Dire que je pouvais être sage était un euphémisme, je n’avais pas quitté mon corps de mec à la fac. Certes, je vieillissais ne pouvant aller à l’encontre de l’horloge biologique. Mais je restais un immature dans l’âme. On avait beau me dire que je gâchais ma vie, je persistais à me boucher les oreilles et fredonner au lieu d’écouter. Vingt-six ou devrais-je dire vingt-sept, puisque j’avais vieillit depuis peu d’une année, je ne me considérais loin d’être vieux. Je profitais donc de ma vie, m’amusant sans prendre conscience que parfois je pouvais dépasser les bordes. Seulement, je m’autorisais à me dire qu’on a qu’une vie et je ne désirais aucun regret. Plus jeune j’en avais tellement vécu, que maintenant j’étais loin de cette idée. Toutefois, j’entrainais le plus souvent Addon avec moi. Qui d’autre pouvait partager ces moments, si ce n’était mon meilleur ami. Il m’arrivait de regretter certain moment, non pas que je ne les avais pas apprécié. C’était loin d’être ça, c’est juste que j’avais l’impression d’être la mauvaise graine qui le trainait vers le bas. Il tentait de s’en sortir et moi tout ce que je faisais c’était lui créer des ennuis. J’avais ce genre de pensés souvent le lendemain de ces nuits de folies dont je n’avais plus aucun souvenir. Je quittais l’hôpital après une journée intensive. J’avais encore de la misère à me dire que j’accouchais des femmes, mais avec ces tâches en plus, j’avais un meilleur salaire que simple infirmier. Je ne m’en plaignais pas, mais ça avait le don de m’épuiser. Je rentrais dans notre appartement, aidant une voisine avec courtoisie à monter son épicerie jusque chez elle. Soit deux étages plus hauts que le nôtre. Je détestais lorsque l’ascenseur avait l’écriteau « en panne ». J’arrivais finalement chez nous, déposant mes clés sur le meuble d’entrer. Je ne perdais pas un instant me déchaussant de mes souliers de travail, j’allais m’avachis dans le canapé sans allumer la télévision. Pour l’instant, j’étais seul ce que je ne détestais pas. Je n’avais pas à l’attendre comme ces femmes préparant le repas pour leur copain. On n’avait rien d’un couple, même si ça donnait cet effet assez souvent. Croisant mes bras derrière ma nuque, j’avais fermé mes yeux jusqu’à ce que j’entende la porte se refermer. J’espérais que ce ne soit pas Kailani qui rentrait. En ce moment, c’était tendu entre nous surtout depuis notre séparation. J’ouvrais un œil prêt à simuler l’homme endormi si c’était elle. Un sourire apparaissait sur mon visage en voyant Addon entré. En tant que flemmard, on se planifiait une soirée sympa avec pizza et bière. De quoi sans prise de tête, on n’abordait pas le sujet de Kailani et ça me faisait foutrement plaisir. Je savais qu’il n’avait jamais été d’accord pour notre relation, mais encore une fois je n’avais fait qu’à ma tête. Je savais que je l’avais blessé, lorsqu’elle avait découvert que je la trompais. C’était plus fort que moi, j’étais fait ainsi même si ça me rappelait ma mère, sauf que je me prostituais pas. Il m’arrivait les nuits où je l’entendais pleurer de m’asseoir derrière sa porte close. Je pouvais passer des nuits entières là, assis sans bouger, sans rien dire. J’espérais secrètement qu’elle trouve un mec bien, que Cupidon la guide avec l’une de ses flèches. Dans une autre vie, peut-être que j’aurai été différent, mais voilà j’étais ainsi. J’avais fini par engloutir beaucoup trop de pizza, me trouvant aussitôt aussi lourd qu’un hippopotame. La bière faisait tout de même passer le tout. C’est surement cet abus d’alcool, qui m’amenait à proposer une idée grotesque. Enfin, je ne m’en rappelais plus, comme toutes ces soirées bien arrosées. Une brise caressait mon visage, ressentant une migraine faire son agace dans mon crâne. J’avais peine à ouvrir un œil, ça me semblait beaucoup trop ardu. C’était peut-être ridicule, mais où que j’étais, je me sentais bien. Je sentais un picotement agaçant arriver à intervalle irrégulier sur mon corps. C’était énervant. Je voulais dormir encore, passant ma main sur mon visage je laissais un bâillement franchir mes lèvres. Je rouspétais sentant quelque chose jouer avec mes cheveux. Je voulais la repousser de mon autre main, mais elle ne semblait en pleine capacité de se mouvoir. Je gémissais timidement, en ouvrant un œil. L’image qui s’offrait à moi me laissait taciturne. Il fallait laisser quelques secondes à mes neurones pour analyser la situation et surtout réagir. Au-dessus de ma tête, se trouvait une chèvre en train de mâchonner ce qui ressemblait à une de mes mèches de cheveux. Horrifié, je me relevais illico presto. Je n’avais néanmoins pas pris conscience que j’étais menotté à elle. Sans élégance, je me retrouvais la tête la première par terre. Bordel. La bouche ouverte, outré par ma pauvre tentative ratée. Je refaisais la même manœuvre, mais cette fois plus doucement. Une fois debout, je regardais la chèvre qui me trainait vers l’herbe non loin. Sale bestiole ! Je me passais la main sous mon nez qui laissait une grande zone rouge sur ma peau. Voilà je saignais du pif. Je tournais la tête à droite et puis à gauche. Je remarquais finalement Addon couché dans la fontaine. « Mais qu’est-ce que tu fous en dessous ? » J’avais eu quelques difficultés à articuler correctement, mais le choc de le voir en lingerie de dentelle l’avait de loin empoté sur ma gueule de bois. J’étais, hélas, mal placé pour passer un commentaire réalisant qu’en plus d’être attaché à une chèvre j’étais en boxer. Qu’est-ce qui pouvait bien s’être passé ? On avait peut-être fait un peu trop la fiesta ! Je regardais autour de nous, on était loin d’être dans notre appartement. Le soleil semblait se lever tranquillement laissant ses nuages d’un rouge passion se fondre dans le bleu du ciel. On était donc le matin et l’aurore nous disait bonjour. Je me laissais choir sur l’herbe près de ma chèvre, au diable Addon, il n’aurait qu’à se déplacer. « En tout cas, toi t’as pas l’air de trouver tout ceci étrange… », disais-je à la mangeuse d’herbe. « Si au moins, tu pouvais parler pour nous raconter… » Voulais-je vraiment savoir ? Pas vraiment, mais en même temps c’était presque obliger surtout si je voulais les clés pour me libérer d’elle.