Normalement, quand quelqu'un vous dit : "Je t'aime", cela doit vous transporter de joie et vous embaumer le cœur ? Et bah là... C'était tout le contraire. Cela me dévastait encore plus de l'intérieur. Je regrettais juste qu'il ne me l'ait pas dit avant... Pourquoi avait-il attendu trois ans ? Pourquoi pas trois jours ? Pour la même raison qui l'avait poussé à me laisser tomber, ce n'était qu'un gamin de 16 ans à l'époque. Et moi, je n'étais qu'une gamine de 19, qu'une pauvre fille qui l'avait attendu autant qu'elle avait pu. Mais maintenant cette jeune femme avait arrêté de croire au conte de fées, arrêté de croire que le prince charmant allait revenir avec ses cheveux blonds. Heu... Son cheval blanc. Bref, tout ça pour dire que je ne savais plus où j'en étais. Je lui expliquais que je ne lui en voulais pas parce qu'il était parti, car dans le fond, j'aurais fait ma même chose à sa place. Mais parce qu'il n'était jamais revenu. Je levais les yeux vers le ciel noir de cette chaude nuit pasadenienne puis les reposaient sur le visage de Calvin. "Non, ça n'aurait pas été pire, car j'avais besoin de toi !" Ma voix se brisait quelque peu et je fus obligée de respirer un bon coup avant de reprendre : "Je n'avais pas besoin de quelqu'un d'autre, ni de plus vieux, ni de plus responsable, ni de plus mature. J'avais besoin de TOI." Je mettais l'accent sur ce dernier mots, car il était le plus important de tous. J'hésitais un moment avant d'ajouter si bas que je n'étais pas certaine qu'il l'entende : "Car c'est toi que j'aimais..." Ça me faisait mal de le dire, ne serait-ce que de le penser me faisait souffrir, mais c'était la vérité. À l'époque, j'avais des sentiments pour ce blondinet bidon. Maintenant ? Je n'en savais rien et c'était bien ça qui me perturbait. Alors qu'il me parlait de l'enfant, je craquais et me mis à pleurer. J'aurais voulu me montrer forte face à lui, mais je n'y arrivais pas. C'était au-dessus de mes forces surtout qu'il évoquait la plus grosse erreur de ma vie. Pire que celle que j'avais faite lors de mon overdose. Oui, car je regrettais d'avoir avorté. Moi aussi j'avais eu la trouille et j'avais abandonné quelque chose, quelqu'un. Ce n'était pas la fille que j'aimais, mais juste le truc qui avait poussé dans mon ventre. Je portais cette espèce de deuil comme je le pouvais et lui il appuyait sur le bouton, sur la plaie, pour me toucher encore plus. Je reculais donc pour venir butter contre ce lampadaire. Je finis par lui dire qu'il réalisait les choses trop tard. En disant cela, j'arrivais à me calmer un minimum et j'essuyais les larmes qui coulaient sur mes joues. Seulement, il ne s'arrêtait pas et revenait à la charge. Encore. Je serrais les poings pour ne pas basculer une nouvelle fois. "Et alors !?" Dis-je plus fort. Ma rage, ma colère avait refait surface, le pauvre. "Tu veux que je te dise quoi ?" Demandais-je en attendant la réponse avec impatience. Car là, je ne savais vraiment pas quoi faire. S'il pouvait éclairer ma lanterne, ce serait gentil. "Tu m'aimes, c'est bien... Mais qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ?" Franchement, moi, je n'en avais pas la moindre idée.

Le dire au passé ou au présent ? Ce n'était qu'une histoire de temps après tout. Quelle importance cela avait ? Une grande justement. Cela changeait tout. Je l'avais dit au passé. J'avais dit que je l'aimais, avant. Mais était-ce vrai ? Oui, à l'époque, je l'aimais. Et maintenant ? Serais-je capable de le dire au présent ? Je n'en savais rien du tout. On n'oublie pas un homme qu'on aime aussi facilement. C'est dur et ça prend du temps. Malgré toute notre volonté, les souvenirs et les regrets restent. Avais-je oublié ce que je ressentais pour lui ? Non, ça s'était certain... Je ne savais juste plus où j'en étais à cet instant. De plus, je n'arrivais pas à réfléchir correctement et cela m'énervait. Pourquoi fallait-il qu'il m'explique tout ça alors que j'avais quelques, trop, de verres dans le nez ? Dans mon état naturel, j'aurais été capable de lui dire de partir, de lui dire que je ne voulais plus jamais le revoir et d'aller voir ailleurs si j'y étais. Je le savais, car je l'avais déjà fait au supermarché. Mais là, je n'y arrivais pas, c'était au-dessus de mes forces. Dans le fond, je savais que je n'y parvenais pas parce que ce n'était pas totalement vrai et que la boisson m'empêchait juste de mentir. J'avais toujours ce petit sentiment en moi qui s'accrochait à lui, à ce qu'on aurait pu être. Était-il si petit que ça ce sentiment ? Telle était la question. Je tentais de me convaincre qu'il n'était qu'insignifiant, mais je n'y croyais pas vraiment. C'était horrible... Je ne voulais plus avoir affaire à Calvin pourtant quand il disait m'aimer ça me perturbait. Tellement que je ne savais plus quoi faire, plus quoi penser, plus quoi dire. Finalement, je tentais une ultime fois de le remballer. Je lui demandais ce que le fait qu'il m'aime changeait ? Mais je le savais, dans le plus profond de mon être, j'avais la réponse. Cela changeait tout. Je pensais qu'il m'avait abandonné, car il n'en avait rien à faire de moi. Seulement, il me disait le contraire... Je feignais l'indifférence et cela marchait. Hallelujah, il arrêtait de me persécuter. Il allait me laisser ! C'était la plus bonne nouvelle de ma vie, mais aussi la pire... Ce n'était pas logique... Mais en ce moment, ce que je ressentais ne l'était pas. Par contre, s'il pensait pouvoir me ramener chez moi, il se mettait le doigt dans l'œil. "Ma voiture est... Trop loin." Je soupirais. "Et puis, tu ne me ramèneras pas, c'est hors de question. Jamais tu ne l'as fait quand on était ensemble, ce n'est pas maintenant que ça va commencer." J'étais ferme sur ce point. "Je vais rentrer à pied." Je désignais un immeuble juste au coin de la rue. "Ma grande sœur habite juste là." Je me tournais de nouveau vers lui. "Je vais aller chez elle et je te conseille de ne pas approcher, ni de me suivre, sinon je la lâche en lui disant que c'est toi qui m'as mise enceinte, il a trois ans." Connaissant Melody, si je lui disais un truc pareil, elle allait se jeter sur lui, même si je la réveillais au milieu de la nuit. "Allez, au revoir Cal !" Je me tournais, sans rien lui dire de plus en commençait à marcher. Je ne regardais pas en arrière et fixais le sol pour ne pas tomber. Je voyais un peu flou, je recommençais à pleurer alors que je devrais être contente. J'avais ce que je voulais, la paix. Pourtant, je ne l'étais pas du tout...