Déposant Lullaby chez ses parents, elle m’avait demandé d’aller chercher son père, Monsieur Jones, à l’église. La dernière messe du réveillon était sur le point de finir. Je poussais donc un soupire, en la regardant par la fenêtre. Une moue s’affichait sur mes lèvres, suppliant ma femme de ne pas aller chercher son père. Y pouvait pas se déplacer tout seul à son âge ? Fallait croire que non... Est-ce qu’à 45 ans, je serais assez vieux pour envoyez quelqu’un me chercher ? Je ne pensais pas, enfin j’espérais, mais j’avais la chance à ce moment là l’éventualité d’avoir un gendre était impossible. Nora serait trop jeune pour cela. Faite ce que je dis, pas ce que j’ai fait ! Elle me lançait un regard autoritaire, tenant dans ses mains Nora. Capitulant, je prenais la direction de l’église où nous avions célébré notre mariage. Il n’y avait bien que pour elle, que je pouvais être prêt à faire cela. Jusqu’à quel point pouvait-elle me contrôler, telle une vulgaire marionnette ? Je n’en avais pas la moindre idée, mais je ne savais pas lui dire non, c’était impossible, sinon qui sait ce qu’elle me balancerait par la noix ! Bon je pouvais aussi prendre la résolution 2015 de mieux m’entendre avec son père, mais ce n’était pas encore le nouvel an. Je devais me préparer mentalement pour ça et ce n’était pas derrière un volant que j’allais y arriver. Je ne pouvais pas m’empêcher de tambouriner le volant avec mes pouces. Oui, je stressais un peu. Garant la voiture à quelque pas de l’entrer, je débarquais me dirigeant vers la porte. Prenant une grande respiration, j’ouvrais la porte. Une bordel de porte beaucoup trop lourde. C’était quoi ces portes ? C’est en la refermant dans un bruit sourd, que je comprenais mon erreur en plein sermon de mon beau-père. Je passais une main sur ma nuque, nerveux et surtout gêner. J’allais prendre place sur un banc tout au fond, si j’avais pu me cacher, je l’aurais fait sans hésiter. Non au lieu de cela, je déposais mes bras sur le dossier derrière moi et mes pieds sur le dossier avant. Moi et l’église ça avait toujours été deux, je n’avais jamais aimé passer mon temps dans ce genre d’endroit. Basculant la tête vers l’arrière, je fermais les yeux un petit instant. Je reposais mon cerveau tout simplement en attendant que la messe se termine et que Monsieur, aille fini et soit fin prêt pour retourner chez lui. Encore un repas où fourchettes et couteaux allaient voler dans la pièce. Inutile de dire que ma position ne lui plaisait pas... Mais qu’est-ce que j’en avais à faire, une fois devant moi, je me relevais. Glissant mes mains dans mes poches, je me dirigeais vers la sortie. J’avais tout de l’adolescent contrarié, mais c’était ce que j’étais en quelque sorte. Ils n’auraient pas pu envoyer Andrew ou Kennedy le chercher ? C’était leur père après tout ! En fait, c’était sûrement un plan machiavélique de Lullaby pour que dans un miracle de Noël, moi et son père devenions chummy chummy... L’erreur. « Merde ! », soufflais-je en voyant ces immenses flocons tomber du ciel. Manquait plus qu’une tempête de neige en Californie pour réduire mon réveillon en cauchemar.

Des messes il en faisait tous les jours et si Holden aimait croire qu’il savait rendre chacune unique, il devait admettre que la chose avait une certaine redondance et pouvait perdre ce côté « spécial » que certains venait chercher. La messe de Noël restait un moment magique année après année. Peut être était-ce tout simplement les paroissiens eux-mêmes, et le pasteur aussi, qui projetaient leur bonne humeur et leur émerveillement dans toute l’église, impatient de partager ce moment de communion avant d’aller passer un merveilleux moment en compagnie de toute leur famille. Holden avait toujours adoré Noël. Rassembler toute sa famille et partager repas et cadeaux était juste une chose des plus agréable. C’était aussi le premier Noël sans Luke, mais Holden avait appris à accepter la douleur. Holden se reconcentra sur ce qu’il disait, bien que l’habitude lui autorisait quelques petites rêveries sans qu’il perde le fil de sa pensée. Son regard se releva sèchement sur les portes d’entrée lorsque celles-ci se refermèrent bruyamment. Il y avait toujours des retardataires se montrant plus ou moins discrets, et Holden avait appris à les tolérer, mais le nouvel arrivant n’avait rien d’anodin. Aiden. Holden tenta d’effacer l’irritation qui s’était dessinée sur son visage. Ce n’était pas à ses chers paroissiens de payer le prix de la bêtise de son gendre. Il n’en revenait d’ailleurs pas qu’il soit là, car il n’y avait qu’une seule et unique raison à sa présence : c’est lui qui allait le conduire à la maison ! Car ce n’est pas de son plein gré que le jeune homme allait mettre les pieds dans son église, ah ça non ! Ses traites d’enfants auraient pu faire l’effort de venir le chercher, non ?! Au lieu de ça ils lui envoyaient Aiden, sans doute dans un énième espoir de les faire devenir les meilleurs amis du monde ! Comme si ça allait arriver ! Il était son beau-père, et jusqu’à preuve du contraire il n’était écrit nulle part qu’il avait l’obligation de faire ami-ami avec son gendre ! Holden grinçait presque des dents en le voyant s’asseoir sur les bancs avec la grâce d’un sale gamin de huit ans ! Etait-ce trop lui demander de se tenir correctement pendant quelques minutes ? Aucun respect. Absolument aucun. Ca commençait très mal. Heureusement que le trajet n’allait pas être très long, sinon Holden n’aurait pu garantir que son gendre allait arriver à bon port ! En attendant, Holden achevait la messe dans son beau costume, passant un regard bienveillant sur l’assemblée et leur souhaitant de passer de merveilleuses fêtes et un joyeux Noël. Les enfants s’extirpaient des bancs avec impatiente, tirant leurs parents par la main, happés par l’excitation du Réveillon. Holden attendit que tout le petit monde prenne le chemin de la sortie avant de se diriger vers Aiden, son visage un masque de mépris et reflétant tout le jugement du monde. Il le suivit sans un mot, pas convaincu qu’il serait capable de s’arrêter s’il commençait à lui balancer des reproches au visage. Holden se contenta de le suivre jusqu’à la voiture, où de gros flocons tombaient déjà. Super. A quoi bon être en Californie si on ne peut même pas avoir la certitude de ne pas être embêté par la neige ? Il ne faut pas croire, en temps normal Holden aurait rêvé d’un Noël sous la neige, avec tout le romantisme que cela apporte, mais en ce moment même, coincé dans une voiture avec Aiden ? Ça ne pouvait pas être bénéfique. Holden s’engouffra dans la voiture dans un soupir agacé dès que celle-ci fut ouverte. Il jeta un coup d’œil rapide à Aiden avant de demander  d’un ton paternaliste « ça va être un problème ? » en désignant la neige d’un coup de menton. Si le gamin était pas foutu de conduire sous la neige, Holden pouvait très bien se conduire tout seul!

Pendant la fin de la messe, j’avais bien fermé les yeux. Je ne dormais néanmoins pas, non, mais je tentais simplement de ne pas réfléchir aux prochaines minutes. C’était inutile que j’essaie de trouver les mots à dire à mon beau-père. Ils n’en existaient tout simplement pas. Il suffisait de voir son regard lorsqu’il arrivait près de moi, je préférais ignorer. Si je ne faisais pas cela, c’était tout simplement foutu, j’allais aussitôt me prendre la tête pour des broutilles. Ce mec allait tout simplement me faire sortir de mes gonds. C’était ainsi entre nous et voilà tout. Au lieu de me coltiner la fureur de la belle-mère, j’avais droit à son père. Au moins, il ne nous faisait pas dormir dans des chambres à part lorsqu’il nous arrivait de coucher chez eux. Mais ne parlons pas trop vite… L’image de le voir, ainsi couché à mes côté pour me surveiller me tétanisait plus que je ne le laissais paraître. Bon, on avait eu Nora, il savait d’ores et déjà qu’on couchait ensemble, mais je n’étais pas certain qu’il acceptait cette situation. Je n’allais pas non plus avoir une discussion à ce sujet avec lui. Le malaise. Comment pourrais-je lui dire que j’aimais les petites fellations du matin ou la lingerie en dentelle qu’elle mettait pour ma plus grande admiration. Je m’étais dirigé vers la sortie, faisant mine de mutisme flagrant. Ce n’était que lorsque je poussais les grandes portes, que je laissais ce juron quitter mes lèvres. Je ne m’attendais pas à voir de la neige. Pourtant, en arrivant il n’y avait aucun signe de ce changement météorologique. Certes, il faisait froid, mais de là à dire qu’il y aurait de la neige ! Je poussais un soupire, c’était plus fort que moi. Je déverrouillais les portières à distance, le laissant prendre place dans la voiture de Lullaby. J’évitais de prendre la mienne lorsqu’on avait Nora, elle n’avait pas de siège d’enfant sur la banquette arrière. M’assoyant derrière le volant, je glissais la clé dans le contact. Je l’entendais me poser une question. « Pardon ? », disais-je en tournant mon regard vers lui. Il me désignait la neige d’un signe du menton. « Oh ! Euh… Ça ne devrait pas, enfin si je roule doucement. On n’a pas mis de pneus d’hivers… Et je n’ai pas de chaîne pour servir de crampon… » Je laissais un soupire s’échapper de mes lèvres. Je m’attendais à une réplique sanglante, c’était même une évidence. Le reproche était naturel chez lui lorsqu’il s’agissait de moi. Serais-je si pire avec mon gendre ? Très certainement, mais je préférais ne pas me le dire. Car sinon, j’allais avoir une forme d’attachement pour mon beau-père. Chose que je n’étais pas prêt à accepter. Trop tôt encore. Même si ça fait sept ans, que j’étais dans la vie de sa fille. Je quittais tranquillement le parking, sentant à quelques occasions la voiture devenir chancelante. J’allumais la radio, tentant d’écouter une quelconque émission sur la météo ou du moins sur l’état des rues. Tout ce que j’arrivais à dénicher c’était des chants de Noël. Fichu fête ! Je préférais de loin Mardi Gras, si c’était pour essayer de conduire en toute sécurité, mais en vain. Je commençais à être un tantinet nerveux, après tout cette aphasie commençait à peser lourd. Je n’aimais pas ces silences sépulcraux, c’était étouffant. Commençant à jouer du piano sur mon volant, je ne tentais pas de devenir un grand pianiste, mais ça calmait un tant soit peu mes nerfs. J’ignorais si c’était parce que j’étais tendu ou simplement parce que je n’avais pas fait gaffe, mais en un instant, on se mettait à patiner sur une fine couche de glace. Voilà ce que je craignais. Tournant d’un coup le volant en appuyant sur le frein, je sentais la voiture déraper. Et voilà qu’on se retrouvait dans le fossé près de la route. Ma tête venait percuter le volant juste avant que le coussin gonflable ne s’ouvre beaucoup trop rapidement, propulsant ma tête sur l’appui tête de mon siège.  Je laissais un souffle couper court dans le fond de ma gorge. Frottant mon front de main, je repoussais l’airbag. « Holden, ça va ? », soufflais-je. J’ignorais l’impact de tout cela, mais j’espérais qu’une chose ne pas avoir tué mon beau-père… Après j’aviserai pour la voiture…

Techniquement parlant, ce n’était pas un long trajet à faire. Ce qui aurait fait un petit bout de chemin à pied se faisait relativement rapidement en voiture, si bien qu’Holden n’estimait pas être cloître dans cet environnement pesant avec Aiden pendant trop longtemps. Son gendre lui bafouilla une réponse, et Holden roula presque les yeux au ciel. Le pasteur ne s’attendait pas à ce que le jeune Maccallister est tout l’attirail du parfait conducteur pour les jours de neige. Ils vivaient en Californie, pas dans le fin fond du Canada ! Holden l’aurai d’ailleurs pris pour un demeuré si l’autre se baladait jour et nuit avec des chaînes dans le coffre de sa voiture. Holden voulait juste savoir si l’autre était capable de conduire dans ces conditions, et pas incarner la plus peureuse des mamies et conduire à deux à l’heure. « Tant que tu nous met pas dans le caniveau » grommela-t-il en bouclant sa ceinture. Hors de question qu’ils mettent une heure à rentrer à la maison ou qu’Holden se retrouve au bord de la route à appeler une dépanneuse ou une ambulance ! Quoique dans ce cas il serait presque plus enclin à laisser Aiden se démerder et faire le reste du chemin à pied. Holden savait que le reste de la famille n’oserait pas commencer le repas sans eux, leur autorisant quelques minutes de retard, mais tout de même ! C’était le soir de Noël et tout ce que voulait Holden c’était être au chaud chez lui, entouré de sa famille, et se goinfrant de plats délicieux jusqu’à n’en plus pouvoir. Qu’Aiden soit autour de la table ou non ne changerait rien pour lui…ok, peut être vis-à-vis de Lulla, mais tout de même ! Aiden démarra la voiture et Holden se cala contre son siège, le regard résolument fixé devant lui et le visage terne. Il n’avait aucune envie de lancer la discussion. Il n’aurait pas su de quoi parler de toute manière. L’atmosphère était lourde de tension, mais c’était attendu. Aiden, sans doute las du silence qui régnait à l’intérieur du véhicule, alluma la radio. Des chants de Noël commencèrent à flotter dans l’air et ça ne dérangeait pas particulièrement Holden qui appréciait assez ces chants. Ça le mettait toujours dans l’ambiance de Noël et lui rappelait la merveilleuse soirée qu’il allait passer avec sa famille. Ses enfants étaient désormais bien trop grand pour se rabaisser à chantonner ces classiques infantiles, mais Holden se rappelait vivement ses petits bambins pousser la chansonnette, un des plus grands ou Holden lui-même les accompagnant au piano. La musique était un bon écran entre Holden et son genre, entravant une possible tentative de conversation, mais le volume n’était apparemment pas assez fort puisque le pasteur pouvait clairement entendre Aiden pianoter sur son volant, le « tac-tac » le rendant progressivement fou. Holden vissa un regard venimeux sur son gendre, la bouche ouverte près à faire une remarque, quand le véhicule pivota dangereusement sur lui-même. Il attrapa la poignée au dessus de la fenêtre pour se maintenir droit et pu que regarder avec horreur le fossé se rapprocher d’eux. Holden ferma les yeux, anticipant l’impact. C’est une main qu’il tendu devant lui, bêtement, pour se protéger. Son réflexe ma avisé lui valu de rencontrer de plein fouet l’airbag qui se déclencher. Un doigt mal positionné en paya le prix et le petit membre pivota dans un angle qui ne lui était pas favorable. Holden fut plaqué contre le dossier de son siège dans une dernière secousse avant que tout devienne immobile. Il tenait maladroitement sa main douloureuse contre son torse tandis que l’autre se chargeait de repousser l’airbag. Il en aurait presque oublié Aiden si celui ne c’était pas exprimé. « Non ça ne va pas ! » pesta-t-il avec toute la frustration du monde. Quelle question idiote, pensa-t-il. Ils venaient d’atterrir dans un fossé et Dieu sait combien de temps ça allait maintenant prendre avant qu’ils ne puissent retourner à la maison. « Bien joué Aiden, bien joué ! » siffla-t-il, le sarcasme lourd sur sa langue. Holden ouvrit violemment la porte de la voiture et en sortie en trombe, trébuchant plusieurs fois hors du fossé avant de rejoindre le bord de la route.