« ENCEINTE », oui, c’était ce que je venais de dire avant que pouf, plus rien. J’avais quand même prise le temps de balancer ces tests de grossesses contre le mur, certains dans la pièce. Parfait. Ils allaient jouer à cache-cache dans le salon et se retrouver bon à être chercher. Pâque est passée ? C’était parfait pour la chasse aux œufs. Remplaçant les par les tests et hop mais bien loin l’idée de penser à chercher des tests, j’étais ailleurs. J’étais très loin. J’étais dans ma tête, dans les pommes. Je pouvais peut-être en cueillir ? Bien loin l’idée de penser au fruit défendu car c’était ce qui me mettait encore dans cette situation. J’avais parfois l’habitude de tomber facilement dans les pommes, surtout quand j’étais paniquée mais cela ne m’était plus arrivé depuis quelques temps quand même. Je ne me sentais même pas déplacée mais je revenais peu à peu à la conscience dans ses bras sauf que je n’étais pas encore apte à sortir totalement de mon « coma » si on peut le dire ainsi même si ce n’était pas du tout le cas, ce n’était pas un coma. J’entendais de loin ses mots, je sentais de loin ses caresses. Une tendresse qui me faisait peur car cela se finissait toujours mal quand j’annonçais tout simplement que j’étais enceinte à une personne. De mon passé, je n’avais vu que Samuel qui ne m’avait pas jugé ou abandonné. Mes parents m’avaient jugés quand j’avais 15 ans, mon ex enfin le père… était parti et d’autres ne savaient même pas que j’étais enceinte mais… j’avais nullement envie que Toby ne me juge ou m’abandonne… c’était con mais j’avais l’impression d’apprendre à nouveau ce que cela faisait être heureuse. J’avais perdu cette sensation. Le gout du bonheur. Ouvrant les yeux, je recevais aussitôt un baiser sur mes lèvres mais le méritais-je ? Punaise, j’étais enceinte, je ne méritais pas d’affection mais j’avais juste envie de me coller des tartes et il était encore gentil avec moi alors que toute sa vie allait changer. S’en rendait-il compte ? Je n’en savais rien mais je préférais me dire que non. J’inspirais doucement en le regardant attentivement. Allais-je bien ? Je n’en savais rien, je me sentais sonnée. Je posais alors une main sur mon front, la passant dans mes cheveux ondulés et inspirant doucement. « Je n’en sais rien ! », murmurais-je alors délicatement en attrapant alors mon ourson en peluche que j’avais gardée depuis… et bien depuis la naissance de Lucy mais personne ne le savait, c’était ma seule attache à cet enfant depuis mon départ de Los Angeles donc depuis que je l’avais laissée à mes parents. J’avais pris cet ourson dans son berceau à la naissance. Il avait été offert par une infirmière à la naissance. Je l’avais gardé après qu’il ait dormi plusieurs nuits avec Lucy. Il n’avait pas son odeur mais il avait pour moi un côté rassurant. Je le serrais contre moi en me recroquevillant, du côté face de Toby, non, je ne lui tournais pas le dos. Je n’en avais pas envie mais voulais-je être seule ? Je n’en savais rien et pourtant enfin c’était étrange dans ma tête. Tellement. Je voulais être seule, sans le vouloir car je savais que je ne pourrais pas gérer seule, je n’en étais pas capable. Le souvenir de ma solitude lors de ma première grossesse m’avait traumatisée en quelques sortes. « Je suis désolée ! », disais-je alors d’un ton triste comme si c’était la fin du monde ce que je venais d’annoncer car pour moi, c’était une nouvelle difficile, peut-être pas une mauvaise nouvelle mais pas facile. On n’était quoi ? On n’était même pas capable de définir quoique ce soit que voilà, j’étais enceinte. On était juste bien alors pourquoi se prendre la tête à définir ? Mais là, cela se précisait, cela devenait plus… c’était dangereux. J’inspirais doucement, très doucement. Je sentais cette boule dans mon ventre qui gonflait. J’avais envie de pleurer alors qu’elle remontait, doucement vers ma gorge. Cette boule presque à me laisser en sanglots. Je laissais alors une larme, une seule couler le long de ma joue, les yeux se fermant au fil de la sensation de celle-ci coulant. Je ne savais que dire, je me sentais idiote de ne pas avoir de mot. Il fallait que je dise un truc ne serait-ce que pour le rassurer ou enfin… je ne savais pas réellement et je savais pourtant que les hormones aidaient. J’inspirais à nouveau. « Je ne pense qu’à moi alors que toi, t’es aussi en plein dedans… je me sens stupide… », disais-je soudainement alors que ça sortait un peu de mes pensées en fait. Je ne devrais peut-être pas dire ça mais je le pensais. Je ne me demandais même pas si lui… il était bien, mal, triste… je n’en savais rien. J’avais même peur d’ouvrir mes yeux et le regarder. Sûrement par ce que j’avais peur de le voir s’envoler ou me juger.

Désolée oh oui, je l’étais. Paumée aussi. Totalement. Je ne savais pas trop comment réagir à la situation. Je ne savais même pas comment j’allais ou même… je ne savais rien. Je ne saurais même pas dire si j’étais heureuse. Je l’étais peut-être mais je n’arrivais pas encore à trouver ce sentiment parmi tous ceux qui se mélangeait dans ma tête, mon corps et mon cœur. Je ne savais pas vraiment comment réagir. Je ne savais pas quoi dire. Il me disait aussitôt qu’il était heureux d’une façon étrange. C’était un peu perplexe que je le regardais sans rien dire. Je crois que je ne m’y attendais pas. Je ne savais pas quoi dire. Je me contentais d’acquiescer sans mots pour l’instant mais simplement surprise. Comment je devais réagir face au bonheur qu’il ressentait ? Je ne savais pas comment dire que je l’étais aussi. Je ne saurais même pas dire si je l’étais. Je me sentais soudain un peu différente, un peu mal aussi car cet enfant… ? Je n’étais pas sûre de le vouloir, je n’étais pas sûre de le mériter non plus mais lui ? Il semblait le vouloir et il le méritait. Devais-je faire abstraction de mes appréhensions pour lui ? Il avait semblé avoir assez souffert à mes yeux et il m’avait rendue heureuse et importante les jours précèdent. Il m’avait donné l’impression que la vie pouvait être belle et plus facile. Moins de contraintes ou l’impression d’en avoir moins car tout semble plus fluide quand on va un peu mieux dans le sens du bonheur. « Je… », m’apprêtais-je à dire un peu en cherchant des mots mais rien n’arrivait. Je ne savais pas vraiment quoi dire. J’avais peur de le décevoir en fait car là, c’était trop tôt pour moi. C’était trop tôt pour que je puisse exprimer une once de bonheur. Je pensais surtout à ma vie qui n’était pas simple. J’avais un frère en fauteuil, une sœur à l’hôpital qui ne savait pas encore que j’étais sa sœur, une fille de 7 ans alors que je savais à peine m’occuper de moi et tellement de choses comme Samuel qui mange moins qu’une mouche et encore une fourmi serait plus appropriée. C’était compliqué. Tellement. Je restais muette devant lui, ayant pourtant de quoi dire comme le fait que je ne savais pas si j’étais heureuse ou j’en passe mais je ne voulais pas lui dire car c’était normal de ne pas l’être à mes yeux mais je ne voulais pas gâcher son bonheur. Pas avant d’avoir assimilée la nouvelle et apprit à être heureuse de celle-ci. Je cherchais un signe ou un truc pour pouvoir me sortir de ce piège. C’est là que BINGO. Non, je ne gagnais pas au Lotto. WINNER. Je gagnais que Lucy m’appelait en criant « Maman ! », c’était sûrement la seule fois où j’étais heureuse d’entendre ce mot à laquelle j’avais un peu de mal à me faire encore. « … je dois y aller ! », disais-je en souriant doucement, un léger sourire et me levant pour aller ensuite sauver cet enfant et m’éloigner de cette conversation que je ne voulais pas vraiment avoir. « On en reparle plus tard ! », avais-je dis avant de fuir l’inévitable.