L'hiver vient. Après m'être retrouvé sans nouvelles de Siriam, et notre ancien club encore sur nos talons, à Lewis et à moi, j'avais décidé de prendre un peu le large. Juste la route, la bécane et moi. Faire le mort. Mais j'ai trop investis sur Pasadena. Ce garage, cette maison. Jamais je n'aurais pensé devenir sédentaire à ce point. Et puis mon frères, Lewis, me manque trop. Sans compter ce petit bout de chou qu'est sa fille. Et je me devais aussi d'être là pour son ex et son fils caché. Quoique maintenant, je me demande s'il l'est encore, caché. Le grondement du moteur de ma bécane se fait entendre dans Pasadena. Je regarde autour de moi. Rien à changé. Tout semble être similaire. Et en même temps rien n'est vraiment pareil, maintenant. J'entre dans ma rue, à part les feuilles mortes, mises en tas sur le sol, tout est à sa place. Je stationne ma moto dans mon garage et le referme derrière. Mon chien -Léo-, était venu avec moi. Il s'était bien comporté, restant à sa place, entre le réservoir et moi. Il avait même appris à supporter ses lunettes pour éviter de détruire ses yeux. Il remuer la queue tant et plus à la simple vu de la maison. Je la regardais du coin de l’œil. Tant de bon souvenirs qui ne seront plus. Notamment avec Siriam. Je me dirige vers cette dernière.

J'en franchis la porte et remet en route le disjoncteur. Je constate la légère couche de poussière un peu partout. Je m'ouvre une bière, met de l'eau et des croquettes pour Léo, et commence à ranger mes affaires, les sortants une à une de mon sac à dos. J'entreprends de faire un bon gros ménage. La maison, jusqu'ici inanimé depuis 2/3 mois, reprends peu à peu vie. Cela fait plaisir à voir. Je me dirige vers la salle de bain et prends une douche bien chaude appréciant cet instant. Une fois sorti de cette dernière, je m'habille d'un t-shirt blanc et d'un jean. J'enfile une veste à capuche et envoies un SMS à Lewis. Je lui avertis de mon retour sur Pasadena et lui dis que s'il veut passer il le peut. Je laisse tourner un album des Black Keys en fond sonore. Je me fais un sandwich et m'assieds sur le plan de travail pour le manger. Je m'allume une clope, me sors de nouveau une bière et apprécie ce retour au calme. Je passe mes mains sur mon visage et grimace en touchant le coin de mon oeil. Une bagarre dans un pub, aux alentours de Las Végas. Sans compter celles que j'ai pu avoir au Texas. J'ai retrouvé le gang de Bikers qui nous avait offert un escorte, à Sarah-Jane et moi. J'ai roulé pendant quelques semaines avec eux. Sans pour autant être l'un des leurs. Ils m'ont proposé de devenir prospect chez eux. Et le jour où je serai un full patch, ils verront pour l'ouverture d'un chapter sur Pasadena. Pourquoi pas. Un jour peut-être. Il faudrait que j'en parle à Lewis. Si bien sûr, ce dernier daigne venir ce soir!

J'entends frapper à la porte. Je bondis du plan de travail de la cuisine après avoir posé ma bière. Je rejoins l'entrée et ouvre la porte. Ni une ni deux, Abel me charrie. J'esquisse un sourire. Perte de poids je veux bien. Rides, moins. Je ne suis parti que deux voire trois mois. En revanche, la fatigue à creusé mes cernes. Cela se voit. Et mes traits se sont sans doute durcis. Il faut dire que traverser le pays à la recherche d'une partie de son âme n'est pas mince affaire. Je le regarde de la tête au pied et lui réponds sur le ton de la vanne :

« Tu ne t'es pas vu toi ? On dirait un grand-père ! La barbe te va bien mais ça te vieillis mon frère! » Je lui frappe l'épaule d'un petit coup de poing amical, rien de bien méchant et me retourne, laissant la porte ouverte. Il referme la porte derrière lui. On rejoint la cuisine et il me tend le pack de bière. « Oh, merci, mon frère ! » Je le prends et le pose dans le frigo. Je sors une des miennes -fraîche- et lui tends. Je rejoins ma place sur le plan de travail et me saisis de la canette que je n'avais pas finis. Je le laisse saluer le chien en souriant. Content de voir Abel sans doute. Il me demande comment ça va. Je fais la moue et surenchérit sur mon voyage.

« Ça peut aller, Abel. Comme quelqu'un qui a eu besoin de se retrouver lui-même avant de pouvoir continuer. J'ai eu besoin de retrouver ce que j'ai quitté en arrivant ici. » Je lui désigne le bleu sous mon œil gauche. «  Mais comme tu peux le constater, je suis revenu ! J'allais pas t'abandonner ! Sinon tu serais perdu sans moi ! » Je le taquinais à mon tour. Je lui devais bien ça. Je bois une gorgée de ma bière et me sors une clope de mon paquet. Je le balance sur la table pour le mettre à sa disposition. « Et toi alors ? Tu vas bien ? Tout roule pour toi ? »

Je réalise en lui posant la question qu'il ne me parlera pas franchement. Ou il survolera le sujet mais sans aller dans les détails. On est comme ça, lui et moi. On aime pas se lamenter pendant des heures sur nos problèmes. Même s'ils nous rongent. On est des hommes d'actions. Pendant qu'il me répond je regarde rapidement le courrier que j'ai rapatrié de ma boite aux lettres furtivement. Je fronce les sourcils en constatant qu'un client mécontent m'a annoncé qu'il ne me paierait pas mes dus. Un client chiant en plus. Exigeant au taquet qui m'avait forcé à lui commander une pièce non-adaptée à son moteur. Et il se plaignait dans la lettre de ladite pièce. Le foutage de gueule. Bien sûr je continues d'écouter Abel.

Taquinerie entre frères, toujours ce mot d'ordre entre nous. Et voilà qu'il se jette des fleurs ! Mettre des filles aussi facilement dans son lit ? Non mais, où va le monde ! Dire que c'est moi qui lui ai présenter sa première « copine », alors qu'il était prospect et n'osait même pas regarder la gente féminine ! Bon, il n'a su bien que bien plus tard, la vérité. Je lui avais payé une prostituée. Mais au moins, il a pris de l'assurance ! Je rigole gentiment en levant les yeux aux ciels.

_Quand tu seras grand-père, tu auras surtout des soucis de prostates ! Surtout si tu continues à faire passer les vessies pour des lanternes comme tu le fais, mon frère! Je lâche un petit coup de poing sur son épaule, pour souligner ma vanne. Entre amis de très très longue date, il faut bien se tirer dans les pattes de temps à autres !

On alla s'installer dans la cuisine, portant les bière qu'il m'avait ramené, et j'en sortis deux fraîches du frigo, tout en plaçant son pack dans ce dernier. L'avantage d'avoir des munitions d'avance. Je ris de nouveau à sa taquinerie. Moi ayant besoin de lui. Bien sûr ! Il a raison. Même si c'est réciproque. Et lorsqu'il me dresse les plans de sa fille, Chloé, je souris tant c'est mignon. Même si la reine des neiges, très peu pour moi !

_T'en fais pas, on t'invitera au mariage ! Tu pourras même visiter notre château ! Et tu auras même ta chambre médicalisé dedans, papy! Comme ça, les infirmières pourront s'occuper de toi! Je lui fis un clin d'oeil et bu une gorgée. Je l'écoute répondre à ma question première. Je sens dans sa voix qu'un truc ne va pas. Et ça concerne une fille. Là dessus, nous sommes vraiment similaires ! Toujours aussi silencieux. J'ai vu Lidwyn d'ailleurs, l'autre soir. Elle ne travaille plus pour toi, c'est ça ? C'est cool en tout cas, si vous gardez contact, pour la petite Chloé. Je souris un instant et reprends. D'ailleurs, elle est plutôt mignonne Lidwyn. Et je crois que je ne l'ai pas laissée insensible ! Elle a surtout eu la trouille que je reprenne la bécane car j'étais trop bourré pour conduire. Mais c'est vrai qu'elle me plaît bien, cette jeune fille !

Tout en parlant et écoutant mon vieux frère, je décortiquais mon courrier. Et lorsque je vis cette lettre du client, Abel vit que je n'étais plus vraiment souriant. Il vint regarder la lettre et compris. Sa proposition, plutôt alléchante, et mon honneur à défendre, je ne pouvais qu'accepter.

_Ouaip, j'ai bien envie de lui foutre la trouille. En bécane ça va être chiant. Je vais sortir la camionnette. On évite de le braquer. On l'emmène juste à l'arrière de la camionnette, et on le laisse au fin fond des bois, en caleçon, sans téléphone, ni clef, ni porte-feuille. J'aurai peut-être de quoi me rembourser dans ce dernier. Et il comprendra la leçon, même s'il ne saura pas que ça vient de moi. Ça te tente? Mon regard et mon sourire plutôt narquois, ça, c'était le Dean d'il y a quelques années. Le biker à qui rien ne faisait peur !

[quote="Abel D. Hopkins"]

Je l'écoutais parler, on se taquinait, rien d'anormal. Surtout lorsqu'il s'agissait de le faire passer pour un vieux croulant avant l'heure, ou lui dire qu'il va avoir des soucis de prostates.

_T'en fais pas, va, pour les infirmières, ont leur fera passer un casting de pole-dance! Je lui fis un clin d’œil avant de me pencher sur le courrier. Et de grimacer. Abel, comme à son habitude, me demande ce qu'il se passe. Je lui réponds en lui expliquant l'histoire du client. Abel est plus que partant pour aller lui rendre visite. Et reprendre les bonnes vieilles techniques, je dois bien l'avouer, ça me plaît bien aussi. Retrouver mon frère d'armes, pour régler mes affaires. J’apprécie son aide. D'autant plus qu'on le savait tous deux, un coup aussi facile, j'aurai pu m'en charger seul. C'était surtout histoire de se retrouver, comme au bon vieux temps.

On sort de la maison et on se dirige vers mon garage. On monte dans la camionnette et je conduis jusque devant le domicile du type. Alors que le plan n'était même pas encore entendu, je vois Abel descendre et parler au gars. Je comprends aussitôt et me mets à l'arrière de la camionnette. Je vois Abel et le client se diriger vers le véhicule. Je n'entends pas ce qu'ils disent, jusqu'à ce qu'il soit à proximité. Je comprends pour le coup de la roue de secours. Et le type se saisit de la poignet de la porte arrière afin d'y chercher des outils. Dés que la porte est ouverte, alors qu'il a le visage tourné vers Abel, je mets un sac sur sa tête et le tire, son cou dans le pli de mon coude, jusque dans la benne. Je tente de le contrôler et dis à Abel :

_Va prendre le volant et emmène nous loin, très loin! Je resserre mon coude autour du cou jusqu'à ce qu'il finisse par tomber dans les vappes. Je profite de son évanouissement pour le ligoter et le bâillonner puis lui remets le sac sur la tête. Je m'approche d'Abel et lui dis _T'as géré vieux. Essaye d'aller dans les bois de Redwood, c'est à 20 minutes de routes. On va lui montrer ce qu'il en coûte de négliger son garagiste.

Je ris légèrement et me rassoit face à notre victime. Celui-ci commencer à reprendre conscience et se débat. Je lève les yeux au ciel en me disant qu'il n'a aucune chance. Je préfère le laisser face à l'angoisse et l'inconnu un petit moment. J'observe le silence, en le regardant gesticuler comme un insecte.

On se dirigeait vers les bois de Redwood, se remémorant quelques vengeances à l'ancienne, ce genre de choses qu'on faisait à Deadwood. Je regardais le mec ligoté et ressentait la même chose qu'avant. Ce sentiment de faire parti d'un tout, d'une fraternité. Ce plaisir de voir les routes s'ouvrir à nous lorsque nous roulions côtes à côtes. C'était comme un addiction que j'avais oublié, et qui revenait, emplissant mes veines de cette adrénaline. Je le savais, un peu plus tard dans la soirée, je me roulerai une cigarette magique, une bière, et je m'endormirai sûrement encore dans un endroit étonnant dans ma maison. Cette sensation de bien-être après avoir réussi un tel coup, et de ne pas penser aux conséquences de ces actes, juste agir. Se libérer d'une société tout en risquant de s'y faire enfermer. Au pire, je risquerai une garde à vue, étant donné ce que je compte faire. Lorsqu'Abel parle de son ex, m'expliquant qu'il connaissait ces bois, je lui dis en rigolant

_Tu sais quel genre de couple se voit au fin fond des bois? Je me mets à rire et regarde le client ligoté commencé à s'éveiller. J’attrape son visage d'une de mes mains, serrant sa mâchoire entre mes doigts. Eh, vieux ! La belle au bois dormant s'éveille!

Au même moment, Abel arrête la camionnette. Il ouvre les portes et le fait descendre sans vraiment se soucier de son bien-être. J’attrape ma lame et je m'accroupis à côté de mon client. Je retire son scotch sur la bouche et il se met à chiale. Le pauvre. J'aurais été quelqu'un de normal, j'aurai sans doute pris pitié. Je retire ma capuche, dévoilant mon visage et souris avant de lui expliquer calmement ce qu'on fait ici.

Arrête un peu de chialer, t'es un homme bordel ! Tu as bien su montrer que tu en avais dans le slip quand tu m'as envoyé ta p'tite lettre ! Comment tu t'appelle déjà ? William, c'est ça ? Je vais t'appeler Bill. C'est beaucoup mieux d'avoir un surnom, sur sa pierre tombale, pas vrai ? D'un mouvement je fais un geste de la main, comme si j'écrivais dans les airs ce que je prononçais William « Billy » Ordure! Je me mis à rire et l'attrape par la manche de sa veste, le traînant au sol pour l'adosser contre un arbre, de manière à ce qu'il soit assis. Il transpirait tout ce qu'il pouvait le pauvre.

_Tu vois, Bill, je suis pas un monstre. Je ne t'ai pas laissé complètement dans la boue ! Par contre, si j'avais que des clients comme toi, je serai pas mal dans la merde ! Tu te souviens, des petits caprices que tu faisais, lorsque tu étais à mon garage ? Et tu as refusais de me payer, parce que j'ai cédé à tes exigences. Je suis sûr qu'on peu en parler pas vrai? Il fait oui de la tête. Je reprends mon discours calmement Alors, on va trouver un petit arrangement. Si j'ai pas des excuses, alors tu risques de croupir ici assez longtemps. Et compte pas sur moi pour te détacher. Oh bien sûr, tu auras une chance de survie, Billy. Je veux dire, tu pourras bien te détacher. Mais tu sais, les bois sont plutôt dangereux, surtout la nuit. Il y a des cougars, des grizzlys. Maintenant, si tu t'excuses, on te ramènera peut-être à Pasadena, ou au moins non loin d'une ville, et les mains et pieds libres. Et bien sûr tu t'engageras à me payer demain matin. Et tu ne diras aucun mal de ma petite entreprise. J'aimais avoir cette influence sur les victimes. Il faisait oui de la tête lorsqu'une odeur se fit atrocement sentir. Mec ! Tu t'es pissé dessus, ou je rêve ! Oh merde ! Je sors mon téléphone et le prends en photos. Eh bien moi qui comptais te foutre à poil pour avoir un moyen de te faire chanter si jamais tu n’obéissais pas, tu as de la chance Billy ! J'ai mon moyen de pression, maintenant. Donc on va rentré, tous les trois, dans la joie et l'allégresse. Tu vas te prendre une bonne petite douche, passer une bonne nuit, et demain tu passes à mon garage, et tu paies la facture, Bill.

Je l'aide à se relever et le place dans la camionnette. Je fais signe à Abel de repartir et surveille Billy tout le long du chemin. Lorsqu'on arrive devant chez lui, je le détache et ouvre la porte. _Allez, du vent, à demain ! Et n'oublies pas le pourboire! Je fais signe à Abel de nous ramener. Une fois qu'on est assez loin, je repasse devant et éclate de rire.