Plongé dans ses copies comme toutes les autres fois, James ne faisait pas attention aux étudiants qui allaient et venaient dans la bibliothèque. Aujourd'hui il n'avait pas eu envie de rester enfermé dans son bureau et puis la bibliothèque était un de ses lieux favoris. Étudiant, il passait ses journées là-bas quand il n'avait pas cours et avait même obtenu un job pour y travailler pendant l'année. Au moins ici, personne ne pourrait le déranger car le silence était de rigueur. Un léger sourire s'afficha sur son visage lorsqu'il se remémora des souvenirs, ceux où il avait renvoyé des étudiants parce qu'ils avaient été trop bruyants, le professeur avait pris un malin plaisir à les faire sortir ; en même temps, il s'agissait d'élèves qui n'en avaient rien à faire des cours, probablement des gosses de riches qui profitaient de la fortune de leurs parents et estimaient qu'ils n'avaient pas besoin de travailler puisqu'ils auraient toujours le soutien de leurs géniteurs. ¡Qué cabrones! pensa le jeune homme. James avait grandi dans une famille avec des revenus aisés mais il n'avait jamais agi de la sorte comme quoi, tout venait de l'éducation que recevait les enfants. Sur le coup, il remerciait ses parents d'avoir été strict. En effet, le professeur ne montrait pas vraiment ses sentiments à ses parents parce que premièrement avec son père, c'était la relation normale qu'un père ait avec son fils, ils ne partageaient pas leurs inquiétudes mais gardaient tout pour eux, pensant qu'ils pouvaient tout encaisser et deuxièmement, avec sa mère qui était un peu trop collante, James avait tendance à fuir, à s'éloigner pour ne pas étouffer.

James avait réservé une table de plusieurs places dans un coin de la bibliothèque où généralement, personne ne venait, peut-être parce que c'était un lieu un peu trop isolé. De toute façon, ça l'arrangeait qu'il n'y ait que lui, il pouvait ainsi s'étaler. Méticuleux, il avait fait plusieurs colonnes séparées par ordre alphabétique comme ça, ce serait plus facile pour rentrer les notes. A cet instant, il relisait un devoir d'un certain Peter, il reconnaissait le nom de famille, à force de corriger les production de ses élèves. Il laissa un commentaire plutôt sarcastique car cet étudiant faisait du n'importe quoi et ne prenait pas le cours de James au sérieux, on pouvait le voir rien qu'en lisant le contenu de son devoir.Je me demande quand allez-vous écrire comme un étudiant et non un collégien. Je suis certain qu'Eva Perón aurait aimé vous remettre les idées en place!Il était à présent arrivé à la moitié de la liste quand il entendit quelqu'un s'approcher. Il ne prit même pas la peine de lever la tête qu'il s'adressa à l'inconnu. « Cette table est réservé pour le reste de la journée ! » dit-il sur un ton neutre accompagné tout de même d'un léger sourire que probablement la personne face à lui ne pouvait voir. Il n'était pas agacé ou quoi que ce soit d'autre, c'est juste qu'il voulait être seul et même s'il y avait du monde à la bibliothèque aujourd'hui, la personne qui avait fait intrusion pourrait trouver un autre endroit. En général, les étudiants arrivaient à travailler un peu n'importe où. Lui, c'était différent, il devait se trimballer avec des copies, en plus il devait y faire attention car si on apprenait qu'il avait perdu une copie, là, il serait agacé. Fort heureusement, ça ne lui était pas encore arrivé. Il commença à s'attaquer à la copie suivante au moment où il entendit qu'on déposait des bouquins. Soit cette personne ne comprenait la langue qu'il parlait soit il faisait exprès. James n'était pas quelqu'un d'exécrable, c'est juste qu'il aimait la solitude.

James comprenait que l'inconnu qui s'était installé à sa table était loin de partir. Il releva donc la tête pour voir à quoi ressemblait cet étudiant vue la manière dont il avait déposé ses affaires sur la table, il avait imaginé un sportif plutôt costaud, mais loin de là, il s'agissait d'un jeune homme en fauteuil roulant. Quoi qu'il aurait pu être sportif avant d'être dans ce fauteuil. Bref, il n'allait pas tarder sur ce détail. Et puis, c'était un étudiant comme un autre, alors il n'allait pas être désolé pour quoi que ce soit. James n'avait pas de pitié pour les personnes handicapées car il pensait qu'elles ne voulaient pas de pitié, qu'on les regarde autrement parce qu'elles avaient un handicap. Alors il agissait normalement. Et puis, c'était probablement la meilleure chose à faire. Il espérait que l'étudiant ne le prenne pas mal. « Et pourquoi ce ne serait pas ma table ? » il le regarda droit dans les yeux, il n'allait pas éviter son regard pour une quelconque raison. L'étudiant avait le visage fermé, il semblait le défier, à croire qu'il était de mauvaise humeur tandis que les traits de James étaient lisses.  « J'imagine qu'on vous surnomme rebelle, non?! »un léger sourire apparut sur le visage du professeur car il avait compris que ce jeune homme était bien installé et qu'il ne comptait pas partir, ayant déposé ses bouquins ainsi qu'un paquet de gâteau, ce qui le fit sourire à nouveau.

Alors il remarqua le livre qu'il tenait à la main, une œuvre de Stevenson, un classique. « Lîle au trésor de Stevenson, vraiment, vous n'avez pas trouvé mieux comme bouquin ?! » il se mit à rigoler, au moins, le jeune étudiant semblait apprécier le livre qu'il avait entre les mains. James ne voyait pas souvent les étudiants bouquiner par plaisir mais plutôt par contrainte parce que des œuvres étaient souvent imposées. Celui de Robert Stevenson n'était certainement pas un de ses livres à lire pour le semestre. « Vous devez être en manque d'aventures ! » il ne faisait pas référence au fait qu'il soit en fauteuil roulant car aujourd'hui, même dans cet état temporaire ou permanent, il était possible de faire plein de chose. James faisait plutôt allusion aux examens qui étaient imposés aux étudiants comme chaque année. Le professeur était lui-même passé par là, il savait ce qu'était d'être fatigué, de passer son temps à réviser surtout qu'il voulait être le meilleur de sa promotion. Mais bon, il avait à présent passer ce stade et avait pour poste professeur d'espagnol à l'université. Il avait réussi à exercer le métier qu'il voulait, là où il voulait. En effet, il n'avait pas eu envie d'enseigner au collège où au lycée tout simplement parce que leur programme en langue était trop léger, alors que lui il voulait vraiment enseigner sur des sujets plus approfondis qu'on voit dans les études supérieurs et aussi parce qu'en général, les étudiants étaient un peu plus mature. Peut-être qu'aujourd'hui, il se remettait en question sur leur maturité, voyant clairement qu'ils étaient là pour s'amuser au lieu de prendre les choses sérieusement.  « Un cupcake ? »James se décida finalement à lui proposer des cupcakes qu'il était allé cherché dans sa boutique préférée. Qu'est-ce qu'il aimait ces foutus cupcakes, il finirait par devenir diabétique s'il continuait dans cette lancée. Mais bon, rien de tel quand il fallait corriger ces centaines de copies, il pouvait au moins avoir sa dose de sucre à porter de main. C'était la première fois qu'il faisait un tel geste envers un étudiant, en général il restait professionnel particulièrement lorsque les étudiantes venaient le draguer, eh oui ça lui était arrivé à maintes reprises et cela continuait à se produire. Toutefois, il fit exception à cette règle, voyant bien que celui là n'avait pas l'air de l'emmerder. A vrai dire, c'était plutôt James qui semblait vouloir faire la conversation, peut-être qu'il avait besoin de faire une pause. Il était un peu fatigué et bouleversé depuis la réapparition de Roxanne justement dans cette fameuse cupcakerie. Après deux ans d'absence, elle n'avait même pas eu le courage de venir le pour expliquer ce départ inattendu. Il avait fallu qu'il la croise dans un endroit public et par pur hasard comme si elle avait essayé de l'éviter, ce qui devait sûrement être le cas. James était toujours fâché contre elle, mais elle était de retour, donc c'était une bonne chose, non ?! Il n'allait pas être éternellement fâché contre la jeune femme. Ainsi, il avait peut-être réellement besoin de faire une pause. Et puis corriger des copies dont la plupart étaient vides, sans intérêt l'avait sûrement découragé pour un court instant. En plus, il avait le temps de les corriger, il ne devait pas les remettre pour tout de suite et comme d'habitude, il serait en avance par rapport aux autres professeurs qui le faisaient souvent à la dernière minute.