« Je ne vous garantis pas le résultat, madame. » La voix du médecin faisait écho dans la salle, je ne comprenais pas grand-chose, je savais juste que j’allais pouvoir enfin ouvrir les yeux derrière ce bandage. Et quand il enleva ce bandage et que je vis le regard de la mère et son visage, je rigolais et pleurais en même temps. Je pouvais enfin mettre des formes et des couleurs sur ce que je voyais. Je ne sais comment ma mère s’est battue mais elle m’a obtenue cette greffe, qui était risquée et pourtant… je voyais, je pouvais enfin voir la vie comme elle me l’était décrite. Et j’étais ravie, je souriais à en avoir mal aux joues. « Et oui, June, tu vois enfin qui est ta maman. » Elle pleurait, moi aussi car je ne comprenais pas tout mais je savais qu’elle m’avait tout donné pour me permettre cette chance de voir. Je tapais dans mes mains et me tournais vers le docteur, je savais que ma vue s’améliorerait au fur et à mesure des jours et des années, car là c’était trouble. Mais j’allais avoir une vie normale, enfin presque des plus normale. « Il faut qu’elle prenne ce traitement à vie, ça l’aidera à supporter sa greffe dans les débuts et éviter un éventuel rejet. » Ils continuèrent de parler mais moi j’étais plus intéressée par ce qui se passait par la fenêtre et plus particulièrement les arbres qui bougeaient, enfin c’était encore flou mais je voyais et je souriais. Ma mère s’était battue pour moi et j’allais la rendre fière de sa fille.


Je courais sur le chemin pour rentrer à la maison, j’avais eu une bonne note à mon dernier devoir et je voulais l’annoncer à ma mère. J’étais à bout de souffle en poussant la porte de la maison. « MAMAAAAAAAAAN ! MAMAAAAAAAAAN c’est moi, je suis rentrée. » Je jetais mon cartable dans le coin de la pièce puis montais les escaliers en courant, toujours, pour essayer de trouver ma mère. « Maman ? » Je descendis, plus tranquillement cette fois-ci, me demandant où est-ce qu’elle était. Je me dirigeais vers la cuisine et arrêtais le four qui était en train de tourner puis allais dans le salon où je la vis, elle était au sol, dans une mare de sang avec un couteau à côté. Mon cri sortit de ma gorge sans que je m’en rende compte, tellement perçant que cela alerta les voisins qui arrivèrent dans la pièce. Je ne compris pas ce qui se passa par la suite, les ambulanciers, les gendarmes, les services sociaux… Tout était retourné dans la maison sans que je comprenne pourquoi. Et je me retrouvais dans un centre avec une vieille dame qui essayait d’être gentille avec moi. « Est-ce que tu sais qui est ton papa ? » Je secouais la tête, ma mère m’en avait parlé. Enfin je l’avais entendu parlé et hurlé au téléphone à ce soi-disant père. Mais jamais je ne l’avais vu, je savais que ma mère était en contact avec elle mais je ne savais pas comment il s’appelait. C’était peut être marqué sur des papiers, je n’en savais rien. Je finis par m’endormir sur la table et on me réveilla quelques heures après pour me dire que ma famille était arrivée. Quelle famille ? Je n’avais personne à Londres. Je n’avais pas de grands-parents, ni d’oncle, ni de tante. Et je vis une tête blonde ainsi qu’une personne brune. Un homme. Je regardais la vieille dame et haussais les épaules, incapable de dire quoi que ce soit. « C’est ton père. On a réussi à retracer les appels de ta mère et on a trouvé ta famille, Junie. » Je m’essuyais les yeux et me remis à pleurer malgré moi. Et je sentis les bras de cette fille, ma sœur, m’entourer et je m’agrippais à elle. Je ne lui ressemblais pas tellement, ayant plus pris des trais de ma mère mais je sentis que nous n’allions plus tellement nous séparer à présent. J’avais perdu ma mère et j’avais gagné l’autre côté de la famille. Je ne compris jamais pourquoi elle avait mis fin à ses jours et je lui en veux, mais ça je ne l’ai jamais dit, même encore maintenant, je lui en veux. Je partis donc pour les Etats-Unis, quittant l’Angleterre pour vivre une nouvelle vie.


Je mis mes gouttes dans mes yeux et sortis de la salle de bain pour laisser la place au reste de la famille. Je m’y étais habituée et maintenant je faisais partie intégrante de cette famille, j’avais changé de nom prenant celui de Sarah. J’étais sa sœur, sa vraie sœur et je ne faisais pas de différence. Elle non plus. Mais je devais m’en aller en internat afin de pouvoir faire mes études, je m’éloignais donc de ma famille pour devenir kiné pour les personnes revenant du front. J’avais vu des documentaires, je m’étais renseignée et j’avais vu comment on pouvait aider ces personnes à aller mieux, je voulais faire ça. Je voulais rendre service à la population en offrant mes services et aller dans le domaine médical allait peut être me faire comprendre pourquoi ma mère a décidé de mettre fin à ses jours. Ca me hantait tout le temps et je n’en parlais même pas à Sarah, elle n’était pas au courant de mes cauchemars récurrents lorsque j’étais en état de stress ou bien quand la date de sa mort approchait. Je me cachais ou bien faisais comme si tout allait bien, et j’étais plutôt fermée comme fille voilà pourquoi personne ne remarquait rien. Je venais de boucler ma valise et descendis rejoindre mon père, Sharon et Sarah dans le salon. « Bon… il est temps d’y aller. » Je prenais mon indépendance en quelque sorte, j’avais terminé le lycée et je m’en allais à l’université mais assez particulière, prestigieuse pour obtenir les meilleurs résultats. Je serrais mon père dans mes bras, embrassais Sharon et pris Sarah dans mes bras. « Tu viens me rendre visite dès que tu peux. » Je savais qu’elle avait aussi sa vie ici, mais je ne pouvais pas rester. Je devais rendre service aux autres. Je partais donc pour cinq ans d’étude et de stage pour devenir kiné et ostéopathe à la fois. Tout pour aider les personnes. Mon taxi arriva alors que je desserrais mon étreinte de ma jolie sœur et tournai les talons en direction de ma vie d’étudiante qui commençait.


« Mademoiselle Hillsdone ? » Je ronchonnais, mais n’ouvris pas les yeux pour autant mais quand je sentis une main sur mon épaule, je sursautais sentant un filet de bave sur le coin de ma bouche, que j’essuyais immédiatement. Je regardais autour de moi et vis que je m’étais endormie en plein cours. Super. Je sentis le rouge me monter aux joues et je pris une grande inspiration pour ne pas bégayer lorsque je pris la parole. « Je suis désolée M. Franklin… » Je rangeai mes stylos et le regardais sans vraiment savoir quoi rajouter. Je n’étais pas dans mon assiette ces temps-ci et je ne savais pas comment le cacher, surtout en cours. Ca faisait déjà trois ans que j’y étais et je devais dire que je préférais les périodes de stages. La sonnerie me sauva et je pus m’en aller des regards qui se faisaient trop insistants sur moi. Je rejoignis mon appartement et balançais mes chaussures à l’entrée. J’attrapais mon téléphone et composais immédiatement le numéro de Sarah pour lui raconter ma journée et pour décompresser, mais je tombais sur son répondeur. Je pris alors une voix enjouée, pour ne pas l’inquiéter, lorsque je laissais un message. « Salut belle blonde ! Je m’ennuyais de toi donc je te laisse ce message car tu es une sœur indiiiigne. Non je déconne, juste pour te dire que je pense fort à toi et que je suis pressée de te voir pendant les vacances. Bisous SJ ! » Je raccrochais et soupirais en me passant les mains sur le visage. Plus que deux ans à tirer et j’aurais mon diplôme. On toqua à ma porte quelques secondes plus tard et je plaquais sur mon visage un sourire et quand j’ouvris, je pus voir qu’Ethan n’avait pas oublié notre rendez-vous, malheureusement. « Mademoiselle Hillsdone, j’ai entendu dire qu’on s’était endormi en cours aujourd’hui ? » Il m’attira dans ses bras et je souris à sa phrase, lassée et fatiguée de devoir supporter ces petites répliques. Je me reculais et allais dans ma petite cuisine pour prendre un verre d’eau. « Oui, je suis fatiguée, du coup je ne sors pas ce soir. Tu ne m’en veux pas ? » Je ne me retournais pas pour voir son regard, je savais très bien ce qu’il en pensait, ça faisait plusieurs fois que je reportais nos sorties et les soirées qu’il me proposait. Je sentis ses mains sur mes hanches et sursautais. « Disons que tu pourrais compenser ce refus par autre chose. » Je pinçais mes lèvres et me tournais vers lui en l’embrassant puis me reculais pour le contourner. « Tu sais très bien qu’il faut que je travaille… » J’étais naïve, je savais où il voulait en venir, mais je ne voulais pas, je ne lui donnais pas ce qu’il voulait car j’avais peur, trop peur d’aller encore plus loin et de m’engager dans quelques choses. Sauf que je ne m’attendais pas à la suite. « Faut que tu te décoinces Junie. Tu vas finir vieille fille si tu continues comme ça ! T’as 21 ans bordel. Grandis un peu. » Et il partit, sans me laisser le temps de répliquer. Je venais de prendre une claque mais de toute façon, je ne lui aurais rien dit de plus, je ne sais pas m’énerver, je n’y arrive pas. Ca faisait seulement quatre mois que j’étais avec lui et j’avais réussi à m’y attacher, alors oui, ça faisait mal de se faire larguer. Je repris mon téléphone et rappelais Sarah pour parler même si elle ne décrochait pas, mais heureusement pour moi elle répondit et je pus déballer mon sac par rapport à Ethan et les cours, comme quoi j’en avais marre et que je voulais arrêter. Sauf qu’elle me donna la force de continuer et que je devais penser à moi et pas aux autres. Pour une fois.


Voilà, je venais de terminer major de ma promo et le plus dingue c’est que je poursuivais une spécialisation, j’allais poursuivre encore deux ans mes études pour obtenir le grade supplémentaire. J’étais mordue et je voulais surtout aller plus loin pour aider encore plus de personnes et les soldats plus particulièrement, avec le programme qui venait d’être mis en place, c’est là que j’allais. Los Angeles, juste à côté de Pasadena. Je revenais donc à mes sources natales tout en poursuivant ma quête du bien être des autres avant le mien. Ces deux ans étaient dures mais je réussis, je reçus le dernier diplôme qui me manquait et j’étais fière, fière de pouvoir le montrer et m’en vanter en quelque sorte. Certes, je n’avais pas beaucoup de vie sociale, mais je m’en fichais, j’allais servir pour la communauté et ça me suffisait. Du coup, je décidais de postuler là où j’avais travaillé pendant deux ans, au centre de remise en forme pour soldat, dans leur rééducation mais aussi pour des séances de massages. Et, voilà que depuis peu on m’attribua un cas des plus difficile que je venais de rencontrer. Pas sûre qu’il me rende la tâche facile, mais je n’avais pas fait ces études pour rien.