Bien que j’étais revenu depuis mars, ma vie n’avait malheureusement pas recommencé à être ce qu’elle était avant ma décision de retourner dans l’armée. Je savais que plusieurs personnes avaient été contre, d’autre me l’avait tout simplement fait sentir sans pour autant me le dire verbalement. J'avais l’impression que seul Aaron me comprenait, en même temps, il était le mieux placé pour me comprendre. J’avais un rôle à jouer au sein de ma famille, mais aussi pour mon pays. Certain ne voyait pas l’importance de cela, mais lorsqu’on n’est pas un soldat, je peux concevoir que ce n’est pas facile à comprendre. J’avais finalement laissé derrière moi ces commérages lors de l’anniversaire de ma fille, mais j’étais encore affecté par le fait que Lullaby et moi avions pris des distances. Je devais bien me l’admettre, j’avais cherché à créer celles-ci. Je tremblais toujours autant que ce soit en plein moment de lucidité ou bien tout au contraire en revivant ce fameux jour d’il y a un peu plus d’un an dans mes pires cauchemars. C’est en début de semaine, que je recevais un sms de ma sœur, voilà un autre sujet. Je savais pertinemment que je me montrais moins présent avec ma sœur, comme avec Jensen parfois. On avait grandi et elle n’avait plus besoin de moi comme autrefois. Ce n’était pas un mal, après tout je savais que si elle avait besoin de moi, je répondrais toujours présent. Une fois de plus, je montais sur ma fidèle monture pour venir en aide à ma sœur. Je ne posais aucune question, j’estimais qu’elle pourrait m’en parler si bon lui semblait. Après tout, qui étais-je pour réprimer certaine chose ? J’avais plusieurs squelettes dans le placard, notamment mon passé de toxicomane. J’avais eu la chance de faire la rencontre de Lullaby, elle m’avait sorti d’une pagaille pas croyable. J’étais passé plus d’une fois à un cheveu de sauter de la falaise de la mort, avec toutes ces cochonneries que je prenais. Je me souvenais aussi que Torrey avait elle aussi eu son moment, mais comme bien d’autre chose je n’avais pas été présent. Ma vie de militaire me privait souvent de ces moments, comme la naissance de ma fille Nora. Parfois, je repensais à ceci en me disant que si j’avais fait le choix de ne pas m’engagé ma vie aurait été tellement différente. Puis, je pensais que je n’aurais peut-être jamais connu ma femme. J’étais marié, même si ça datait d’octobre, me dire que j’avais passé ce cap, me semblait encore éphémère. Bref. J’acceptais de la rejoindre à l’endroit qu’elle m’indiquait et à l’heure précise.

Sur la route pour me rendre à l’hôpital, je laissais mes doigts remuer sur mon volant. Je n’étais pas nerveux, seulement quelque peu inquiet et j’avais sans doute abusé de redbull. À la radio, une chanson de Justin Bieber résonnait dans mes haut-parleurs et je changeais de chaîne. Autant éviter de me rendre ronchon. Je me garais dans le parking de l’hôpital et j’arrivais pile à 15 heures. Retirant mes lunettes de soleil en entrant, j’allais rejoindre Torrey. Je la saluais d’un signe de la main. « Hé. » Généralement, j’étais plus affectueux, surtout avec ma famille, enfin ma sœur, mon frères et mes cousins. « Désolé, je crois que Nora m’a refilé un truc. », disais-je pour me justifier. Seulement, je tentais simplement de cacher mes tremblements constants. Je glissais donc mes mains dans mes poches de jeans pour ainsi atténuer ceux-ci. Je regardais ensuite la brunette près de moi, je voyais bien que quelque chose n’allait pas. Même si je ne passais plus autant au près d’elle, il y a des choses qui se ressentent. Je relevais mon regard pour regarder l’insigne des A.A, certaines personnes comme nous restaient à l’écart, alors que d’autre entrain d’un pas décidé. Je reportais mes prunelles verdâtres vers elle. Je ne pouvais pas faire le premier pas. Ce n’était pas à moi à franchir cette porte, mes sourcils se froncèrent en la voyant me regarder. Je pouvais être aimable et souriant, mais parfois, l’air solennel du militaire revenait malgré moi. Je ne cherchais pas à aborder celui-ci, mais depuis bien trop de temps j’avais dut le porter sur mon visage. Pourtant, je devais être le plus compréhensible de la famille pour cela. On n’avait pas le meilleur père, mais il n’avait jamais cherché à corriger cela. Jensen était le frère parfait, qui ne buvait jamais d’alcool ni se droguait. Quant à moi, j’étais le frère qu’on reprochait d’être parti – un peu comme notre mère – et qui avait fragmenté son âme pour sauver sa vie et celle de son pays. Je n’étais pas parfait, je n’étais pas le gentil, même si quelques personnes pouvaient dire le contraire. Elle finissait par ouvrir la bouche et je l’écoutais haussant un sourcil. « Je pense simplement que si on est ici, c’est parce que tu le veux bien. Tu m’as appelé parce que tu avais besoin de moi et je suis là pour t’aider, non pour te juger. » Un sourire se glissait doucement sur mes lèvres. « Je pourrais te passer un savon, mais je suis le moins placé pour le faire. Si c’était ton intention, il fallait appeler Jensen. », continuais-je en lui faisant un clin d’œil. « Tu n’as plus 5 ans Torrey. Même s’il nous est arrivé de faire des erreurs, ce n’étais pas en étant adulte qu’on devient parfait. » Mon sourire s’élargissait, révélant quelques rides au coin de mes yeux. « Tu crois qu’ils servent de quoi de bon à bouffer ? » Mon sourire se transformait en une petite moue boudeuse. Rester sérieux ce n’était pas fait pour moi, mais si je savais le faire. Seulement, devant ma sœur c’était quelque chose que je ne tenais pas particulièrement à faire. Non, je préférais la voir sourire plutôt que de lavoir avec cet air de culpabilité. Je tournais mon regard vers elle, laissant ma lèvre trembler. L’air piteux ne m’allait pas bien, mais qu’importe si je pouvais lui décrocher un sourire c’était déjà ça de gagné.