Je n’en pouvais plus. Cela faisait maintenant quatre heures que je me cassais la tête à apprendre je ne savais quel cours. J’en avais tellement plein la tête que je ne savais plus reconnaître ce que je révisais. J’avais besoin de prendre l’air. J’avais besoin de me changer les idées. Seulement, je ne pouvais pas me permettre de sortir. Les examens s’étaient vraiment mal passés et j’étais sûre de passer aux rattrapages. Je devais me démener au possible pour ne pas tout rater. Je serais la risée de la famille sinon. Je n’y croyais pas vraiment à ça mais c’était une bonne façon de me pousser. Je secouai la tête vivement et me penchai à nouveau sur ma feuille. J’avais du mal à lire ce que j’avais écrit. Il y avait un mélange de crayon, de surligneur, de notes un peu partout. Je n’étais même plus capable de comprendre mon organisation. Je frottai mes yeux quelques minutes et essayai de me reconcentrer. Je faisais mon possible pour ne pas abandonner. J’avais déjà passé des nuits entières à travailler sur des dossiers, dont certains que j’aurais dû faire avec d’autres, je pouvais y arriver.

Je finis par fermer brutalement mon trieur. Ce n’était pas la peine de continuer, je n’allais rien retenir. Il fallait que j’arrête de me voiler la face. Mon année était plus que compromise. Je me levai et marchai jusqu’au salon pour découvrir que j’étais seule. Mince, je pensais que j’allais pouvoir me détendre avec les gars. Je regardai l’heure sur le four et me retournai vivement vers la fenêtre. Je ne m’étais pas rendue compte qu’il était aussi tard. Le soleil commençait déjà à se coucher. J’ouvris le frigo pour voir ce que je pouvais me faire à manger, mais rien ne me plaisait et je n’avais pas faim. Je pris mon sac et sortis de l’appartement. Je n’avais aucune idée d’où j’allais aller. J’avais juste besoin de prendre l’air, de sortir de cet espace vide. Rapidement, je me dirigeai vers un autre quartier. Je n’avais pas envie de me rappeler que je faisais partie d’une grande famille et donc que je devais réussir à tout prix.

Sans même y penser, mes pas me menèrent vers le lieu de ma dernière grande soirée. Enfin, j’avais l’impression de reconnaître les lieux, mais je n’étais pas sûre à vrai dire. La soirée était encore très floue pour moi. Seuls les souvenirs les plus cuisants me restaient en tête, ce que j’aurais voulu supprimer à tout prix. Je n’avais toujours pas vu mon frère depuis et ce n’était pas plus mal. Je n’avais pas non plus pris de nouvelles auprès de mes parents et j’espérai qu’ils ne se doutent de rien. Avec un peu de chance, ils penseraient que mes examens étaient encore en cours et que j’étais encore plongée dans mes révisions, ce qui n’était pas totalement faux.

J’entrai dans le Sweet Nothing et saluai les serveurs. Je reconnaissais certains de l’université, d’autres parce que c’était loin d’être ma première visite. J’allai directement vers le fond de la salle pour m’installer sur l’une des banquettes. J’attrapai la carte des boissons, hésitante quant à mon choix. Est-ce que je prenais un peu d’alcool au risque de faire pire que la dernière fois ? Ou restai-je soft pour ne pas me faire remarquer ? Je passai la main dans mes cheveux incapable de me décider, encore une fois.

Je soupirais en pensant à toutes les personnes riches qui avaient suffisamment de moyen pour passer leur vie entière sans jamais travailler, qui peuvent déménager ou bon leur semble dans une villa bien trop grande pour eux, qui peuvent entrer dans n'importe quelle école simplement en leur donnant de l'argent... Qui peuvent... Assez rêvé, ce n'était pas moi. Je devais bosser presque chaque soir au Sweet Nothing pour pouvoir payer ma part de la collocation et financer mes études, je devais me démener en plus sur le plan scolaire pour avoir la bourse, non vraiment la vie d'étudiant est parfois dure.

Mais elle est drôle aussi parfois, on y fait de super rencontres comme Cordélia ma meilleure amie, mais aussi de très mauvaise comme Kennedy Jones. Il n'empêche que même si on s'amuse beaucoup, j'ai hâte que se soit fini. Actuellement, j'étais au boulot et oui être serveur c'est cool que dans les films car passer la soirée à serpenter entre les tables un plateau et un verre sur une main, ça fatigue mais surtout ça lasse vite. M'enfin des fois, on passe de bonne soirée, certain client me font rire surtout ceux qui boivent un peu trop et qui font n'importe quoi. C'est clair que le client de l'autre jour qui m'a mis une droite était moins drôle, mais en général, il y avait peu de risque dans métier.

Alors que je m'apprêtais à aller prendre la commande de la table du fond, je vis un visage que je connaissais bien, elle était étudiante à l'université et s'appelait Roxanna, je la connaissais de vue, mais tout le monde se connait plus ou moins là bas. Et puis c'était aussi une cliente plus ou moins régulière du Sweet Nothing. C'est tout sourire et avec mon éternelle et irrésistible envie de faire chier les autres que j'allais m'asseoir en face d'elle, les yeux pleins de malices.

"Coucou, qu'est ce je te sers ?"

Toujours indécise, je ne cherchai pas à trouver la réponse sur la carte. Je savais que je ne passerai que plus de temps à me perdre dans les descriptions. Je préférai regarder autour de moi en espérant croiser le regard d’un visage connu. Mais il n’y avait personne de mes connaissances ce soir. Peut-être viendraient-elles plus tard dans la soirée, mais pour l’instant je devais me contenter de ma seule présence. C’était alors que je vis un serveur se diriger vers moi. C’était Alec si je me souvenais bien. Je savais qu’il allait dans la même université que moi, même s’il ne devait pas faire les mêmes études. Je connaissais son nom juste pour l’avoir entendu plusieurs fois dans la bouche des autres serveurs du bar. Je le vis s’avancer avec un grand sourire vers moi. Je le lui rendis avec joie avant de froncer légèrement les sourcils en le voyant s’asseoir en face de moi. N’était-il pas censé avoir un travail et rester à disposition de tous les clients ?

Salut ! Tu sers les gens assis maintenant ? Je ne connaissais pas cette nouvelle technique. Faudrait que tu me montres comment on fait parce que je ne vois pas !

Mon sourire s’agrandit un peu plus. Je ne savais pas pourquoi, mais sa malice m’avait contaminée et je me sentais beaucoup mieux. Mes cours et mes ratés me semblaient loin tout d’un coup. Parfois, il ne me fallait pas grand-chose pour me changer les idées et Alec semblait avoir ce petit truc par sa joie contagieuse. D’ailleurs, cela me faisait penser à la dernière fois que je l’avais vu. Je crois que c’était après ma soirée catastrophique. Je devais être en direction de la bibliothèque ou une histoire du même style. Il m’a fait un de ses sourires moqueurs, je n’avais pas fait attention sur le coup, mais je me demandai bien pourquoi maintenant. Je ne me rappelais pas m’être ridiculisée devant lui jusqu’à présent et on n’était pas assez proche pour se comprendre par les signes.

Eh au fait, j’avais fait quoi la dernière fois pour que tu te moques de moi en plein milieu de l’université ?

Au moins, il ne pourra pas me reprocher de ne pas être directe. En attendant sa réponse, je me replongeai dans la lecture de la carte mais il n’y avait vraiment rien qui me plaisait. Je ne savais même pas si je devais regarder les boissons avec alcool ou sans. Je la reposai sans conviction et je plantai mon regard dans celui du jeune homme.

Je ne sais pas quoi prendre aujourd’hui. Tu n’aurais pas une idée pour moi ? Ou peut-être une nouvelle recette que tu aimerais essayer ? Oui je suis prête à goûter tes boissons, quitte à finir à l’hôpital !