans tout ça, c’est que tu ne te rend même pas compte à quel point ton comportement est intolérable. Pour toi ce n’est qu’un jeu. Pas pour moi. Récapitulons. Un soir, une fois débarrassé de ta femme et de votre enfant tu t’es dit « Oh et si j’allais me balader avec une « amie » ? Et pourquoi pas l’emballer pendant que j’y suis ? » lança-t-elle avant de reprendre en faisant les cents pas. Mais tu as raison… Après tout qu’est-ce qu’il y a de mal à peloter quelqu’un dans le dos de sa femme ? C’est naturel. C’est… amusant… Je devrais peut-être m’en inspirer…

Elle ouvrit des yeux ronds et se repositionna face à Wayne avec un large sourire.

- Oh oui tient ! Je vais aller voir hum… Mon ami du FBI tu sais ? Ce grand brun avec des yeux bleus ? Je mentirais si je disais que je le trouvais repoussant. Et après on s’embrassera. Langoureusement. Minimum trois fois car faut bien que je batte ton record. Il y a toujours de la compétition dans un jeu rappelle-toi. Ma question est… dit-elle avant de compléter avec un petite moue. Est-ce que tu trouveras ça drôle ?

Elizabeth leva les yeux au ciel puis lui tourna de nouveau le dos. Bien entendu elle ne le ferait pas. Il en était hors de question. Elle ne s’abaisserait jamais à ce niveau. Et puis de toute manière… Il était en cavale aux dernières nouvelles… La danseuse posa les mains sur ses hanches. Une question lui brûlait les lèvres. Même si ça ne rachèterait pas son mari, cela pourrait être un bon pas en avant. Car malgré cette trahison, Elizabeth l’aimait plus que tout. Et cela serait le cas jusqu’à la fin de ses jours. Elle décida alors de la poser. S’il mentait, la femme le saurait. Ce qui allait advenir reposait entièrement sur ce qui allait suivre. Si les paroles de Wayne ne disaient pas la vérité, son regard la dirait. La mère de Sky se retourna alors pour faire de nouveau face à son mari.

- Je me fiche totalement de qui est cette fille. Mais il y a quelque chose que j’aimerai savoir. Et j’estime que tu me dois bien ça. Et la vérité…, annonça-t-elle calmement. Il est clair que tu t’en veux. La preuve il t’a fallu des semaines pour enfin m’avouer ta faute. Donc je me demandais… Ces baisers… Est-ce que tu as aimé ?

Wayne ne pouvait clairement plus s’esquiver. Aucune issue de secours n’était disponible. Il ne lui restait plus qu’à affronter ce qui allait arriver dès qu’il aurait donné sa réponse.

Un accueil à la hauteur ?

Wayne fut coupé dans son élan lorsque son interlocuteur lui somma de cesser de lui dire son amour pour elle. Il se tut donc et n'osait même plus la regarder. Lorsqu'elle reprit la parole, il imaginait le pire et ce qu'elle affirma lui fit mal au coeur. Il ne voyait pas du tout qui était le gars du FBI dont elle parlait, mais dans tous les cas, l'exemple qu'elle venait de donner lui fit clairement comprendre qu'il n'avait aucun moyen de se rattraper. C'était fichu. Il avait peur de l'avoir définitivement perdue... Tout cela pour un pari stupide avec Joan. Heureusement, elle ne savait rien en ce qui concernait le jour où Joan l'avait renversé lorsqu'il était à vélo. Ce soir-là, il était allé chez elle et s'était retrouvé à demi-nu sur le canapé de la salle de séjour de la demeure de son ex. Evidemment, il n'y avait rien eu de sexuel là-dedans, seulement une trousse de premier soin pour ses ecchymoses, mais avec cette histoire de baiser, Elizabeth s'imaginerait certainement une fournée de choses étranges si elle avait été au courant de cette affaire.

Wayne baissa encore davantage le regard. Que répondre à cela. "Non, tu as raison, je ne trouverais pas ça drôle." déclara-t-il. "Je serais sans doute jaloux, et terriblement frustré... mais..." Mais quoi au juste? Il ne se mettrait pas en colère? Certainement. De toute façon, ce n'était jamais arrivé et il était incapable de dire comment il aurait réagi. Mais une chose était certaine: son épouse avait touché la corde sensible et avait su lui démontrer par A+B comment il avait été stupide et que son acte n'était pas aussi innocent qu'il se plaisait à le dire. De toute façon, il le savait déjà lui-même, mais il avait préféré minimiser les choses, afin de dédramatiser et de soulager sa propre conscience. Après tout, c'était un cas isolé, une histoire qui aurait pu terminer dans l'oubli s'il n'avait pas décidé d'en parler à Elizabeth. Mais voilà où mène l'honnêteté. Cependant, mieux valait qu'elle l'apprenne de sa bouche que par celle de Joan... Cela était clair.

Le patron d'entreprise poussa un large soupire. Il ne savait même pas quoi dire. Il fallait avouer qu'il n'avait jamais été doué pour ce genre de discussion...C'est-à-dire pour les disputes. Et lorsqu'Elizabeth reprit la parole, Wayne ressentit un frisson de stress lui parcourir l'échine. Bon Dieu... Il s'inquiétait déjà en entendant le début de sa phrase car il pouvait deviner ce qu'elle allait lui demander. Et la question tomba comme un couperet. Il leva les yeux, fixant alors son regard. Il pourrait mentir, dire que ces baisers n'avait eu aucune importance, qu'ils n'avaient pas été langoureux -d'ailleurs c'était vrai! Celui que Wayne avait prodigué à Joan avait été sage... Par contre, le retour de Joan avait été presque bestial..
Mais voilà, sa femme méritait la vérité. De toute façon, il ne savait pas assez bien mentir pour s'en sortir. Elle savait lire en lui, elle sentait quand quelque chose n'allait pas... L'amour les avait rendu si soudés que, des fois, ils n'avaient même pas besoin de parler pour se comprendre et échanger des impressions, des pensées...

Le quadragénaire déglutit bruyemment avant de finalement se décider à parler. "Oui, j'ai aimé ça." déclara-t-il finalement. Ce n'était sans doute pas ce qu'Eli voulait entendre, mais c'était la vérité. Aimer était même faible. A vrai dire, il avait adoré cela car il avait eu l'impression de revenir des années plus tôt... "Ecoute, je suis désolé... Pardonne-moi. C'était une erreur.... J'ai commis une faute et..." Il n'avait aucun argument. Il sentait son Eli bouillir de l'intérieur. La crainte commençait à submerger Wayne qui sentait de nouveau les larmes lui monter aux yeux. Tout son être était fébrile. Il était prêt à la supplier de lui pardonner s'il le fallait. Tout ce qu'il voulait c'était qu'elle lui dise qu'elle l'aimait toujours et pour toujours, malgré son erreur. Même s'il lui faudrait du temps. Il espérait juste ne pas avoir rompu la confiance.

Un accueil à la hauteur ?

Wayne semblait totalement à court d’inspiration pour se sauver du pétrin dans lequel il venait de se mettre. Elizabeth attendit une fin de phrase qui ne vint jamais. Ainsi donc, lui-même avouait que, si la situation était inversée, il n’aurait pas apprécié. De qui se moquait-on ! Ce genre de comportement était typiquement masculin. La danseuse se contenta de lui lancer un regard exaspéré mais ne releva pas. Pendant un instant ses yeux se posèrent sur la table à manger où reposaient encore leurs assiettes et les bougies. Il était difficile d’imaginer que quelques instant auparavant tout était parfait. Qu’ils vivaient un véritable conte de fée. Cette vue lui serra le cœur mais lui inspira la question qui suivit. Avait-il aimé embrasser cette femme ? Car si oui… Dans ce cas c’était une trahison encore plus dramatique. Après un instant de réflexion, Elizabeth le lui demanda. Son mari donnait l’impression que s’il pouvait se glisser dans n’importe quel terrier, il le ferait. Et continuerait de creuser pour se camoufler encore plus.

Ce fut comme si la foudre s’abattait sur elle lorsque Wayne lui annonça ce qu’il avait ressenti. Sa raideur disparue. Elle se sentit alors comme une coquille vide. La mère de Sky fit quelques pas en trainant des pieds pour appuyer ses mains sur le canapé et tenter de reprendre une respiration normale. Wayne continua alors de s’étendre en excuses. Elizabeth baissa la tête tout en passant ses mains sur son crâne, tentant de se reconstruire intérieurement. Il était étrange de revivre cette expérience. Mais d’une manière complètement différente. Cette fois-ci, contrairement à avec Sean, l’homme lui avait dit les choses franchement. Mais la faute n’en était pas moins grave quant à son côté symbolique. Wayne l’avait trompé. Il était donc capable de la blesser. Et ne se rendait même pas compte de l’étendue de cette tricherie. En un instant Elizabeth reprit toute contenance. Elle se redressa pour se mettre en face de lui à nouveau et lui lança, dans un semi-murmure :

- Effectivement. Tu as tout foutu en l’air. J’espère que la gâterie en valait le coup.

La danseuse le foudroya d’un regard glacial puis quitta la pièce, filant directement en direction de leur chambre. Rien ne lui importait plus désormais. Mais une chose était sûre : Elizabeth ne voulait pas rester en sa compagnie ce soir. Et pour une durée indéterminée. Elle ouvrit leur penderie imposante d’un geste sec, et se mit sur la pointe des pieds pour saisir une valise. Une fois en sa possession, la blonde la jeta sur le lit conjugal et l’ouvrit en hâte. Elle revint au placard dans lequel elle prit une poignée de vêtements au hasard. Plus aucune pensée ne s’imposait à son esprit. Elizabeth souhaitait juste en finir le plus possible. Très vite, l’arrivée de Wayne se fit entendre. Lui tournant le dos, il ne risquait pas de voir ce qu’elle tenait dans ses bras.

Un accueil à la hauteur ?

Le quadragénaire comprit que la situation était fichue lorsqu'il remarqua la réaction de son épouse. Elle tenait à peine sur ses jambes et faiblit, se retenant sur le canapé. C'était comme si elle venait d'apprendre la pire nouvelle de sa vie. Jamais il n'aurait cru que ce baiser échangé avec Joan irait si loin dans la destruction de son couple. Wayne ne savait pas s'il devait battre en retraite ou tâcher de trouver de nouvelles excuses. Mais il ne savait même plus où se mettre. Il aurait aimé être une autruche et se cacher sous terre. Il n'avait jamais été doué et cela se voyait... Certes, il se devait de dire la vérité à son épouse, mais il aurait pu être moins catégorique... Par exemple, dire qu'il avait juste apprécié, que cela ne lui avait pas déplu... Non au lieu de trouver une tournure digne de ce nom, il avait annoncé de but en blanc qu'il avait aimé échanger sa salive avec une autre femme. Il était en colère contre lui-même, malheureux de ce qu'il venait de faire. C'était une erreur d'en parler à son amour. Une véritable erreur. Pourquoi ne se taisait-il pas au bon moment? L'homme aurait pu passer une bonne soirée en amoureux, et bah non! Cet idiot avait décidé de se lancer dans les aveux au pire moment qui soit. D'ailleurs, les deux assiettes encore pleine et les bougies étaient là pour le lui rappeler. Il leva les yeux de nouveau sur Eli qui ne tarda pas à quitter la pièce, à peine eut-il le temps de balbutier quelques mots pour la retenir. "Elizabeth! Je t'en supplie, excuse-moi..."
Il l'avait trompée. C'était juste un baiser, mais pour une femme comme son épouse, c'était déjà une véritable tromperie, une trahison sans nom. Et dire que maintenant qu'il avait retrouvé Cordélia, sa fille, Joan entrerait dans sa vie. Sur le coup, il se jura de tenir sa langue et de ne jamais avouer à Eli que la femme en question n'était autre que son ex, celle à qui il avait fait un enfant!

Finalement, après quelques minutes sans oser bouger, le PDG se dirigea vers leur chambre. Eli était en train de faire quelque chose, mais il ne savait pas quoi car il ne pouvait rien voir de là où il se situait. "Ecoute, parlons-en calmement d'accord?" déclara-t-il en tentant de trouver le moyen de rattraper le coup. Qu'elle lui demande ce qu'elle voulait, il répondrait honnêtement. Mais, mis-à-part s'excuser encore mille fois et lui redire qu'il n'aimait qu'elle, il n'arriverait pas à grand chose. Quand on perd la confiance de l'être aimé, on perd tout. Il en avait mal au coeur. Se rapprochant d'elle, toujours sans la toucher, il s'aperçut qu'elle était en train de faire une valise. Les yeux écarquillés, il remarqua: "Tu ne vas tout de même pas t'en aller..." Il ne parlait pas très fort. Heureusement que Sky n'était pas là, elle serait si attristée de voir cette dispute éclater entre ses parents, sans pouvoir en comprendre nettement le sens. "Je peux dormir sur le canapé ou dans la cave, mais ne pars pas..." déclara-t-il dans une supplique. Certes, il comprenait qu'elle veuille prendre un peu de recul, mais la maison était assez grande pour cela. La tension et la crainte submergeait notre homme de 40 ans, qui commençait vraiment à avoir peur de la réaction de sa femme. Le pire, c'était qu'il ne saurait plus dire si elle était démesurée ou non...

Un accueil à la hauteur ?

Elizabeth était en train de prendre quelques vêtements qu’elle fourra en vitesse dans la valise lorsque son mari arriva dans la pièce. Elle l’entendit la supplier de parler calmement mais elle n’y prêta guère attention. A la place, elle se dirigea vers la salle de bain dont l’accès se trouvait dans la chambre elle-même. La pièce leur était d’ailleurs réservée, une seconde étant uniquement pour les enfants et les invités. La blonde prit alors une brosse à dents et quelques affaires de toilettes ainsi qu’une serviette, qu’elle ramena dans leur chambre, fourrant le tout avec les fringues. La danseuse referma la fermeture zip de la valise puis se décida enfin à reprendre la parole d’une voix neutre, ne trahissant ni peine ni autre sentiment. Elle regarda son interlocuteur droit dans les yeux.

- Oh mais la valise n’est pas pour moi Wayne.

Elizabeth saisit la valise par la poignée et l’emmena à son mari.

- Tu y trouveras tout ce dont tu as besoin. J’imagine que tu sais où aller. Maintenant va-t’en.

La mère de Sky se retourna et commença à repartir vers la salle de bain pour se changer. Cependant, elle stoppa net en arrivant à la porte pour lui jeter un regard. Même si elle souffrait terriblement, elle ne pouvait s’empêcher de trouver Wayne misérable avec ses larmes dans les yeux, totalement anéanti. D’une voix qu’elle tenta de réchauffer avec peu de succès, elle lui lança :

- J’ai besoin d’être seule. Pour faire le point. Je vais être franche… Je ne sais pas ce qui va se passer. Tout ce dont je suis sûre, c’est que pour le moment je ne supporte pas de te voir. Je suis tout simplement… dégoûtée…

Elizabeth secoua la tête comme pour marquer sa renonciation et disparue de la chambre. Elle fit alors couler l’eau du bain pour ne pas entendre Wayne reprendre la parole dans le cas où il le ferait, et se laissa éclater en sanglots.

Un accueil à la hauteur ?